Le numérique au secours de la vaccination

France Inter
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Inquiet de la baisse significative du taux de vaccination chez les nourrissons (- 5 % en 2015 par rapport à 2014) le ministère de la santé cherche à rétablir, sur Internet et sur les réseaux sociaux, l'équilibre de l'information afin de ne pas laisser le champ libre aux propos alarmistes des groupes sceptiques .

Le pari est important car la santé est aujourd’hui l'un des principaux sujets de recherche des Français sur Internet.

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Déjà en 2011 plus de 80% des jeunes femmes françaises préoccupées par une question de santé allait chercher la réponse… non pas chez le médecin… mais sur Internet ! Or la santé est aussi un sujet qui peut devenir facilement anxiogène.C'est particulièrement important en ce qui concerne la vaccination, enjeu de santé publique qui touche plus que d'autres au collectif et à la solidarirté.

C'est pourquoi Marisol Touraine a annoncé cette semaine un plan de rénovation de la politique vaccinale qui comporte un volet numérique très consistant. Et heureusement, parce que la députée Sandrine Hurel qui avait été chargée voici près d’un an, d’un rapport sur la politique vaccinale , a fait ce constat préoccupant :

Sur les sites aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, il n’y a que ceux qui ont des positions contre ou qui ont des doutes, des suspicions, qui sont présents, très actifs, et on n’a pas le moyen, quand on pose une question, d’avoir quelqu’un qui vous répond autre chose. Comment faire pour mieux informer le public et être présent sur les réseaux sociaux ? C’est indispensable, il faut qu’il y ait une autre parole, une parole positive des bienfaits de la vaccination

Il n'est pas sorcier d'aller se rendre compte concrètement de cette inflation d'informations alarmistes :

Lorsqu’on cherche le mot « Vaccin » sur YouTube, 2ème moteur de recherche mondial après Google, les vidéos qui remontent sont à peu près toutes critiques voire radicalement révisionnistes dans lesquelles il est doctement expliqué que "Jamais, jamais, jamais aucun vaccin n’a apporté quoi que ce soit en terme de santé publique sauf… des maladies ! " (sic!)

Et quand on fait la même recherche sur Facebook : ne remontent QUE des groupes militants invitant à se méfier de la vaccination, voire à s’y soustraire.La seule lecture des noms de page à quelque chose d’angoissant !

Capture d'écran de groupes vaccins Facebook
Capture d'écran de groupes vaccins Facebook
© AB/RF - AB/RF

Ils sont majoritairement francophones, même s’il en existe dans beaucoup d’autres langues car le mouvement de défiance est mondial.

Pour comprendre l'origine de cette faiblesse quntitative de l'information officielle ou certifiée concernant la vaccination sur le web francophone, il faut tout simplement remonter un peu le fil du temps.

Ainsi selon l'experte en stratégie numérique dans le domaine de l'e-santé, Denise Silber , cela a beaucoup à voir avec la méfiance longtemps affichée par les institutions françaises vis à vis du web en général :

La France a passé presque les 10 premières années de l’existence du web à créer une sorte de ligne Maginot en disant « ça ne viendra pas par ici parce que n’importe qui peut dire n’importe quoi » : le pays a pris du retard !

Deuxième argument développé par Denise Silber : la culture française de la transmission du savoir reste en France très élitiste, à l’inverse des Etats-Unis

Il y a eu beaucoup d’acteurs du web dans le privé, mais dans la sphère publique de la santé, c’était épique ! En 1995 j’avais invité qui voulait venir à entendre parler du web pour la santé, ce qui était tout à fait nouveau… A l’époque Clinton et Gore avait libéré PUBMED - donc la bibliothèque nationale de la médecine - et toute personne pouvait accéder aux études : il y a eu un tel chaos dans la salle, des personnes disant « mais ce n’est pas possible de laisser tout le monde accéder à ça » !! Comment ce n’est pas réservé aux professionnels de santé ?

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Enfin troisième argument : Le milieu médical français a toujours eu un relatif mépris pour la communication

Les professions de santé, dont les institutions, ont eu beaucoup de mal à réaliser que la communication participe de la médecine. Parce que : qui ne comprend pas, qui n’apprend pas ne peut pas exécuter ce qu’il conviendrait de faire ! Donc l’information et la communication, c’est le début de l’acte médical. Mais ça a toujours été dévalorisé. Et comme il y a en plus toujours des questions de budget… Comment voulez-vous mettre de l’argent dans un site web alors qu’il manque des infirmières ou des médecins à tel ou tel endroit ? Voilà comment s’est posé le problème

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Le plan d’action de la ministre Marisol Touraine veut saisir ce problème à bras le corps et l'on peut parler d’une forme de prise de conscience numérique dans la mise en œuvre de la politique de santé publique. C’est tard mais c’est rattrapable.

Un site web dédié à la vaccination sera mis en ligne au mois de mars, il sera l'émanation de la future « Agence Nationale de Santé Publique », la même instance qui pilotera le dialogue sur les réseaux sociaux.

Mais pour cet aspect, attention ! Car si l’on en croit Denise Silber cela suppose un vrai engagement

Il faut multiplier les endroits où l’on pourra trouver cette information qu’on veut véhiculer, et aussi les méthodes. Donc bien sûr être partie prenante sur les réseaux sociaux. Mais il faut avoir des personnes qui ont la double casquette connaissance du sujet / compétence sur les réseaux pour échanger et faire du ménage dans ces dialogues : ne pas laisser traîner tous les commentaires et bien répondre avec une grande réactivité, quelle que soit l’heure de la pose du commentaire… __

24 heures sur 24…donc ! Et on peut même ajouter : 7 jours sur 7 et partout, sur toutes les plateformes : sites web, Facebook - pages, groupes, profils de militants - même chose pour Twitter, YouTube, etc. Bref partout où peuvent s'effectuer les points de contacts avec ce public inquiet ! On le voit : juguler le développement des rumeurs affolantes sur le web et rappeler honnêtement les conquêtes sanitaires de la vaccination, accepter d'échanger sereinement sur la question des effets secondaires et indésirables … c’est du temps… de multiples compétences… et du personnel et des moyens ! Il y a donc du pain sur la planche et nous verrons si les choix budgétaires du ministère permettront d’atteindre ces objectifs...

© Anne Brunel - Les Légendes du Web in_Secrets d'Info_ du vendredi 15 janvier 2016__

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