Pendant toute cette semaine, alors qu'approche l'anniversaire du confinement, nous vous proposons une série de zooms pour aller à la rencontre de ceux dont on a peu parlé mais dont la vie a été profondément bouleversée par le Covid. Depuis un an, le virus qualifié de "chinois" a libéré une parole raciste latente.
Les mots étaient inscrits, presque gravés sur sa porte, une insulte raciste au stylo bille : "Dehors les jaunes". C'était le 13 novembre, en plein deuxième confinement, Jean-Christophe, 21 ans rentre dans l'appartement familial : "Ici, juste au-dessus du judas. Si vous passez votre doigt, vous sentez encore les traces de stylo. Ça vous bouffe !"
Car Jean-Christophe est un étudiant brillant, issu d'un couple mixte franco-philippin, très intégré dans la ville d'Eaubonne, dans le Val d'Oise, où il a toujours vécu, et jusqu'à la crise du Covid, il n'avait jamais été victime d'actes racistes aussi violents : "C'est vraiment un sentiment d'injustice", s'écrie-t-il. "Quand j'étais au collège, au lycée, il y avait des moqueries sur des stéréotypes concernant votre sexe ou vos habitudes culturelles. Avec la crise sanitaire que l'on connaît, on arrive sur de la violence physique. On a peur pour ses proches. Je pense évidemment à ma maman qui prend les transports en commun."
"L'arrêt de bus est à deux minutes à pied, je peux le voir depuis mon balcon. Quand je sais qu'elle arrive, je regarde par le balcon. On ne sait jamais."
Cette vigilance et cette inquiétude sont apparues peu de temps avant le premier confinement, quand le virus a commencé à faire les gros titres de la presse : "Dans l'ascenseur, les enfants ne rentraient pas forcément avec ma mère ou avec moi-même. Et même dans les transports, moi qui suis un habitué du rhume des foins, les personnes ne vont pas se mettre à côté de vous."
"C'est devenu des remarques assez méchantes sur le fait d'avoir causé la situation dans laquelle on se trouve depuis un an."
Et des témoignages d'agressions comme celui de Jean-Christophe, le comité "Sécurité pour tous", qui fédère depuis 20 ans plus d'une quarantaine d'associations de la communauté asiatique, en a rassemblé des dizaines avec selon son porte-parole Sun Lay Tan, une évolution radicale au cours de l'année qui vient de s'écouler : "En mars, on entend dans les journaux, "un virus qui vient de Chine". Donc, toutes les personnes d'origine asiatique sont stigmatisées. C'est la peur de quelque chose qu'on ne maîtrise pas. Je peux comprendre qu'à un moment les gens aient un retrait. Mais à l'automne 2020, le soir même de l'annonce du deuxième confinement, il y a eu une série de tweets visant clairement les Chinois."
"Les soirs qui ont suivi, il y a eu une série d'agressions : un jeune qui a sorti son chien s'est fait déboîter l'épaule, une personne à qui on arrache les cheveux à la sortie du bus... Là c'est vraiment du racisme, et c'est ça qui est nouveau !"
Nouveau et évidemment condamnable. Le 24 mars prochain, cinq auteurs de tweets ouvertement racistes, postés après l'annonce du deuxième confinement seront jugés. À l'initiative de la plainte, Maître Soc Lam, avocat au barreau de Paris et quatre de ses clients agressés après l'envoi de ces messages : "Ce sont des messages qui appellent à la violence, au viol, au meurtre, il y a une haine réelle contre les asiatiques. Ça a servi à certains pour passer à l'acte. Il y a avait un terreau."
Un terreau raciste s'est donc révélé l'année dernière
La preuve, selon la chercheuse et spécialiste des communautés asiatiques et de la question raciale, Anne Zhou-Talamy, c'est l'apparition du variant britannique qui n'a lui, pas provoqué d'agressions contre des Anglais : "La différence avec les Anglais, c'est qu'ils ne sont pas racialisés, il n'y a pas de clichés sur les Anglais qui ont un impact sur la vie quotidienne de ces personnes. Dans le cas des Asiatiques, on parle de stéréotypes sur l'insalubrité des habitudes alimentaires. C'est ce type de stéréotypes qui sont à l'origine de ce qui s'est passé lors de l'apparition de la pandémie."
Selon les associations, en Île-de-France un Asiatique est agressé en moyenne tous les deux jours. Mais depuis la crise du Covid, ils sont deux fois plus nombreux à porter plainte.ta
L'équipe
- Production
- Journaliste