

Cinquième journaliste tué en Europe en dix ans, le deuxième en six mois, Jan Kuciak, 27 ans et sa compagne Martina Kusnirova ont été assassinés chez eux à Velka Maka en Slovaquie. Jan Kuciak enquêtait sur une affaire de corruption impliquant la Mafia Italienne et des politiques dans le secteur de l'immobilier.
Une minute de silence observée par les eurodéputés à Bruxelles. « Une attaque inacceptable contre la liberté de presse ». Dans un discours d’introduction virulent, Antonio Tajani le président du parlement appelle les autorités slovaques à lancer une enquête minutieuse et insinue qu’elle pourrait bénéficier d’un soutien international si Bratislava en éprouve le besoin.
C’est à leur domicile, à Velka Maca, à soixante-cinq kilomètres de la capitale que les corps du journaliste Jan Kuciak et de sa compagne Martina Kusnirova ont été découverts dimanche. Tout porte la signature d’une exécution mafieuse. Le reporter du site « Aktuality » travaillait sur des affaires de corruption impliquant la N’Dranghetta, organisation criminelle calabraise et des politiques, notamment le parti SMER-SD du premier ministre Robert Fico. Robert Fico qui a promis toute la lumière et un million d’euros à toute personne susceptible de donner un indice pour remonter la piste des tueurs, une méthode qui rappelle celle des chasseurs de prime.
Trois proches collaborateurs de Robert Fico ont démissionné en milieu de semaine, Marek Madaric, ministre de la Culture, et Maria Troskowa, conseillère du Premier ministre et Viliam Jasan, responsable de la gestion des crises. Jan Kubiac les soupçonnait d’entretenir des liens avec un homme d’affaires en collusion avec la Mafia. Dans l’ébauche de l’article que le journaliste préparait et que le site a publié jeudi dernier, il est écrit noir sur blanc que la N’Dranghetta a trouvé une deuxième maison en Slovaquie : ils font des affaires, reçoivent des subventions, collectent des fonds européens, et établissent des relations influentes avec des personnalités politiques en vue, jusqu’au gouvernement slovaque »
Le meurtre de Jan Kuciak provoque une crise politique. L’opposition réclame le départ du chef du gouvernement et du chef de la police, estimant qu’ils n’avaient pas pris la mesure des menaces proférées contre le journaliste. Robert Fico déplore que cette tragédie soit instrumentalisée à des fins politiques. «Relier sans preuves à l’appui des gens innocents à un double homicide, c’est franchir une ligne rouge ». Même si il a tenu dans le passé des propos hostiles aux journalistes, « des hyènes idiotes », « sales prostituées anti-slovaques », le premier ministre a rencontré les principaux responsables de médias pour répéter que la liberté de la presse et la sécurité des journalistes étaient une priorité nationale ».
La société civile est sous le choc. Ce pays ne vit pas sous le joug des organisations criminelles. C’est une démocratie connue pour le respect des libertés individuelles. L’assassinat bouscule les consciences. Des milliers de personnes ont allumé une bougie et un collectif de journalistes reprend les données de Jan Kuciak pour poursuivre l’enquête qu’il avait initiée. Son travail lui survivra. Le message est ainsi envoyé aux tueurs et leurs commanditaires.
Un journaliste assassiné en Europe, Eric Valmir en parle avec Pauline Adès-Mével de Reporters sans Frontières, en charge des dossiers liés à l’Union Européenne. La version longue de l’entretien en audio, réécoute podcast, version courte vidéo.
Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.
Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.
L'équipe
- Production
- Journaliste