A mi-parcours, le moral est excellent !

Aki Hoshide, actuel commandant de l'ISS
Aki Hoshide, actuel commandant de l'ISS - NASA/JAXA
Aki Hoshide, actuel commandant de l'ISS - NASA/JAXA
Aki Hoshide, actuel commandant de l'ISS - NASA/JAXA
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Après trois mois dans la station, Thomas Pesquet est toujours aussi motivé. Aucune friction ou conflit au sein de l'équipage, confie t-il. Pour le 14 juillet, l'astronaute a préparé un repas de fête grâce aux plats préparés par différents chefs.

Toujours ultra occupé par les différentes tâches, l'équipage 65 de la Station Spatiale Internationale semble un modèle d'entente. Chacun des septs membres veille à être bienveillant vis-à-vis des autres, explique Thomas Pesquet. Par la sélection longue et minutieuse, les astronautes ne sont pas des fortes têtes mais de modèles de diplomatie et d'empathie. Les anniversaires et autres fêtes nationales sont l'occasion pour l'équipage de se réunir. Pour un Français, un 14 juillet dans l'espace, c'est l'occasion de mettre les petits plats dans les grands. Au menu ce jour-là, le partage des mets préparés par plusieurs chefs français.

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"Pour le 14 juillet, c'est une obligation de sortir les petits plats français. J'ai tout sorti et j'ai fait un menu. Les gens m'attendent un peu au tournant donc les plats de chef, c'est jutement pour ces occasions-là. J'ai proposé un mélange avec du Alain Ducasse pour le traditionnel, du Thierry Marx qui avait cuisiné pour ma dernière mission, et la Servair d'Air France qui a cuisiné pour cette mission. Il y a eu du choix. On partage, c'est hyper convivial. Alors, on ne fait plus ça depuis longtemps à cause du COVID mais nous chacun prend une cuillérée et on se passe la poche en aluminium ou la boite de conserve. Ces plats d'exception sont typiquement pour ce genre d'occasion: un vendredi soir, un anniversaire ou bien quand on a envie de changer de l'ordinaire et de marquer le coup donc c'est extrêmement adapté au 14 juillet."

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A mi-parcours de la mission, quel est votre moral ? Y a t-il eu des conflits, des frictions et comment le commandant Aki Hoshide s'y prend t-il pour pacifier ces éventuelles situations?

"Le moral est très très bon. On a eu une première moitié de mission super remplie et ce n'est que maintenant qu'on commence à souffler maintenant que le Dragon et le Cygnus sont partis (deux vaisseaux ravitailleurs US, ndlr). Ca ne me suprend personnellement pas, il n'y a eu aucun conflit aucune friction. Je suis désolé, j'aimerais bien pouvoir vous raconter ce genre de choses car je suis sûr que ça intéresserait les gens mais non ! Mais, parce qu'ils ont été sélectionnés pour ça, les membres d'équipage sont supers ! Je connaissais bien Shane, Aki et Oleg, je savais qu'on allait bien s'entendre et je n'avais pas non plus beaucoup de doutes pour les autres. Chacun fait vraiment attention à l'autre, essaie de ne pas déranger, de se rendre compte de l'impact qu'il a l'un sur l'autre. Ce n'est pas que de la politesse. C'est la mentalité de joueurs d'équipe et de gens qui se soucient des autres. Ca c'est important dans la carrière d'un astronaute.

En tant que commandant,  Aki fait un boulot fantastique. Il n'essaie pas de diriger les gens ou de leur dire quoi faire car de toutes façons, tout le monde est professionnel et sait quoi faire, par contre il a cette faculté un peu magique d'arriver dans les moments clés. Chaque fois qu'il y a un problème ou de la frustration, de l'incompréhension lors des conversations avec le centre de contrôle, ou quand on n'arrive pas à effectuer une tâche, paf, il apparaît comme par magie. Donc je pense qu'il laisse tomber les choses qu'il est en train de faire lui-même et il vient aider. Il a cette oreille qui traine toujours pour avoir conscience de la situation et dès que ça coince un petit peu, il vient aider et met beaucoup d'huile dans les rouages. Ca aide énormément car parfois, quand on réalise une tâche tout seul, on peut être bloqué. Il suffit d'avoir quelqu'un qui nous aide et on arrive à dépasser les points de blocage. Cela évite la frustration, cela permet de ne pas se mettre en retard pour les autres activité, d'éviter le stress. Cette faculté de donner la priorité au bien-être et à la réussite collective avant ses tâches ou ses objectifs personnels, je pense que c'est comme ça qu'il faut aborder le rôle et c'est ça que je vais essayer de faire pendant ma période en tant que commandant".

Apparemment, il y a un déménagement en vue pour vous....

"Oui, il n'y a que 6 cabines dans l'ISS et on est actuellement 7.  Shane a établi ses quartiers dans le Dragon (le vaisseau de Space X qui a amené l'équipage en avril dernier,ndlr) ce qui n'est pas inconfortable car il y a des fenêtres mais cela l'oblige à roule/déroule son sac de couchage tous les soirs. C'est un peu du camping quand même et il fait un peu froid dans le Dragon. Donc la NASA a construit en 4ème vitesse une nouvelle cabine. Elle n'a pas la même structure que les autres. C'est juste une structure vide et elle est dans Colombus. Vu qu'elle est dans le laboratoire européen, c'est plutôt moi qui vais m'y installer et la différence c'est que c'est une cabine un peu plus spartiate en fait. Une cabine comporte des connexions pour brancher un ordinateur, des endroits pour attacher des choses rigides ou pour se tenir par les pieds et ne pas flotter n'importe comment dans la cabine, pour pouvoir attacher ses habits. Il y a une ventilation intégrée puisqu'évidemment on créé du CO2 en respirant et si on s'endort sans ventilation, on créé sa bulle de CO2 autour de la tête, ce qui peut provoquer des maux de tête voire pire (l'asphyxie) donc on a toujours le ventilateur allumé, on a les lumières, les hauts parleurs, les alarmes qu'on doit pouvoir entendre depuis sa cabine... De tout cela, la nouvelle cabine est démunie car il a fallu la faire très vite. Donc on est en train de pallier ça en bricolant.  Il ne faudrait pas que faute d'entendre une alarme, je reste endormi dans ma cabine".

Quelles sont ces alarmes?

"Il y a plusieurs niveaux : noire, rouge et orange (urgence, alerte et prudence). L'urgence, cela signifie qu'il faut réagir tout de suite de mémoire car la vie est en danger. C'est le feu, la dépressurisation ou une atmosphère toxique notamment l'ammoniac liquide qui se trouve dans les boucles de refroidissement de la station et qui, s'il se transforme sous forme gazeuse en raison d'une surpression et se répand dans l'atmosphère, il faut réagir très vite. L'alarme est caractéristique. On doit se mettre à l'abri puis en essaye ensuite de sauver le véhicule. On s'est entrainé pour ça et on agit par coeur. Le niveau rouge, l'alerte, peut, en absence de réaction rapide, mettre en danger le véhicule. Le centre de contrôle peut réagir et nous aussi car on a un peu plus de temps pour suivre les procédures. Enfin, le niveau jaune correspond à des petites pannes: des interrupteurs qui ne fonctionnent pas, des plombs qui sautent quelque part. C'est arrivé récemment mais on n'a pas toujours d'interaction avec ces systèmes là et c'est le centre de contrôle qui agit. On peut aussi répondre nous mêmes. Au final, ces alarmes ne se déclenchent pas si souvent mais on a toujours une petite oreille qui traine, même la nuit, pour savoir ce qui pourrait sortir des hauts parleurs."

Est-il exact que le temps ne s'écoule pas de la même manière dans l'ISS et sur terre?

"Oui, il y a deux choses: d'abord, le temps s'écoule physiquement plus lentement dans l'ISS. Cela se joue à deux ou trois millisecondes pour une mission de 6 mois donc nous rentrons un petit peu plus jeunes que nous étions restés sur terre. Cela s'explique parce qu'on vole très très vite même si on est très loin de la vitesse de la lumière. C'est à cause de la relativité d'Albert Einstein qui nous dit que plus on se déplace rapidement, plus on courbe l'espace-temps et cela change la manière dont le temps s'écoule. Donc ça c'est une chose, mais elle est très marginale. En revanche, la perception par les astronautes du temps, celui de la vie quotidienne, est apparemment changé par le fait d'être en orbite et dans l'espace et de ne pas ressentir son poids. C'est cela qu'on étudie avec l'expérience TIME (à laquelle Thomas Pesquet participe en ce moment dans l'ISS , ndlr). Pour moi, je ne sais pas s'il passe plus vite ou plus lentement. Les chercheurs ne nous le disent pas afin de ne pas fausser l'expérience. Mesurer cela consiste à reproduire beaucoup de durées différentes: 2, 3, 7, 28 secondes, 1 minute parfois en répétant, parfois en étant géné par un décompte aléatoire. Les chercheurs font passer beaucoup d'astronautes équipés d'un casque de réalité virtuelle et en flottant afin de voir comment les sujets décalent leurs références".