J’ai souvent évoqué l’histoires de marins pas tout à fait comme les autres. Ce ne sont pas tous des fous échappant de justesse à la mort et encore moins des gens du passé, comme si l’océan, aujourd’hui, ne pouvait plus inspirer. Pour preuve Corentin de Chatelperron. Avec ce nom qui fleure bon la noblesse de Basse Bretagne, ce fils de notaire, ingénieur, sorti d’une école catholique avait tout pour faire une tranquille carrière aux Ponts et Chaussées par exemple. Raté !
Tout bascule quand notre ami part travailler dans un chantier naval au Bengladesh. Ce pays qui fut le champion de l’utilisation du jute importe maintenant à grands frais de la résine et du tissu de verre pour fabriquer les bateaux : effet de serre, pollution , perte des savoirs traditionnels. Corentin se lance dans la réhabilitation du jute, fabrique Tara Tari, un voilier de 9 mètres. Faute de moyens financiers, c’est la débrouille et une grande partie de l’accastillage sort de poubelles ou de rebus. Pour prouver sa solidité de son engin, il entreprend de rallier le Bengladesh à la France en solitaire. Pari réussi au prix d ‘une belle odyssée. Il réinvestit l’intérêt qu’il suscite pour poursuivre le projet, rallier des universitaires et des industriels et construire Gold of Bengal ( 100 % jute, quand Tara Tari ne l’était qu’à 40 %). Le mouvement est lancé et rentre en phase pré industrielle avec des perspectives de fabrications de coques, de mobiliers et quantité d’objets. Corentin va donc se reposer ? Bien sûr que non !
Ses projets et son voyage spartiate l’ont convaincu que l’on peut faire beaucoup avec peu et que le mix des technologies traditionnelles et contemporaines set la voie. Un nouveau bateau germe dans son cerveau : Nomade des mers. Un multicoque en jute bien sûr, mais équipé de tout ce que les technologies alternatives peuvent imaginer pour tendre à l’autonomie. Une sorte de plate-forme dédiée aux innovations « low tech ». Dans la pure voie du développement collaboratif, les inventeurs de tout poils sont priés de se faire connaître et les meilleures inventions, entendez les moins énergivores, les plus simples et les moins coûteux, de préférence de récupération, prendront place à bord. Le voilier, isolé en mer, représente le comble du besoin d’autonomie, une sorte de démonstrateur flottant. Produire de l’énergie avec des algues, de l’essence naturelle, élever à bord, des poules, des algues ou des insectes, fabriquer des cordages avec de vieux plastiques, pédaler pour actionner une perceuse, se soigner avec les plantes. Le florilège proposé peut prêter à sourire. Mais qui n’aurait pas souri aux expériences de ces savants fous du 19ème qui nous ont apporté le téléphone ou l’électricité.
Corentin rêve que son navire pourra prendre la mer d’ici un an pour un tour du monde qui portera le débat et la bonne parole un peu partout.
La course au large nous a habitué aux voiliers de plus en plus sophistiqué, c’est du contraire qu’il s’agit ici.
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