PMA pour toutes : non pour les femmes célibataires, oui pour les femmes lesbiennes

PMA pour toutes : non pour les femmes célibataires, oui pour les femmes lesbiennes
PMA pour toutes : non pour les femmes célibataires, oui pour les femmes lesbiennes ©Getty - Cavan Images
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Giulia Foïs revient sur ce vote du Sénat concernant la PMA pour toutes : finalement, c’est non. L'occasion de revenir sur ce constat déroutant qu'une problématique aussi importante soit portée par des hommes qui continuent à penser pouvoir choisir à la place des femmes ce qu'elles désirent faire de leur corps.

Très exactement "non pour les femmes célibataires, oui pour les lesbiennes"

Et moi aussi, ça m’a surprise, je les savais pas aussi gay friendly, au Sénat, mais non, c’est bon, ils ne le sont toujours pas. 

Certes, on ouvre la PMA aux couples de femmes, comme ça on évite de passer pour totalement homophobes… Mais, en même temps, on la rend très très compliquée, avec ce petit amendement-là : "la PMA ne sera remboursée par la sécurité sociale qu’en cas d’infertilité avérée, médicalement attestée". Soit dit en passant, ça exclura pas mal de couples hétéros de l’histoire, puisque la stérilité n’est pas toujours une question de biologie, mais faut croire qu’au Sénat, ça, on savait pas. 

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Quand nos sénateurs débattent d’un sujet qu’ils ne connaissent pas 

Oui, oui. C’est bien normal, remarquez, si on regarde la composition de la chambre haute : des hommes pour les deux tiers, 60 ans en moyenne, pas tout à fait le profil d’une femmes en âge de procréer et donc légèrement déconnectés de la problématique. 

Mais non eux savent, eux décident, eux votent, eux vont se faire retoquer à l’Assemblée et, a priori, le texte définitif devrait ouvrir la PMA à toutes les femmes.

Quand les hommes continuent à penser pouvoir choisir à la place des femmes

Mais le plus intéressant n’est pas là. Ce qui est fascinant c’est comment, et depuis toujours les hommes ont pensé pouvoir choisir à la place des femmes, savoir mieux qu’elles ce qu’elles devraient faire de leur vie, de leur corps, de leur cul

Pardon. Ce qui est fou, c’est d’entendre, à la virgule près, et à chaque fois, les mêmes arguments sur la PMA et sur l’avortement  - et on le voit encore en ce moment avec ce débat sur un texte prévu pour faciliter l’accès à l’IVG. L’examen de la proposition de loi devait avoir lieu aujourd’hui même et hop, Les Républicains déposent la veille 423 amendements annexes, rendant le vote tout simplement impossible dans les délais. 

Sur ces deux sujets, on nous dit quoi ? 

D’abord qu’on ne peut pas demander à la Sécu, à l’Etat de prendre en charge, de faciliter des humeurs, des impulsions, des coups de tête (ça, c’est pour l’IVG) ou les "caprices" (on l’entend beaucoup, "caprices" pour la PMA), bref, les lubies de toutes ces femmes qui n’ont pas bien réfléchi avant de tomber enceintes, ou qui n’ont pas vu le temps passer, et ont percuté, bien trop tard, que l’horloge biologique avait sonné. Toutes celles qui, par confort, ou convenance personnelle, selon les formules consacrées, voudraient alors avorter ou se faire inséminer - dit celui, le législateur, qui selon toute vraisemblance, mais peut-être que je m’avance, ne s’est jamais fait ni avorter, ou inséminer, qui, donc, ne sait pas, ou qui veut l’ignorer, que ni la PMA, ni l’IVG ne sont tout à fait ce qu’on appelle des promenades de santé. 

Deuxième argument : les femmes, et leur fragilité. Quitte à s’occuper de ces petites choses écervelées, autant penser à leur place, anticiper, pour elles, ce que bien sûr, elles n’ont pas pu imaginer. Qu’un avortement, ça peut être douloureux psychiquement – j’ai dit 'ça peut'. Qu’élever seule un enfant, c’est lourd, c’est fatigant, parfois même pesant… Alors dire non à la PMA pour les mères célibataires, par exemple, c’est avant tout pour les protéger d’elles-mêmes. C’est marrant parce que le fait que les femmes soient à la tête de l’écrasante majorité des familles monoparentales et que, en couple, ce soit les mères qui se tapent l’écrasante majorité des tâches domestiques, ça, ça n’émeut personne. Non, ce qui blesse, là, c’est qu’elles en fassent le choix. Qu’elles décident, d’elles-mêmes, de s’affranchir enfin de la tutelle. 

Car oui, c’est bien de blessure qu’il s’agit. Et de type narcissique, pour être précis. 

Ce qui pose problème, c’est que les femmes, en couple ou célibataire, choisissent de faire sans père et donc de se passer des hommes. 

Terreur absolue, peur des plus archaïques or, comme le dit la sénatrice Laurence Rossignol : "La mort, c’est ce qu’il y a de plus insupportable dans l’idée qu’on se fait de nous-mêmes. Les femmes pouvant être mères, elles sont un peu moins mortelles que les hommes. Alors si, en plus, elles les sortent de l’équation, pour eux, c’est d’une violence insupportable". Violence qui passe les murs du Sénat, violence qui donne toute sa couleur au débat, et qui, pour finir, exclut toutes ces femmes de la PMA. 

Et là on a un problème. Parce que cette fois, pour une fois, c’est bien d’elles qu’il s’agit. Pas des hommes, pas de leur histoire, pas de leur rapport au monde, à l’autre et à la virilité. Les subjectivités, mêmes blessées, n’ont rien à faire dans le débat. Pas plus que des idéologies, mêmes millénaires. On peut ne pas être d’accord avec ces femmes, on peut ne pas vouloir faire famille comme elles, mais c’est leur choix et ça ne nous regarde pas. 

Ca n’est pas de morale qu’il s’agit, mais de droit. Mieux : de ce droit qu’ont les femmes à disposer de leur corps. Acquis de très haute lutte, il est inaliénable.