Apprendre à woke-fisher, autrement dit "draguer conscient"

Comment woke-fisher ? Ou la drague consciente
Comment woke-fisher ? Ou la drague consciente ©Getty -  Tom Werner
Comment woke-fisher ? Ou la drague consciente ©Getty - Tom Werner
Comment woke-fisher ? Ou la drague consciente ©Getty - Tom Werner
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Ce terme vient de l’américain "woke-fishing", terme surgi cette année dans notre vocabulaire grâce au magazine américain "Vice" et qui signifie, littéralement "pêcher éveillé", autrement dit "draguer conscient", et, très concrètement, la jouer "sensible aux combats du moment" pour choper de la meuf.

Et donc sensible à l’écologie, à l’homophobie, au racisme, mais également, et bien évidemment, au féminisme. 

Alors de vous à moi, demain, et peut-être même dès aujourd’hui, si j’en crois en la montée en puissance, chez les plus jeunes, d’une forme d’allergie épidermique à toute forme de sexisme, ceux qui vont tout ramasser sont ceux qui sauront régler leur montre à l’heure de #MeToo. Donc c’est pas idiot. Encore faut-il ne pas se faire gauler. D’où ce petit quiz, qui permettra d’évaluer votre féministo-compatibilité. Précision utile : de deux choses l’une, soit vous êtes célibataire, soit vous faites ce test pour un ami, d’accord ? 

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1/ Votre nouvelle voisine de bureau vous plaît. Mais alors beaucoup, beaucoup. Un jour, vous vous jetez à l’eau et vous lui proposez un verre : ouch, fallait, fallait pas ? 

Alors si, si, bien sûr que vous pouvez. Sauf si elle a 14 ans et qu’elle est en stage d’observation. Là, on évite. Comme on évite, en fait, toute situation qui coincerait l’autre dans un rapport de domination susceptible de biaiser quelque peu la réponse. Et pour être plus claire : un "oui" n’est un vrai "oui" que si on a réellement la possibilité de dire "non". 

C’est plus difficile pour elle si vous êtes son N+1, par exemple, ou si vous faites 2m12 et que, vous lui proposez ce verre après l’avoir coincée dans un tout petit placard – mais bon, là, même vous, vous savez que c’est bizarre. Bref, #MeToo n’a aucun problème avec la drague, mais un gros problème, entre autres, avec le harcèlement sexuel au travail. 

2/ D’ailleurs… En parlant de ça… Au tour de votre jolie collègue, 40 femmes. Combien ont déjà été harcelées sexuellement sur le lieu de travail ? 

Regardez-les, comptez, imaginez, combien ? Elles sont 4, elles sont 8 ou elles sont 20 sur 40 ? 

8. Parce qu’une femme sur cinq, en moyenne, aujourd’hui, en France a déjà subi du harcèlement sur son lieu de travail. 4, soit 1 sur 10, c’est le nombre de celles qui ont été violées, au travail ou ailleurs. Et 20, c’est le nombre de celles qui ont été agressées sexuellement au moins une fois, au cours de leur vie. Oui, c’est arrivé à 1 femme sur 2, dans votre open space. Pardon j’insiste, hein, mais si vous voulez choper féministe, c’est quand même un peu la base. 

Hmmm… On est très "chiffres", on est plutôt "lettres" ? Ok… En attendant la réponse de la dame, vous laissez traîner négligemment, sur votre bureau, un exemplaire de XY, de l’identité masculine, d’Elisabeth Badinter. 

3/ Bonne ou mauvaise idée ? On est bon avec Badoche ou on ne l'est pas ? 

On l’est. Si la dame a eu 20 ans dans les années 70 et que, poussée par l’utopie universaliste, elle a cru à une forme de féminisme qui a fini par se cogner au mur de la réalité, réalité qui faisait émerger l’idée d’une intersectionnalité, elle-même… Laissez tomber. Trop pointu, pour le coup. On verra ça en deuxième semestre. 

Vous avez de la chance, elle était Badoche-compatible. Elle vous dit "oui", vous prenez un verre, ce soir, vous avez la gagne, alors vous y allez : vous êtes féministe, hein, clairement. Vous respectez la cause, la lutte est nécessaire, et il faut que ça change, et tout ça, et tout ça, mais… Le seul truc… C’est que vous pensez que tous les combats ne peuvent pas être menés en même temps. 

4/ Alors pour vous, la priorité c’est : l’égalité salariale, les violences sexuelles, ou la mixité des lieux de pouvoir ? 

Ah ben non, non, non. Vous ne pensez pas. Parce que vous ne savez pas. Alors vous vous taisez, Et pour une fois – enfin, si vous voulez vraiment woke-fishez, vous écoutez. Après quoi, vous répétez. Je suis un homme, hétéro, cisgenre, donc sur ce coup-là je vais dire que je ne sais pas, et que les femmes savent mieux que moi. Sur ce coup-là je vais dire que je ne sais pas. Sur ce coup là… Non mais moi, vous avez le droit de m’interrompre, je fais juste un quiz. 

5/ Avec tout ça, on arrive à la fin du repas… Vous payez l’addition ? 

Alors vous pouvez. Si vous en avez envie, et si la prochaine fois, où celle d’après, c’est elle qui vous invite. Tout, pourvu que ce ne soit ni normé, ni figé, ni sexué. Et c’est le problème avec la galanterie, définie par le Larousse comme un ensemble de gestes relevant de la courtoisie, déployés par des hommes en recherche d’une bonne fortune féminine. Alors, comment dire… Si c’est parce que tu m’invites à dîner que tu penses pouvoir me culbuter, euh… Ben je vais payer ? 

6/ Vous vous levez de table, vous lui proposez de la raccompagner jusque chez elle, elle est ok et en plus elle sourit… Alors, c’est gagné ou c’est pas gagné ? 

Tout doux l’ami, tout doux… Elle peut sourire parce qu’elle ne va pas mordre non plus. Elle peut avoir envie d’être raccompagnée parce qu’il est tard et qu’elle flippe un peu dans la rue. Et puis oui, peut-être qu’elle a eu envie de vous faire monter chez elle, et puis peut-être qu’arrivée en bas de chez elle, a changé d’avis. L’idée, la base de la base de la base, en fait, c’est qu’on peut dire non à tout moment, et que vous, du coup, vous vérifiez de temps en temps. Je vous jure que c’est mieux. Paraît que l’amour, ça se fait à deux…

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