"Kawane" dehors ! Les Amérindiens de Colombie s'isolent du coronavirus

Les Amérindiens de Colombie s'isolent du coronavirus. Ici un homme issu de la colonie de Nukak près de San Jose del Guaviare
Les Amérindiens de Colombie s'isolent du coronavirus. Ici un homme issu de la colonie de Nukak près de San Jose del Guaviare ©Getty - Jan Sochor / Contributeur
Les Amérindiens de Colombie s'isolent du coronavirus. Ici un homme issu de la colonie de Nukak près de San Jose del Guaviare ©Getty - Jan Sochor / Contributeur
Les Amérindiens de Colombie s'isolent du coronavirus. Ici un homme issu de la colonie de Nukak près de San Jose del Guaviare ©Getty - Jan Sochor / Contributeur
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Pour les Nukak de Colombie, un peuple amérindien, retourner dans les profondeurs de la forêt amazonienne est une façon radicale de se protéger du covid-19. Ils se méfient de ces maladies apportées par les "kawane", les "blancs", qui ont déjà décimé dans le passé leurs villages.

Je suis tombé hier sur l'histoire d'un clan du peuple Nukak, un peuple amérindien qui, jusqu'à présent, vivait à une vingtaine de minutes du centre-ville de San José del Guaviare, en Colombie. On est au centre du pays, à l'orée de la forêt amazonienne.

Or il y a une semaine, une quarantaine de familles de Nukaks a décidé d'abandonner le village qu'ils occupaient pour s'enfoncer dans la forêt amazonienne dont ils étaient sortis il y a une trentaine d'années.

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S'ils ont décidé collectivement de fuir, c'est pour une très bonne raison : c'est pour se protéger du nouveau coronavirus. Il faut dire que les épidémies, ils connaissent les Nukaks : il y a trente ans, ils sont sortis de l'Amazonie justement à cause de la grippe.

Les peuples "incontactés" et le danger sanitaire

Ils faisaient à l'époque partie de ce qu'on appelle les « peuples incontactés ». Il y a une centaine de ces groupes d'Amérindiens répartis entre le Brésil, la Colombie, le Pérou, le Vénézuela et l'Equateur : des peuples qui refusent tous contacts avec les « kawene ».

Les « Kawane », c'est vous, c'est moi. Or s'ils sont incontactés, ces peuples, ils sont surtout « naïfs » médicalement. C'est-à-dire qu'ils n'ont aucune immunité face à des maladies qui nous semblent banales : la grippe, la rougeole, voire le simple rhume. Or pour eux, ces maladies peuvent être mortelles. 

Il y a donc 30 ans, ces Nukaks, après un contact fortuit avec un « kawane », sont tombés malades de la grippe. Ils ont bien failli tous mourir et, à l'époque, sont sortis de la forêt pour soigner ceux qui restaient.

Partout, les Amérindiens se barricadent et s'isolent

Dans ces cinq pays d'Amérique du Sud, la plupart de ces Amérindiens se sont auto-isolés du reste de la population, parfois en bloquant les routes, afin de se protéger de ce nouveau virus qui pourrait être pour eux particulièrement meurtrier.

La Colombie, par exemple, abrite 87 peuples amérindiens différents. Le pays compte, certes, moins d'un millier de cas de covid-19 et une vingtaine de morts mais c'est aussi le premier pays de la région à avoir détecté des cas au sein d'un de ces peuples.

La semaine dernière, deux Amérindiennes ont été testées positives. Ce sont des indiennes Yukpa qui vivent à la frontière entre la Colombie et le Vénézuéla. Ce qui, d'ailleurs, n'augure rien de bon pour la suite : le Vénézuéla étant ruiné et donc démuni.

Des villages entiers décimés dans les années 1970

Il faut faire ce qu'ils demandent : c'est-à-dire s'en tenir à distance, ne surtout pas aller les voir. La priorité pour le moment, c'est d'éviter à tous prix que le coronavirus ne les atteigne. Bref, ne surtout pas reproduire la catastrophe des années 1970 : à l'époque des missionnaires évangéliques zélés s'étaient répandus en Amazonie pour les convertir. En même temps qu'ils apportaient la « Bonne Nouvelle », ils amenaient la rougeole, la grippe, la varicelle... Des villages entiers ont ainsi été décimés.

Depuis, des « réserves » ont été définies où il est interdit de pénétrer. Mais devant une nouvelle épidémie, beaucoup d'Amérindiens ont eu le réflexe ancestral et salvateur de s'isoler, voire de s'enfoncer à nouveau dans les profondeurs de la forêt amazonienne.

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