

Ce soir dans "Modern Love", on vous invite à voir du pays avec Lucie Azema, auteure de "Les femmes aussi sont du voyage" aux éditions Flammarion.
Soyez rassurés, ceci n’est pas un appel à "cancel" Homère ni à cramer nos exemplaires de l’Odyssée… Mais on peut quand même prendre le temps de relire ce texte fondateur à l’aune, précisément, de ce qu’il a fondé, comme mythes et surtout comme narration.
« Une bonne histoire, écrit Alice Zeniter, c’est souvent l’histoire d’un mec qui fait des trucs ».
Ici, donc, Ulysse fait des trucs, il parcourt le monde, avec panache, pendant que Penelope attend, avec patience, en bonne maman solo et stoïque.
Du côté du masculin, l’aventure, l’héroïsme, la mobilité. Du côté du féminin, la sédentarité, le domestique, l’abnégation.
Evidemment le mythe a essaimé partout dans nos imaginaires, jusque dans les mots pour dire qui voyage: un aventurier, c’est Indiana Jones, une aventurière, c’est une courtisane ou une inconsciente…
Notre invitée appelle les femmes à partir à l’aventure en solo et en mode yolo,… elle interroge aussi la sexualisation de certains territoires, ou encore la tension entre maternité et voyage.
La note vocale
Chaque semaine, un auditeur nous confie ce qu’il fait, écoute, lit, regarde, visite ou cuisine pour ne pas se faire casser la gueule par la déprime dominicale …
Ce soir, Lucas Clavel nous conte joliment ses dimanches faits de bagarres innocentes sous la couette et de café en famille. Tout un poème et c’est normal, c’est son métier. Et on peut le retrouver sur son super compte instagram: Ici
Lucie Azema
Lucie Azema est journaliste, voyageuse au long cours. Elle a vécu au Liban, en Inde, et en Iran, ou elle est installée depuis 2017. Même si "installée" n'est certainement pas le mot qui la définit le mieux.
Elle vient de publier " Les femmes aussi sont du voyage. L’émancipation par le départ" chez Flammarion. Un essai très documenté, mais aussi assez personnel qui s’adresse aux femmes qui sont déjà parties et à celles qui n’oseraient pas encore.
Extraits de l'entretien :
Lucie Azema : "C'est extrêmement pénible de scroller sur Instagram, sur les comptes de voyageuses. On retourne dans tout ce que j'essaye de dérouler dans mon livre : grâce au voyage, la femme réussit à se soustraire à la charge esthétique (quand on voyage, on ne se maquille plus on ne s'épile plus, on met un peu ce qu'on trouve comme vêtement, ou alors des choses très pratiques)... et Instagram remet ça au cœur : "il faut" aller dans les endroits les plus beaux et être et la plus belle possible. Et même plus que belle : être extrêmement sexualisée".
Au-delà des réseaux sociaux, le marketing de manière générale n'a pas intégré la voyageuse dans l'iconographie, dans le langage de la pub. Les agences de voyages ne s'adressent jamais directement aux femmes seules dans leur dans leurs messages publicitaires. Lucie Azema explique : "On retombe sur Pénélope : soit elle attend, soit elle accompagne. C'est la vision de la femme qui attend un homme qui va l'emmener au bout du monde. Une femme voyage très peu pour elle"
"Mary Seacole, qui voyageait au XIXe siècle , a raconté ses peurs de dormir dans des auberges où il y avait des esclavagistes, ou quand des enfants lui jetaient des pierres… Aujourd'hui, tout un mouvement de voyageuses noires parlent de ça, mettent en avant cet aspect des choses - aussi parce que le voyage est vraiment un lieu de colonisation".
La parole était toujours masculine sur le voyage : "Mon déclic, ça a été la lecture de Jack Kerouac. Pendant toute mon adolescence, on me l'a présenté comme le grand aventurier écrivain voyageur [...] Il passe son temps à dénigrer les femmes : "une belle petite poulette délurée", "une charmante Mexicaine en pantalon"… À partir de là, j'ai chaussé des lunettes féministes avec le récit de voyage. Et c'est aussi ça qui m'a amenée vers le projet de ce livre".
Dans ces récits masculins, justement, il y a également le pornotropic, c'est-à-dire la manière dont certains lieux ont fétichisé et asservi les femmes :
Des gens comme Nerval ou Flaubert nous ont présenté les harems comme des lieux de volupté absolue, où on passe son temps à jouir et à boire du sirop de rose, alors qu'en fait, ce sont des lieux d'esclavage
"… que ça soit pour les femmes qui y étaient enfermées ou pour les hommes qui les gardaient (qui en fait étaient des hommes enlevés en Afrique de l'Ouest et réduits en esclavage, mutilés). Ce sont des voyageuses comme Marga d’Andurain qui nous ont alertés. Elles avaient un regard différent, elles ont permis d'enlever cet angle mort du voyage"
Lucie Azema démonte aussi le mythe de "l'hospitalité sexuelle" : on disait des femmes qu'elles étaient libres et qu'elles se jetaient au cou des marins. "C'est en tous cas ce que Bougainville essaie de raconter, comme quoi les Polynésiennes n'attendaient que ça : des marins qui, après des mois en mer, n'avaient plus de dents avec le scorbut… Vraiment je pense qu'elles s'en seraient passé ! […] On voit, un peu en parallèle, que finalement, c'étaient des offrandes. Des chefs locaux offraient des jeunes femmes vierges aux marins en échange de denrées. La femme était une marchandise comme une autre et non des femmes voluptueuses, consentantes comme ça a été beaucoup raconté".
"Ce mythe de l'éden sexuel" poursuit-elle, "est un mythe qu'on retrouve de façon moderne : on a une réflexion autour du tourisme sexuel qui est très, très proche - comme quoi il y aurait des pays, notamment pour ne pas la citer la Thaïlande, où ça serait différent, où des petits garçons et des petites filles ne rêvent que de s'offrir à des hommes européens de 70 ans".
Une femme peut voyager, mais à condition de ne pas être mère ? Lucie Azema cite Olivia Gazalé et son livre "Le mythe de la virilité" : "Les hommes, les pères, sont responsables des souvenirs, des émotions ; les femmes, c'est le réel. Très concrètement, elles changent les couches et elles nettoient, et les hommes peuvent aller à l'autre bout du monde, ramener des souvenirs. Cette figure est valorisée alors que la mère qui va partir à l'autre bout du monde pour en laissant ses enfants, c'est la mère dénaturée, c'est le monstre social"
La liberté ne se demande pas poliment, elle se prend.
La programmation musicale
- Major Lazer, et Aya Nakamura, « c’est cuit »
- Tangana, « comerte entera ».
- The Velvet underground, Nico, "Sunday morning
La chronique de Lorraine de Foucher
Lorraine de Foucher tient pour le quotidien Le Monde la chronique s’aimer comme on se quitte. Des anonymes racontent le premier et le dernier jour de leur histoire d’amour.
Ces récits l' ont poussé dans les bras de livres qu'elle nous fait lire ici , par-dessus son épaule.
Aujourd’hui le livre de Molly Brodak, publié aux éditions du sous sol: "Bandit, Mémoires d'une fille de braqueur". L'autrice raconte sa propre histoire, celle d'une adolescente américaine du Michigan qui grandit avec un père braqueur de banques. Son père est surnommé Super Mario le Bandit par la presse de la région, après avoir été arrêté dans un bar en sirotant une bière, alors qu'il avait braqué 11 banques.
Son père part en prison, il sort, Molly le retrouve. Il recommence, il repart en prison.
Tout au long ce super livre, Molly Brodak questionne son rapport à son père, et son besoin de lien avec un père, même s'il ment, même s'il continue à braquer. Car l'humain est un animal social, une petite bête qui a besoin de se lier. On est pas indépendants, on est pas forts tout seuls. C'est l'insupportable vulnérabilité de l'être.
Molly Brodak écrit:
"Nous sommes une espèce sociable - telle est notre nature intrinsèque, c'est irritant mais on y peut rien. Le moindre test affectif peut le prouver : davantage que pour les gens, c'est pour les liens eux-mêmes que l'on cherche à se lier. On s'attache et ça nous définit. Sans ces attaches, on meurt. On passe la majeure partie de notre temps à affiner ou à maintenir nos relations. On persiste, même si ça nous coûte cher. Les orphelins se rassemblent en pseudo familles - pour les uns, des amis aimants, pour d'autres, des gangs de fous, des mondes virtuels, des tristes suicidaires ou encore les sectes ou les religions. Peu importe au fond, pourvu qu'il y ait du lien. Et que l'âme soit prise dans un entrelacs, quel qu'il soit. "
Cette nécessité absolue du lien, de nombreux auteurs, scientifiques, de producteurs de contenu à penser, le théorisent depuis longtemps. Qui dit lien dit attachement, et dit la fameuse théorie de l'attachement de John Bowlby qui explique que notre manière d'aimer est conditionnée à la manière dont on a été attachés pendant la petite enfance. Toujours ce besoin de lien. ..
L'amour de l'art
La lettre d’amour d’une personnalité à une œuvre qui parle d’amour.
Ce soir, le romancier David Foenkinos convoque le film « Eternal sunshine of the spotless mind » de Michel Gondry… Sublime tempête sous un crâne d’un sujet amoureux .
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