À la table de Marcel Proust

Marcel Proust
Marcel Proust ©Getty - Bernard Annebicque
Marcel Proust ©Getty - Bernard Annebicque
Marcel Proust ©Getty - Bernard Annebicque
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À l’occasion du centième anniversaire de la mort de Proust, on croque "À la Recherche du temps perdu" par tous les bouts ! De la Madeleine à la glace à la vanille des Guermantes, en passant par le bœuf en gelée de Françoise, on se met à table avec Marcel Proust.

Stéphane Solier

Professeur agrégé de Lettres classiques, Stéphane Solier enseigne à Paris. Chercheur en culture et histoire de l’alimentation, au cours de ses études doctorales il a travaillé sur la cuisine romaine antique, ses représentations littéraires, iconographiques et le discours moral qui lui est associé et a participé à ce titre à différentes publications universitaires.

Fort de son tropisme littéraire, il se consacre à l’exploration des expressions de la gourmandise dans la littérature et les arts en général. Bibliophile culinaire amateur (passionné des éditions Morel et des vieux grimoires de cuisine), il se met volontiers à table avec les écrivains de la  littérature pour découvrir les secrets de leur tambouille, comme dans ses contributions à "On va déguster la France" (éd. Marabout-France Inter, 2017) : "Rabelais par le menu", "Balzac, le gourmand intermittent", "Ode au soufflé, le mets qui ne manque pas d’air"…

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Dix années en poste dans la diplomatie culturelle à Rome ont par ailleurs nourri sa connaissance des terroirs italiens et de la culture transalpine. Outre la direction artistique du festival de cinéma Primavera del cinema francese qu’il a fondé et dont il a assuré la direction artistique pendant 8 ans (de 2004 à 2011) dans le cadre de ses fonctions à l’Ambassade de France, il y a pris la direction de rencontres gastronomiques (en 2009, à Milan, "Cuisines d’Italie et de France : deux cultures en regard" avec les chefs Guy Savoy, Massimo Bottura, Petter Nilsson, Carlo Cracco ; en 2004, à Rome, rencontres littéraires et gastro-œnologiques "Littérature et gastronomie").

Stéphane Solier
Stéphane Solier
© Radio France - Marielle Gaudry

Aujourd’hui, plus que jamais passeur culturel entre les deux pays, il participe régulièrement au jury de la sélection française du Championnat du monde de pesto de Gênes qui se déroule à Paris et fait partie du comité d’organisation du Championnat de France de panettone. Il a dernièrement participé à l’aventure d’« On va déguster l’Italie » (éd. Marabout-France Inter, 2020), qu’il a co-piloté avec François-Régis Gaudry, Alessandra Pierini, Ilaria Brunetti et Anna Maréchal.

On peut le suivre sur son Instagram bilingue (offrir ses coups de fourchette et de cœur sur ou hors des sentiers battus. )

Lectures sélectionnées dans certains ouvrages de Marcel Proust et lues par Emmanuel Gaury

  • La madeleine de Tante Léonie (Du côté de chez Swann)

« Accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée de thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine.

Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passa d’extraordinaire en moi.

Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire (…) j’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel.

D’où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais qu’elle était liée au goût du  thé et du gâteau (…) »

► La Recette de Fabrice le Bourdat, chef de la boulangerie-pâtisserie Blé sucré

  • Le pique-nique à Balbec  (A l’ombre des jeunes filles en fleurs )

« Je faisais préparer des sandwichs au chester et à la salade et acheter des tartes que je mangerais à l’heure du goûter, sur la falaise, avec ces jeunes filles qui auraient bien pu payer à tour de rôle si elles n’avaient été aussi intéressées, déclarait Françoise au secours de qui venait alors tout un atavisme de rapacité et de vulgarité provinciales (…)

« Le veston retrouvé et les sandwichs prêts, j’allais chercher Albertine, Andrée, Rosemonde, d’autres parfois, et, à pied ou en bicyclette, nous partions. (…) »

« Nous montions jusqu’au haut de la falaise, et une fois arrivés et assis sur l’herbe, nous défaisions notre paquet de sandwiches et de gâteaux. Mes amies préféraient les sandwiches et s’étonnaient de me voir manger seulement un gâteau au chocolat gothiquement historié de sucre ou une tarte à l’abricot. C’est qu’avec les sandwiches au chester et à la salade, nourriture ignorante et nouvelle, je n’avais rien à dire. Mais les gâteaux étaient instruits, les tartes étaient bavardes. Il y avait dans les premiers des fadeurs de crème et dans les secondes des fraîcheurs de fruits qui en savaient long sur Combray, sur Gilberte, non seulement la Gilberte de Combray mais celle de Paris aux goûters de qui je les avais retrouvés.

(Ils me rappelaient ces assiettes à petits fours, des Mille et une Nuits, qui distrayaient tant de leurs « sujets » ma tante Léonie quand Françoise lui apportait un jour Aladin ou la Lampe Merveilleuse, un autre Ali-Baba, le Dormeur éveillé ou Sinbad le Marin embarquant à Bassora avec toutes ses richesses.) »

  • Le bœuf en gelée de Françoise (A l’ombre des jeunes filles en fleurs )

« Depuis la veille, Françoise, heureuse de s’adonner à cet art de la cuisine pour lequel elle avait certainement un don, stimulée, d’ailleurs, par l’annonce d’un convive nouveau, et sachant qu’elle aurait à composer, selon des méthodes sues d’elle seule, du bœuf à la gelée, vivait dans l’effervescence de la création ; comme elle attachait une importance extrême à la qualité intrinsèque des matériaux qui devaient entrer dans la fabrication de son œuvre, elle allait elle-même aux Halles se faire donner les plus beaux carrés de romsteck, de jarret de bœuf, de pied de veau, comme Michel-Ange passant huit mois dans les montagnes de Carrare à choisir les blocs de marbre les plus parfaits pour le monument de Jules II. (…)

Le bœuf froid aux carottes fit son apparition, couché par le Michel-Ange de notre cuisine sur d’énormes cristaux de gelée pareils à des blocs de quartz transparent.

— Vous avez un chef de tout premier ordre, Madame, dit M. de Norpois.(…)

Voilà ce qu’on ne peut obtenir au cabaret, je dis dans les meilleurs : une daube de bœuf où la gelée ne sente pas la colle, et où le bœuf ait pris le parfum des carottes, c’est admirable ! Permettez-moi d’y revenir, ajouta-t-il en faisant signe qu’il voulait encore de la gelée. Je serais curieux de juger votre Vatel maintenant sur un mets tout différent, je voudrais, par exemple, le trouver aux prises avec le bœuf Stroganof. (…) »

« Mais enfin, lui demanda ma mère, comment expliquez-vous que personne ne fasse la gelée aussi bien que vous (quand vous le voulez). — Je ne sais pas d’où ce que ça devient », répondit Françoise (qui n’établissait pas une démarcation bien nette entre le verbe venir, au moins pris dans certaines acceptions, et le verbe devenir). Elle disait vrai du reste, en partie, et n’était pas beaucoup plus capable – ou désireuse – de dévoiler le mystère qui faisait la supériorité de ses gelées ou de ses crèmes, qu’une grande élégante pour ses toilettes, ou une grande cantatrice pour son chant. Leurs explications ne nous disent pas grand’chose ; il en était de même des recettes de notre cuisinière. « Ils font cuire trop à la va-vite, répondit-elle en parlant des grands restaurateurs, et puis pas tout ensemble. Il faut que le bœuf, il devienne comme une éponge, alors il boit tout le jus jusqu’au fond. »

  • La chambre de Léonie  - Du côté de chez Swann

« Le narrateur décrit la première chambre où il attendait de pouvoir entrer chez sa tante Léonie, les odeurs et les formes, le feu déjà allumé jusqu’au couvre-lit à fleurs :

L’air y était saturé de la fine fleur d’un silence si nourricier, si succulent, que je ne m’y avançais qu’avec une sorte de gourmandise, surtout par ces premiers matins encore froids de la semaine de Pâques où je le goûtais mieux parce que je venais seulement d’arriver à Combray : avant que j’entrasse souhaiter le bonjour à ma tante on me faisait attendre un instant, dans la première pièce où le soleil, d’hiver encore, était venu se mettre au chaud devant le feu, déjà allumé ; je faisais quelques pas du prie-Dieu aux fauteuils en velours frappé, toujours revêtus d’un appui-tête au crochet ; et le feu cuisant comme une pâte les appétissantes odeurs dont l’air de la chambre était tout grumeleux et qu’avait déjà fait travailler et « lever » la fraîcheur humide et ensoleillée du matin, il les feuilletait, les dorait, les godait, les boursouflait, en faisant un invisible et palpable gâteau provincial, un immense « chausson » où, à peine goûtés les arômes plus croustillants, plus fins, plus réputés, mais plus secs aussi du placard, de la commode, du papier à ramages, je revenais toujours avec une convoitise inavouée m’engluer dans l’odeur médiane, poisseuse, fade, indigeste et fruitée du couvre-lit à fleurs. »

Le coup de coeur de François-Régis Gaudry

  • La brioche Ukrainienne de Julien Duboué

Boulangerie et Restaurant BOULOM - 181 RUE ORDENER - 75018 PARIS - 01 46 06 64 20

François-Régis Gaudry est venu à BOULOM pour échanger avec Julien Duboué ( Boulangerie et restaurant BOULOM) et Jean-Marc Notelet (Restaurant Caïus) pour parler des brioches ukrainiennes appelées "Kolach" qu'ils confectionnent et vendent  à BOULOM. L'ensemble des ventes est reversée à l'association France Terre d'Asile

C'est avec une brioche traditionnelle ukrainienne appelée Kolach qu’un élan de solidarité à court terme et un projet à plus long terme sont en train de voir le jour.

Un élan de solidarité, en Ukraine, cette brioche ronde et tressée est symbole de « bonne chance », d'éternité et de prospérité.

Elle est en vente à BOULOM (75018) en boutique mais aussi en pré-commande pour que nos amis chefs, restaurateurs, commerçants, puissent à leur tour la vendre ou l’offrir sur table.

L’intégralité des ventes de cette brioche sera reversée à l'association France Terre d'Asile qui a pour but de venir en aide aux réfugiés ukrainiens arrivés en France.

Nous faisons également appel aux volontaires, bénévoles qui veulent soutenir cette initiative. Toute personne volontaire pourra venir apporter son aide à la confection de ces brioches.

Instagram BOULOM

Instagram Julien DUBOUE

Instagram Jean-Marc Notelet

Faire un don à France Terre d'Asile

1 brioche achetée = 20€ reversés à @franceterreasile

La chronique cuisine de Manon Fleury

  • « Salade japonaise »

Cette salade japonaise est en fait plus connue chez Alexandre Dumas sous le nom de salade « Francillon » qu’il décrit dans sa pièce éponyme « Francillon ».

Il s’agit d’une salade de pommes de terre, à base de crosnes, moules, truffes et herbes fraîches. Il faut savoir que Proust semble avoir un penchant pour la pomme de terre. On retrouve une salade de pomme de terre dans « Le temps retrouvé » où les pommes de terre sont comparées à des « boutons d’ivoire japonais ».

Donc Proust en plus de son goût pour la pomme de terre avait visiblement également une inclinaison pour le japon.

Mais le fait est que dans cette salade « japonaise » on ne trouve aucun ingrédient « japonais » : mis à part les crosnes qui étaient considérés à l’époque comme des légumes japonais alors qu’on sait qu’en réalité ils étaient originaires de Chine.
Cette salade appelée « japonaise » car le japonisme était à la mode dans les cercles mondains que décrivaient Proust.

► La chronique et la recette

Manon Fleury
Manon Fleury
- Pauline Gouablin

La chronique vin de Dominique Hutin

  • Gamay sans mon gamay

On se plaît souvent à imaginer tous les beaujolais en vins gouailleurs, que certains dépeignent avec un œil amusé et la condescendance de ceux qui sont un peu trop « goulot serré ».

Or, le Beaujolais est une famille. Grande.

La programmation musicale

  • Albin DE LA SIMONE - Tinassi-li
  • FATHER JOHN MISTY  + Yael NAIM  Funny girl