Poissons des glaces

France Inter
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Poissons des glaces

La nature est fort bien faite, ou plutôt elle a mis des millénaires à s’adapter à toutes les situations même les plus extrêmes. Imaginez que vous soyez un animal à sang froid c’est-à-dire que l’intérieur de votre corps est à la température du milieu extérieur. Il y a 35 millions d’années, l’océan accueillant dans lequel vous vivez se refroidit carrément. A cause de la salinité de l’océan, la température de la mer finit par descendre jusqu’à -2 °. Vous risquez de geler et de devenir raide comme un piquet !

Vite il faut mettre de l’antigel dans le moteur !

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Parmi les 25 000 espèces de vertébrés, 15 poissons ont réussi une mutation prodigieuse et leur foie s’est mis à fabriquer une protéine qui empêche les cristaux de glace de grossir dans les organismes. Joli coup !

Ces animaux, de la famille des channithchyidés, plus familièrement « poissons des glaces », sont bizarres à plus d’un titre. Leur sang est blanc, dépourvu de l’hémoglobine qui rougit le nôtre. Ne croyez pas qu’ils n’en ont pas. Au contraire, ces espèces en ont beaucoup plus et sont pourvues d’un cœur deux fois plus gros à taille égale qu’une autre espèce. L’oxygène normalement transporté par l’hémoglobine vers les muscles est absorbé directement dans l’eau de mer qui, dans cet océan froid, se trouve en grande quantité. Encore une adaptation !

Ces drôles de poissons ont aussi un squelette partiellement fait de cartilage et non d’os, des sacs de graisse sous la peau pour mieux flotter, par exemple. Etranges bestioles, vraiment !

Il y a toutefois un point sur lequel ces espèces ne diffèrent pas beaucoup des autres c’est d’avoir l’homme comme prédateur majeur. Ce poisson à chair ferme et blanche a un goût rappelant la truite, paraît-il … je n’ai pas essayé !

En antarctique, la pêche de ces espèces dites collectivement « Poisson des glaces » a fait rage pendant les décennies 70 et 80 à tel point que les pêcheries ont dû être fermées dans les années 90 et ne reprennent que très difficilement.

Ailleurs, comme aux îles Kerguelen, on fiche la paix à ces poissons pendant un moment et cela a permis aux stocks de se reconstituer. Depuis 2013, de nouveaux quotas ont été autorisés sous contrôle scientifique. Et oui, bien gérer des pêcheries, c’est possible !

Mais le ciel (ou devrais-je dire la mer ?), n’est pas complétement dégagé sur la tête de notre poisson des glaces, car c’est le réchauffement qui maintenant menace. Ses brillantes adaptations risquent de jouer contre lui et de le rendre incapable de survivre dans une eau de quelques degrés plus chaude. 2 ° pourraient leur être fatal. Par ricochet ce sont les poissons carnivores, les manchots et les mammifères marins qui pourraient se voir privés de casse-croutes !

Avouez , qu’avec tout le mal que ce sont donnés les poissons des glaces pour s’adapter et leurs caractéristiques si extraordinaires, cela serait bien dommage qu’ils disparaissent ainsi.