Quiz autour de l’écriture inclusive

Partons dans les méandres de la langue française
Partons dans les méandres de la langue française ©Getty - Joos Mind
Partons dans les méandres de la langue française ©Getty - Joos Mind
Partons dans les méandres de la langue française ©Getty - Joos Mind
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Aujourd'hui, Giulia Foïs se penche sur les méandres de la langue française et sur le pourquoi de la bataille autour de l'écriture inclusive.

Et ceux qui disent "oh non", depuis le fond de la classe, je vous entend. On se tait, on écoute, (je le fais bien, hein ?) parce que c’est important. Et dans l’air du temps. Linguistes, philosophes, intellectuels de tout poils et grammairiens de tous bord se battent à coup de tribune depuis la rentrée. Voire depuis trois ans. Non, depuis des siècles, en fait, et c’est fou ce que quelques lettres à peine peuvent déclencher comme verve, comme hargne et comme fantasme. Parce que, comme toujours, dès qu’il est question de féminisme, on écoute beaucoup plus avec la peur qu’avec les oreilles. Bref. Ce matin, rentrée scolaire anticipée : on révise, allez ! 

1/ Intéressante d’un point de vue historique, linguistique et sociologique, l’écriture inclusive reste néanmoins complexe à manier et pénible à lire. Vrai ou faux ? 

Hmmm plutôt faux. Comme il est vrai que l’ignorance est la mère de toutes les peurs. En fait, quand on dit ça, c’est qu’on pense que l’écriture inclusive se résume à ce fameux point médian, objet de toutes les controverses sur le sujet. Et ça aussi, c’est faux. Parce que l’écriture inclusive consiste à utiliser à certains nombres d’outils à notre disposition pour, comme son nom l’indique, inclure dans la langue, le féminin et le masculin, et dans la pensée, les hommes et les femmes. Parmi ces outils, ce fameux point médians qui vous fait écrire les français.e.s, par exemple. J’ai bien dit écrire. Parce qu’à l’oral, on peut tout à faire dire "les Françaises et les Français", ou s’en tirer avec une formule type "la population française". Reste la lecture qui, de prime abord, peut paraître pénible. Mais, comme disait Jean-Paul II, n’ayez pas peur. Faites-vous confiance. Quand votre GPS vous indique une distance, par exemple, vous lisez : 27K M, 27 "keumeu" ou bien est-ce que votre cerveau qui court tout seul avec sa petite intelligence rectifie et sait vous lire "kilomètres" ? Bon… Ben tout va bien, alors. Quant à ceux qui nous disent qu’on se prend vraiment la tête pour des combats vraiment insignifiants, je vous dirais : attendez la suite. 

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2/ Et commencez par terminer cette phrase : "surtout, j’ai cru devoir aux larmes, aux prières, consacrer ces trois jours et ces trois entiers / entières"

Entières. Demandez à Racine, c’est lui qui l’a écrit, dans Atalie. A l’époque, on pratiquait l’accord de proximité. Mais tout à coup, au XVIIème siècle, d’éminents grammairiens ont décidé que le masculin l’emporterait sur le féminin. D’un coup. Comme ça. Sans aucune justification. A part un contexte beaucoup plus général de reprise en main de la langue, et des lettres, par les hommes. D’où la création, d’ailleurs, à l’époque, de l’Académie Française, institution (oh, c’est bizarre) interdite aux femmes jusqu’en 1980. 

3/ Attention QCM : on a dit que l’écriture inclusive était comme une "lacération de la Joconde", "une lapidation de la Vénus de Milo", ou une "émasculation de l’Apollon du Belvédère" 

Très exactement, c’est Raphaël Enthoven qui a dit : "l’écriture inclusive est une agression de la syntaxe par l'égalitarisme, un peu comme une lacération de la Joconde, mais avec un couteau issu du commerce équitable". C’est beau, presque trop, pour un combat dont le même Enthoven disait qu’il était inutile. Tellement insignifiant d’ailleurs que, depuis trois ans, on aura quand même dépensé une énergie folle pour le qualifier. On a dit charabia, aberration, péril mortel et négationnisme vertueux – si si, l’écriture inclusive a provoqué un Point Godwin. Remarquez, on a eu plus doux, on a eu plus simple, plus basique, comme dirait Orelsan, sauf que c’est à Eric Orsenna qu’on le doit. L’académicien, oui, on ne se refait pas, nous dit que, non, écrivaine, c’est pas possible, parce que dans écrivaine il y a vaine. Ouais. Sauf que… Essayez avec écrivain, ça marche aussi. C’est pénible, ces académiciens qui savent pas lire… 

4/ En revanche, "autrice" est un néologisme inventé et brandi par les féministes d’aujourd’hui qui, accessoirement, n’ont rien d’autre à faire que de massacrer la langue française. Pardon, question orientée. Alors, d’aujourd’hui ou pas ?

Ouh là, tellement pas d’aujourd’hui… "Autrice" existe dans l’Antiquité et on le trouve régulièrement au cours du Moyen Âge et de la Renaissance. Jusqu’au XVIIème siècle d’ailleurs… Moment ouù naît l’Aca ? Démie, c’était pour voir si vous suiviez, et qui décide d’exclure de la langue les noms féminins, des métiers, dont par ailleurs, se mettent à être exclues les femmes. Donc on ne parle plus d’autrice, à partir de là. Ce qui est vraiment très très marrant, c’est que cette règle ne concerne que les professions dites intellectuelles ou supérieures. Parce que "boulangère", ça, ça n’a jamais posé problème à personne. A part ça, l’écriture inclusive, c’est vraiment un détail… 

5/ Vrai ou Faux, en Français, le masculin est neutre ? 

Ah ben non, il est tout sauf neutre. Il est le produit et l’expression d’une catégorie sociale dominante, qui compte bien le rester, en maintenant une langue taillée sur mesure. Les sciences cognitives l’ont prouvé : quand, dans une offre d’emploi, on écrit : "recherche informaticien (H/F)", on engendre des représentations mentales masculines chez les recruteurs, mais aussi chez les candidats - les candidates, elles, s’estimant moins outillées par le poste. Sauf que, la société évoluant, les métiers devenant mixtes, il pourrait paraître assez logique que la langue s’adapte : en linguistique, c’est l’usage qui commande. Conserver des noms exclusivement masculins, c’est donc faire un choix. Eminemment sociétal, si ce n’est politique. Et on est alors très, très loin du neutre. On peut, einh. Mais il faut juste le savoir… 

6/ L’écriture inclusive, au fond, consiste à féminiser l’écriture. Vrai ou faux ? 

Faux. Si jamais, on pourrait parler de "démasculinisation de la langue", ce processus apparu il y a 4 siècles – avec l’Académie, j’espère que ça, au moins, ça rentre, ce matin ! Mais sinon, non, on parle plutôt d’écriture égalitaire. Pas de grand remplacement, toujours pas. Pas d’inversion de la domination, pas de hordes de féministes en furie qui castreraient la langue à coup de sécateurs. Non non. On parle, encore et toujours, d’égalité. De représentation équitable des femmes et des hommes. Mais ça, pour certains, c’est toujours un peu compliqué, visiblement. 

7/ Par décret, dès l’issue du confinement, l’écriture inclusive sera devenue la règle, partout. Sur les documents administratifs comme sur les courriers privés. Vrai ou faux ? 

Faux, évidemment. Avouez que vous avez un peu flippé… En revanche, Edouard Philippe l’avait interdite, en 2017, dans une circulaire, en particulier pour les textes destinés à être publiés au Journal Officiel – à la fois, je sais pas vous, mais moi, j’en écris pas tous les jours, des comme ça. Quoiqu’il en soit, se faisant, Edouard Philippe battait en brèche une décision du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Pour la première fois, celui ci recommandait l’usage de l’écriture inclusive. Et si on se souvient que ce conseil dépend de Matignon, on se dit qu’on est pas sortis des ronces – ou des chardons, si vous le préférez au masculin.

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