

Ce n'est qu'à la fin des années 1990 que le morceau "The Passenger" d'Iggy Pop est devenu un tube, à la faveur d'une publicité pour une automobile. Pourtant, dès sa parution sur l'album "Lust for Life", cette chanson avait tout pour garantir à l'iguane son retour sur le devant de la scène, après plusieurs coups durs.
T’as quelque chose ?
C’est la question que David Bowie pose au guitariste Ricky Gardiner. Gardiner saisit sa Stratocaster, sans la brancher, et joue son "quelque chose", avec une pulsation reggae. Avec ce riff qui deviendra signature du morceau, Ricky Gardiner devient le compositeur de The Passenger.
Du reggae, donc, mais aussi du rock, tenu, en l'occurrence par les frères Sales. Hunt Sales, à la batterie, et Tony Sales, qui slalome à la basse. David Bowie est aux claviers et commentera ainsi la voix d’Iggy Pop :
Il n’y a personne comme ce mec. À chaque fois qu’il l’ouvre, c’est du jazz verbal.
The Passenger figure sur le deuxième album solo d’Iggy Pop, coproduit par David Bowie. L’histoire est connue : Bowie, sauveur d’Iggy Pop, à la rue, littéralement, au début des années 1970, avec un passage en asile psychiatrique en 1975 et Bowie pour seul visiteur. À l’époque, Iggy Pop résume leur relation comme suit :
David est un homme, un vrai. Et moi je suis une vraie femme, exactement comme Catherine Deneuve.
C’est vrai : en 1977, Iggy Pop est star. Le punk explose enfin et le mouvement se réclame de lui. Mais, tandis que le slogan tient en deux mots : "No Future", il intitule son deuxième album Lust for Life, "la soif de vivre", et il sourit à pleines dents sur la pochette. Le refrain de The Passenger résume sa philosophie d’auteur, selon laquelle :
Toutes les chansons avec des mots qui impressionnent, c’est de la merde !
Le texte de The Passenger est inspiré d’un poème de Jim Morrison, dont on pourrait traduire le titre en français par "La vie moderne est un voyage en voiture". En 1977, Iggy Pop réunit donc Morrison, mais aussi la mythologie nomade de la Beat Generation, celle plus ancienne des hobos, les musiciens errants qui chantent le blues, et sa propre vie. La chanson est en effet la trace des moments au cours desquels il a sillonné l’Europe et les États-Unis, conduit par le chauffeur de Bowie. Avec sa voix de chaman, il invite tout le monde à bord.
The Passenger est lié à un lieu mythique : le studio Hansa, à Berlin, dont les fenêtres donnaient sur le Mur qui coupait encore la ville en deux. Mais le morceau a franchi le Rideau de fer et pris une autre dimension. "Rouler indéfiniment, regarder les étoiles derrière la vitre et se dire que le monde nous appartient", comme le chante Iggy, c’était une promesse de liberté envoyée depuis l’Ouest.
Un beau film sorti en 2018 en témoigne : Leto, de Kirill Serebrennikov. Il y a cette scène, dans un bus de Leningrad, où, à tour de rôle, chacun des passagers chante et devient The Passenger pour embarquer avec Iggy Pop.
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