Au milieu des ruines de Mossoul... une langue

France Inter
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Le maslawi est le bien commun des mossouliotes depuis des siècles : un dialecte de l'arabe riche d'ajout turcs, kurdes et perses. Mais ses locuteurs sont aujourd'hui dispersés par l'exil et les ruines d'un centre historique encore ruiné.

On part à Mossoul ce matin, dans le centre historique que les habitants n'ont toujours pas réinvesti et on les comprend : c'est une des parties les plus endommagés (et c'est un euphémisme) par les bombardements qui ont précédé la reconquête de la seconde ville d'Irak, en juillet 2017. Le symbole de ces destructions étant la fameuse mosquée An-Nuri, un édifice vieux de 850 ans, dont le minaret incliné ornait toutes les cartes postales d'avant les destructions et qui n'est plus, aujourd'hui, que ruines. Mais comme souvent, les destructions les plus graves, les plus lourdes, sont aussi les plus silencieuses.

En l’occurrence, une des victimes de cette guerre n'est pas un édifice remarquable, ni même un souk, comme celui d'Alep en Syrie, presque entièrement détruit dès 2012. Dans le cas de Mossoul, c'est une langue qui risque de disparaître : le maslawi

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Une langue vivace mais menacée

Vous avez raison ! Beaucoup des Mossouliotes ont fui devant les combats. On pourrait donc penser que la reconstruction de la ville suffirait à redonner ses locuteurs à un dialecte. Une langue, c'est vivace et ça ne s'oublie pas si facilement.

Sauf que dans le cas du maslawi, sa raréfaction a commencé bien avant la prise de la ville par l'Etat islamique et les bombardements de 2017. En fait, ce dialecte de l'arabe ne se parlait plus que, justement, dans le centre historique de Mossoul.

Le maslawi est un mélange d'arabe, bien sûr, mais aussi de perse, de kurde et de turc, à l'image de la ville elle-même, qui tenait sa richesse et son identité de ce melting-pot aux confins de quatre cultures linguistiques et au moins autant de religions pratiquées.

Ces "r" qu'on grasseye et ces "k" profond qu'on emphatise

On pense que 90% des 60 000 habitants du centre historique le parlait, ou du moins le comprenait. Or beaucoup d'entre eux ont fui ou ont été tué soit par l'Etat islamique, soit  sous les bombardements. Or cette langue est un trésor, comme toutes d'ailleurs.

Par exemple, en maslawi on ne roule pas les « r » comme dans le reste du pays, on les grasseye, comme en français. On n'omet pas une des lettres les plus caractéristiques de l'arabe, le « k » profond, le fameux « qaf ». On l'emphatise.

Cette langue et cet accent étaient même si particuliers, que le reste des Irakiens s'en moquait un peu, la trouvant trop douce, trop légère, et pour tout dire trop féminine. Du coup, c'est une langue qui était jugée parfaite pour les mélopées arabes interminables.

Le territoire de l'Etat islamique réduit à deux villages syriens

Et quand bien même elle le serait qu'il manquerait l'essentiel. Ceux qui avaient, dans le centre historique, une bonne raison de la parler encore, c'est-à-dire les Chrétiens ont fui, souvent pour l'étranger, les Sunnites se méfient des Chiites et le maslawi en est la 1ère victime.

D'autant que l'Etat islamique bouge encore. Le temps de la « splendeur » califale est bien loin. En 2014/2015, on disait que le groupe contrôlait un territoire grand comme la Grande-Bretagne. Aujourd'hui, il est réduit à 2 villages syriens et une dizaine de kms2.

L'assaut sur ces deux villages, où sont notamment regroupés des djihadistes étrangers est d'ailleurs imminent. Mais partout où il reste des communautés sunnites, l'Etat islamique tente une stratégie de résistance, de regroupement et d'attentats terroriste

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