Le tramway, de la transformation des centres-villes à celle des villes périphériques ?

Le tramway de Nantes
Le tramway de Nantes ©Maxppp
Le tramway de Nantes ©Maxppp
Le tramway de Nantes ©Maxppp
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Tout l'été dans Les choses de la ville, on décortique les objets de nos villes avec ceux qui les conçoivent ou les habitent. Ce samedi, on prend le tramway, à Nantes, avec Anne Grillet-Aubert, maître de conférences à l’école d'architecture de Paris-Belleville.

Avec
  • Anne Grillet-Aubert Architecte

Rendez-vous à Nantes pour prendre le tram en compagnie d’Anne Grillet-Aubert, enseignant-chercheur à l’école d’architecture de Paris-Belleville et spécialiste du Tramway. Nous sommes dans l’une des grandes artères de la ville, le cours des 50 otages, transformé il y a quelques décennies pour accueillir le nouveau tramway. 

Là nous sommes sur le cours des 50 otages, et justement, c’est un des premiers grands projets urbains associé au tramway. Ici jusque dans les années 1990, vous aviez six files de circulation automobile. C’était un grand axe, une pénétrante automobile dans la ville, qui la coupait en deux entre est et ouest. L’insertion du tramway a fait l’objet d’un grand concours sur la requalification complète de la ville et de suture entre les parties est et ouest. 

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Nous avons pu voir, dans de nombreuses métropoles françaises, des grands boulevards très denses, se transformer comme cela, avec l’arrivée d’un tramway. Mais on oublie parfois que parmi ces villes, beaucoup avaient déjà eu leur réseau de tramway quelques décennies auparavant.  C’est le cas notamment d’Angers, de Dijon, Lyon, ou Paris. De Nantes, également, où le tramway historique de la ville avait été mis en service vers la fin du 19ème siècle, jusqu’en 1958, avant la construction de ce nouveau réseau, moins de 30 ans plus tard. 

C’est la première ville qui a réintégré le tramway en France, la première en 1985, puisqu’il y avait des réseaux de tramway qui étaient extrêmement développés jusqu’au début du vingtième siècle. Ils ont été complètement démantelés de 1949 à 1965, essentiellement durant la décennie qui est celle de l’affirmation de l’automobile.

Si aujourd’hui on a bien conscience des limites de la voiture en ville - au-delà des questions écologiques, pour la place qu’elle prend par rapport au faible nombre de personnes qu’elle transporte, ça n’a pas été facile, à l’origine, de dégager toutes ces routes pour laisser la place au tram. On s’en rend compte d’ailleurs à Nantes, en empruntant la ligne Une, notamment.  Faisons un petit bout de trajet ensemble. Nous allons voir que durant une bonne partie du parcours, entre la Gare de Nantes et le Stade de la Beaujoire, les voies de tram sont confondues avec celles des trains de grande ligne. À l’époque, le fait d’utiliser des emprises ferroviaires déjà existantes permettait de ne pas trop toucher à la circulation automobile. 

Sur la ligne 1, qui était quand même assez révolutionnaire, il était difficile de dire "on va réduire la place de l’automobile", donc le fait d’utiliser les emprises ferroviaires, permettait de ne pas complètement engager immédiatement une alternative entre la place du tramway et celle de l’automobile. Elle a, par contre, une vocation à garantir en site propre la performance du transport collectif à un moment ou les bus étaient complètement saturés… 

Elle a effectivement vite montré son efficacité, cette première ligne de tramway. Le fait de se déplacer sur une voie dédiée, un « site propre », comme on dit, c’est la garantie d’une meilleure régularité des horaires, et d'un plus grand nombre de rotations.  Mais alors, si le tramway est si efficace, pourquoi l’avoir supprimé partout où il était implanté, en France, durant la seconde moitié du 20ème siècle ? Parce que face à la demande, il fallait laisser plus de place à la voiture, nous le disions. Mais aussi parce que le tramway d’hier était assez différent de celui d’aujourd’hui. En matière de capacité déjà, on arrive aujourd’hui à des trams de 200, 300, 400 places mêmes soit deux à trois fois plus qu’un bus actuel, et cinq à six fois les anciens tramways.  Et puis, il y a la forme même des rames, beaucoup plus basses désormais, donc plus accessibles, mais également mieux intégrées au contexte.

On a parlé, parfois, des tramways comme de trottoirs roulants, ce qui est une jolie image mais qui dit bien ce qu’elle veut dire, on continue l’espace public aussi à l’intérieur du véhicule. […] À Bordeaux, c’est tellement lisse qu’on a effectivement l’impression que le véhicule est une forme de prolongement de l’espace public. 

Anne Grillet-Aubert évoque Grenoble et Bordeaux, mais nous avons pu découvrir ces trams à plancher surbaissé dans une trentaine de villes en France, avec à chaque fois une évolution profonde de la physionomie des centres anciens. Parce qu’il nécessite forcément des travaux d’aménagement lourds, ce tramway, mais aussi parce qu’il s’installe sur des distances importantes, et dans des axes à priori majeurs.  Avec tout de même une réserve, assez souvent, c’est la difficulté, à aller bien au-delà de la périphérie de ces villes. Mais à voir les prolongements en projet à Nice, Bordeaux ou Le Havre, on comprend que l’enjeu du Tramway de demain, c’est bien, justement, de s’affranchir des limites de la ville.

Les choses de la ville, en partenariat avec l'Ordre des architectes.

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