Il s'agissait d'un des sites archéologiques les plus précieux au monde : les grottes de Juukan en Australie. La multinationale Rio Tinto l'a dynamité en mai 2020. Récit.
L’affaire commence, ou plutôt s’achève, dans les débris d’un dynamitage minier le 23 mai dernier. Ce jour-là, la multinationale Rio Tinto qui opère un fabuleux gisement de fer à ciel ouvert dans la région de Pilbara, dans l’Ouest australien, fait tout sauter.
Ce faisant, elle fait disparaitre un site exceptionnel : les gorges de Juukan Gorge. Un complexe sacré pour les aborigènes de la région, à savoir les peuples Puutu Kunti Kurrama et Pinikura, les PKKP. Un lieu qui est aussi un site archéologique exceptionnel :
Après des fouilles préventives en 2014, on y a trouvé la preuve d’une occupation humaine continue depuis 46 000 ans ! Y compris au travers de la dernière glaciation. C’était le seul site de cette importante situé à l’intérieur des terres d’Australie.
Mieux encore, les fouilles ont mis au jour quelques objets exceptionnels, comme une ceinture faite de cheveux tressés vieille de 4 000 ans. Et le mieux et que l’analyse ADN des cheveux a permis de faire un lien direct avec les PKKP d’aujourd’hui.
La direction de Rio Tinto démissionne
Hier 3 mars, le président de Rio Tinto, Simon Thomson, a annoncé qu’il ne se représenterait pas à sa propre succession. En clair, il partira en court d’année prochaine et a ajouté pour être bien clair qu’il se sentait « responsable » de ce désastre.
C’est le dernier départ en date, puisque le PDG de la multinationale, le Français Jean-Sébastien Jaques, avait déjà démissionné en septembre, ainsi que deux autres dirigeants : Simone Niven et le patron de la filière fer du groupe, Chris Salisbury.
Ils ont été démis à la suite d’une enquête dévastatrice. Pour vous donner un seul exemple, il n’y avait pas une mais quatre possibilités de dynamitage dont trois auraient évité la destruction du site. Ensuite, si cette destruction n’était pas à proprement parler illégale, Rio Tinto savait :
L’exploitation de cette partie du gisement avait été signée en 2011. Les fouilles archéologiques datent elles de 2014. Depuis, les Aborigènes n’ont cessé de réclamer le contournement du site. Le pire, c’est qu’ils semblaient avoir été entendu par Rio Tinto :
La même année, lors d’une exposition d’art aborigène appelée « les Couleurs de notre pays », l’entreprise minière avait fait savoir tout l’intérêt qu’elle portait à ce site « très significatif ». Sauf que sur les cartes de l’entreprise, le site avait été effacé. Tant d’hypocrisie a fini par se payer.
L’ambiguïté du modèle australien…
D’un côté la richesse australienne repose pour une bonne partie - environ 10% du PIB - sur l’exploitation de gisements – fer et charbon, entre autres - incroyablement riches. De l’autre, ces ressources sont souvent assises sur des terres ancestrales aborigènes.
Certes des efforts ont été faits, mais ils sont très récents : il a, par exemple, fallu attendre 2008 pour que le Parlement et le Premier ministre australien reconnaisse le mal fait à ces Peuples premiers. La destruction de la grotte de Juukan est une caricature de ce tiraillement.
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