En rendant hommage à sa famille habitante du Loir-et-Cher, c'est également à tou·te·s les transfuges que Michel Delpech s'adressait, celles et ceux qui avaient quitté, non sans culpabilité, la campagne pour la ville. Parce qu'au fond, il y a peut-être un peu d'Annie Ernaux en Michel Delpech. Retour en 1977.
Pour la vidéo qui accompagnait la sortie de Le Loir-et-Cher, on ne s’était pas cassé la tête : une image fixe et un peu floue d’une terre après le labour... et Michel Delpech qui entre sur l’écran par la droite, avec le genou qui frétille comme un rockeur.
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À l'écoute des premiers vers de la chanson, la scansion de Delpech peut évoquer un autre morceau, qu'alors les parents écoutaient toujours : Get Back"des Beatles, paru en 1970.
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Mais Michel Delpech propose Le Loir-et-Cher en 1977. La disco résonnait encore, le punk apparaissait. Lui, dans tout ça, impassible, poursuivait sa route d’amoureux du pop rock anglo-saxon. Avec Star Wars dans les salles de cinéma et le Centre Pompidou inauguré cette même année 1977, on avait l’impression de toucher le futur du doigt. Lui, dans tout ça, nous parlait de sa région d’enfance, avec Le Loir-et-Cher. Il n’en faisait donc qu’à sa tête mais avec un sourire amène. Et, rien que pour ça, on l’aimait.
N’en déplaise aux Loir-et-Chérien·ne·s, le département évoqué dans cette chanson importe finalement assez peu. Parce que, quelle que soit la province que l’on a quittée pour plonger dans la vitesse parisienne, on les a vécus, ces retours trop furtifs en famille, que Delpech raconte. Il ne s’étale pas sur la culpabilité qui va avec. Ce n'est pas la peine, car celui ou celle qui écoute, sait.
On dirait qu'ça t'gêne de marcher dans la boue. On dirait qu'ça t'gêne de dîner avec nous.
Le Loir-et-Cher est une grande chanson, notamment pour ses non-dits. Ça passe dans la gaieté, d’un mélange de rock’n’roll et de folklore bien de chez nous. Le refrain, on a envie de le danser les poings sur les hanches en frappant un plancher de bal avec les talons. Juste après, vient la surprise des cordes qui nous font décoller du même plancher.
La chanson est l’œuvre d’une ribambelle de Michel : Michel Delpech et Jean-Michel Rivat pour les paroles, Michel Pelay pour la musique et Michel Bernholc pour les arrangements. Ce Michel Bernholc qui mit en valeur toute la variété française des années 1970 : Véronique Sanson, Michel Berger, Michel Jonasz, Françoise Hardy. Michel Bernholc est là pour l’enregistrement de la voix et Delpech remet en cause son boulot, parce qu’il n’arrive pas à chanter.
Dans son livre It’s a teenager dream - Itinéraire d’un ingénieur du son, Dominique Blanc-Francard raconte qu’il n’avait jamais vécu ça : plus d’une semaine de studio, sans réussir à finaliser la chanson complète ; Michel Delpech est hagard, sous médicaments, piqûres de cortisone.
Le Loir-et-Cher est le dernier tube de Michel Delpech avant une descente aux enfers faite d’alcool, de drogue et de cures de sommeil. Jean-Michel, devenu Michel pour la scène, eut une vie folle et des chansons qui racontaient tout le monde avec ironie et tendresse. L’autrice Annie Ernaux a déclaré un jour dans un entretien :
Je crois que j’écris parce que je ressemble à tout le monde. C’est la partie de moi qui ressemble à tout le monde qui veut écrire.
On peut aussi, désormais, penser à Michel Delpech.
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