

C’est un reproche qu’on fait souvent aux victimes de violences sexuelles : prendre la parole sur les réseaux sociaux, plutôt que de s’en remettre, à la police et à la justice. Giulia explique comment tout cela se passe en réalité quand elles portent plainte. Dans 66 % des cas, on les culpabilise.
Tout cela se passe super bien. Dans 90% des cas, les plaignantes sont satisfaites de l’accueil reçu en gendarmerie ou au commissariat. Ça, c’est le ministère de l’Intérieur qui l’affirme, et, je suis comme vous, j’adorerais y croire…
Mais vous savez ce qu’il se passe, à l’issue d’une manifestation ? On a deux estimations. Celles de la police, et celles des associations. En l’occurrence, c’est le collectif NousToutes, qui publiait, hier, une enquête inédite, à partir de 3 500 témoignages… De femmes, pour la plupart, victimes de viol, d’agression, de harcèlement, au choix, ou tout ça à la fois. Elles ont raconté ce moment où elles vont porter plainte justement… Dans 66 % des cas, on va dire que c’est pas tout à fait ce qu’on appelle un bon souvenir. D’abord parce qu’on les culpabilise. C’est la tenue qu’elles portaient, le quartier qu’elles traversaient, l’heure qu’il était quand elles sont sorties de chez elles.
Quoiqu’il arrive, cela donne l'impression que ce sont elles, le problème.
Surtout les mineures, plus fragiles, plus vulnérables, qui, en plus du reste, ont droit à des leçons de morale : "tu ne te respectes pas". Voici ce qu’on a répondu à une jeune femme qui portait plainte parce que son ex postait des photos d’elle, dénudée, sur des réseaux sociaux.
À cette autre, on a posé la question : "Êtes-vous une allumeuse ?" Ah oui, c’est vrai, tiens, j’avais oublié, je suis une allumeuse. Donc je remballe mes affaires, et ma plainte, tant qu’à faire.
Oui, plus d’une femme sur deux a essuyé un refus, quand elle a voulu porter plainte, alors que c’est parfaitement illégal.
Quand 1 sur 3 a vu ce qu’elle racontait banalisé par les forces de l’ordre : "c’était pas si grave…", "c’était flatteur…", "ils voulaient s’amuser…", "c’est parce qu’il vous aime et n’arrive pas à vous laisser…" Ça, c’est ce que s’entendent dire des victimes de violences conjugales, assorties du lapidaire "madame, on ne reste pas quand ça se passe mal"… Aussi lapidaire qu’idiot : c’est en général parce qu’elles partent qu’ils passent à l’acte. Qu’elles aient porté plainte ou pas.
Ça, ce sont les chiffres du ministère de la justice : 65 % des femmes mortes sous les coups de leur conjoint s’étaient manifestées auprès des forces de l’ordre. Magali Blandin était partie de chez elle. Elle avait porté plainte dès le lendemain. Elle a été retrouvée morte samedi. Tuée à coup de batte de baseball par son futur ex-mari. Entre temps ? La plainte avait été classée sans suite. Comme 80 % des plaintes pour violences conjugales. Et on est dans des taux à peu près similaires pour les violences sexuelles, conjugales ou pas.
Encore quelques chiffres, accrochez-vous ça vaut le coup
Quand, malgré tout, les affaires vont jusqu’au tribunal, seuls 16 % des mis en cause sont effectivement condamnés. Et si on prend la totalité des viols commis chaque année en France, 1 % seulement débouchent sur une condamnation aux Assises.
Bref, conclusion de Nicole Belloubet, ex-garde des sceaux, à la lecture de ce rapport de la chancellerie : "La chaîne pénale n’est pas satisfaisante". Ah bon ?
Aujourd’hui, les choses ont-elles changé ?
Bien sûr : Des victimes entendues… des enquêtes ouvertes… des coupables écroués… Je déconne. Tenez, rien que ces derniers jours…
La juge d’instruction en charge de la plainte pour viol contre Luc Besson a clos son dossier… Sans avoir confronté les deux parties, ni soumis le réalisateur à la moindre expertise psychologique quand la partie civile, elle, y a eu droit deux fois. Sans avoir, surtout, entendu la plaignante.
La cour de Cassation a estimé que, quand une gamine de 14 ans, suicidaire et sous médicaments, a des rapports sexuels pendant deux ans, avec 20 pompiers, tous adultes, et la plupart en uniforme… on ne peut ni parler de contrainte morale, ni établir un défaut de discernement. Les pompiers seront donc jugés pour atteinte sexuelle et pas pour viol, car il est impossible, selon la cour, de prouver l’absence de consentement de la victime. Impossible, elle a 14 ans, elle est sous médicaments, face à elle 20 pompiers, mais c’est impossible.
En revanche, elle, qu’elle le veuille ou pas, elle s’allonge et c’est comme ça…
La cour de Cassation, vient de le confirmer : ce divorce sera prononcé aux torts exclusifs de l’épouse parce qu’elle refusait d’avoir des rapports sexuels avec son mari. Et tant pis si elle avait déjà signalé son comportement violent à la police.
Voilà, la réalité de la réponse judiciaire et policière, aujourd’hui en France, face aux violences sexuelles, c’est ça aussi.
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