La prestation de serment de Joe Biden, ce mercredi, a donné envie à Thibault de Saint-Maurice de réfléchir aux promesses que nous faisons, parfois tous les jours. Voici tous les secrets mais aussi les travers de la promesse.
La promesse semble si solennelle
Si la prestation de serment d'un président, ça reste un événement assez rare et très américain, des promesses, nous, nous en faisons beaucoup plus couramment, presque tous les jours…
Promis, je serai sage à l'école…
Promis, je ne rentre pas trop tard…
Promis, je serai prudent…
Promis, je vous apporterai un gâteau au chocolat noisette…
Nous multiplions les promesses, comme pour insister sur ce que nous disons, pour rassurer nos proches ou pour tenter de persuader et obtenir la confiance de ceux qui nous entourent.
La promesse, c'est une formule un peu solennelle par laquelle nous nous engageons à faire ce que l'on dit, à tenir notre parole et par laquelle nous augmentons nos forces puisque, grâce à elle, nous espérons que nos paroles auront plus de poids.
Mais la promesse n'a pas si bonne réputation parce qu'elle est aussi une certaine manière de différer l'action. On promet, pour ne pas avoir tout de suite, des promesses, toujours des promesses.
Le serment d'un président engage et donne envie de lui faire confiance, tandis que la promesse répétée de l'homme ordinaire suscite au contraire de la méfiance et donne envie de ne plus le croire.
On pense souvent que les promesses n'engagent que ceux qui les croient…
C'est la conclusion bien triste que l'on tire parfois après avoir été déçu par des promesses non tenues. Mais se méfier des promesses, c'est aussi faire preuve d'un certain réalisme, d'une certaine lucidité et surtout dans le domaine politique où Machiavel, par exemple, conseillait au Prince de ne pas se sentir tenu par leurs promesses afin de garder les mains toujours libres et de ne pas diminuer eux-mêmes leur pouvoir.
Mais pourrions nous vraiment vivre sans promettre et sans croire aux promesses des autres ? Est-ce qu'une vie sans promesses serait vraiment meilleure ? Alors on aurait moins de risques d'être trompé, mais on perdrait aussi du même coup la possibilité de se faire confiance les uns les autres.
La promesse, selon Hannah Arendt
La philosophe, Hannah Arendt, nous invite par exemple à voir dans La promesse, l'un des moyens de lutter contre ce qu'elle appelle "la chaotique incertitude de l'avenir" : faire et tenir des promesses, c'est se donner la possibilité de créer de la certitude dans une vie ouverte et imprévisible.
Elle dit que chaque promesse est comme un îlot de sécurité. Vous et moi ne savons pas évidemment ce que l'avenir nous réserve, mais nous pouvons promettre à ceux que nous aimons que nous ferons tout ce que nous pourrons pour continuer de prendre soin d'eux.
Une promesse sincère que l'on fait, ça nous engage, nous la faisons et nous nous efforçons de la tenir. Et c'est cet effort là, répété chaque jour, qui réduit l'incertitude et qui rend possible la continuité de relations durables avec ceux qui nous entourent.
Et c'est aussi cet effort-là, celui de tenir nos promesses qui assurent notre identité, parce qu'en tenant ma promesse, nous dit Arendt, je suis reconnu par les autres comme un homme de parole, cet homme qui accomplit, un homme digne de confiance.
Faire une promesse, ça nous engage mais c'est un engagement qui affirme notre liberté, parce que tenir sa parole, ça ne dépend que de nous.
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