Un traité de 1944 oblige le Mexique à livrer des millions de m3 d'eau à son voisin étasunien. Injuste, alors que le pays vit une sécheresse sévère ? Pas certain... Explications :
Direction le Mexique une "guerre de l'eau". S'il fait chaud en France, imaginez le Mexique ! Une sécheresse persistante notamment dans l'Etat de Chihuahua, frontalier du Nouveau-Mexique et du Texas.
Cet Etat très agricole, grand comme la moitié de la France, n'a reçu qu'un tiers des pluies habituelles pour l'été. Dans ces cas-là, l'agriculture locale dispose de barrages pour compenser ce déficit.
Seulement voilà : en vertu d'un traité de partage des eaux qui date de 1944, le Mexique doit verser aux Etats-Unis une énorme quantité d'eau. Or cause de la sécheresse, le Mexique a pris du retard. D'ici fin octobre, il faut absolument solder cette dette en eau.
Occupation d'un barrage dans le Chihuahua
C'est un traité international et le gouvernement mexicain ne veut pas offrir un prétexte en or à Donald Trump pour punir Mexico en pleine campagne électorale. Donc, l'Etat mexicain a ordonné d'ouvrir grand les vannes de ses barrages du Chihuahua.
Par contre, les paysans du Chihuahua, eux, ont violemment réagi. La semaine dernière, 2 000 ont pris d'assaut le barrage de La Boquilla, ont coupé les vannes et ont même incendié un générateur électrique. Les affrontements ont fait un mort. L'Etat fédéral a aussitôt envoyé des troupes pour reprendre possession du barrage. Aujourd'hui, on en est là.
C'est là que cette histoire devient passionnante : pour le moment, il y a des méchants étasuniens avides en eau et des gentils paysans mexicains assoiffés. Mais le monde n'est jamais aussi simple ! Prenons un peu de recul : d'abord, le traité de 1944 :
En fait quand le Mexique fournit un volume d'eau, les Etats-Unis en fournissent quatre. Mais l'échange ne se fait pas au même endroit : l'Etat de Chihuahua envoie la moitié de l'eau exigée par le traité ; mais c'est un autre Etat mexicain qui reçoit l'essentiel de l'eau américaine.
Ensuite, qui sont ces paysans qui veulent que l'eau du Chihuahua reste au Chihuahua. Il y a, certes, beaucoup de petits paysans mais poussés par d'énormes producteurs de coton, de tomates ou de noix de pékan. Des cultures d'exportations... vers les Etats-Unis.
Une affaire de gros sous et pas de petits paysans ruinés !
Pire ! Ces gros propriétaires n'ont pas vraiment besoin d'eau : ils ont été servi au fur et à mesure de l'été. Ils ont donc instrumentalisé la sécheresse qui frappe les petits paysans de plein fouet et ce, pour des raisons politiques.
Je m'explique : la répartition de l'eau est depuis toujours gérée au niveau fédéral. Or ces gros propriétaires rêvent de re-localiser ce partage, pour leur plus grand profit. En fomentant des troubles, ils veulent prouver par l'absurde que l'Etat fédéral est failli et en servant les « gringos » étasuniens avant les paysans du Chihuahua.
De plus, il y a des élections dans cet Etat l'année prochaine et les sondages donnent une avance à la gauche. De là à imaginer un plan ourdi par les gros propriétaires terriens et le gouverneur pour conserver le pouvoir, il y a un pas que je ne franchirais pas...
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