

Julie Pietri et Marcos Darras ont été récompensé par le Grand Prix Media CB News pour leur travail au Bangladesh. Ils avaient suivi l'exil des Rohingyas victimes d'exactions en Birmanie; ces populations traversaient le fleuve pour se réfugier au Bangladesh. Ce reportage, réalisé l'an dernier, a été rediffusé mardi
Recevoir un prix est toujours gratifiant. Déjà parce qu'il exprime une reconnaissance du travail fourni, mais de surcroît, il éclaire à nouveau le sujet traité. Dans le cas présent, le sort des Rohingyas, population apatride, victimes d'exactions en Birmanie et contrainte de se réfugier dans le sud du Bangladesh. L'an dernier, Julie Pietri et Marcos Darras ont accompagné la traversée du fleuve de centaines de milliers de personnes. "L'enfer de la traversée" à réécouter ici est le reportage qui a été récompensé lundi dernier par le Grand Prix Média CB News. Mais Julie et Marcos ont aussi approché les camps.
Vivre au plus près un drame humain, -car un exode fait de blessures physiques, d'enfants battus et déshydratés, de nourrissons qui meurent en route est un drame humain-, marquent les esprits. Lors de la première diffusion de ce reportage l'an dernier, personne n'était sorti indemne de son écoute, aussi bien en interne à la rédaction que du coté des auditeurs. A sa rediffusion mardi dernier dernier, le ressenti n'a pas varié, même un an après, même en connaissance de cause. Le Grand Prix des Médias présente donc cet avantage de remettre en perspective un sujet qui sort des écrans radars médiatiques. Pourtant, la semaine dernière, l'Unicef a lancé une alerte au sujet de 400 000 enfants toujours entassés dans ces camps et privés d'éducation. Peu de relais dans la presse. Le déni est partout. Il se dissimule derrière le fatalisme collectif : "Que pouvons nous y faire ?"
Le reportage a été récompensé dans la catégorie "coup éditorial", une terminologie qui nous a tous embarrassé. Difficile de parler de "coup" devant une cause aussi dramatique et que toute les rédactions avaient couvert de près ou de loin l'an dernier. Mais ce qui est frappant dans le reportage de Julie Pietri et Marcos Darras, c'est son écriture et son architecture. Une écriture précise qui n'ajoute pas de l'horreur à l'horreur. Qu'y-a-t-il de plus immonde qu'un bébé qui meurt déshydraté dans un exode ? Il faut une grande sensibilité dans la narration des faits pour rester dans une justesse et ne pas surjouer le drame. Disons que le coup éditorial réside alors dans l'écriture de Julie et de la tonalité ambiante préservée et respectée.
Julie Pietri et Marcos Darras ont été affecté par cette mission. Comment ne pas l'être ? Un an après, sous les lumière du photocall de CB News, ils n'étaient pas forcément à l'aise. Mais le prix, répétons le, a l'avantage de remettre le sujet à la une devant un public de décideurs, de formaliser à nouveau une prise de conscience.
Il faut souligner aussi le travail à deux. Il est toujours important pour nous de citer le travail des techniciens reporters qui nous accompagnent sur le terrain. Réduire la collaboration qui nous lie à un simple partage des taches est biaisé. Les équipes du Département de Production Reportage ne sont pas là pour établir seulement une liaison et appuyer sur un bouton, comme le désigne trop souvent la caricature. Ils représentent une clé de réussite du reportage. Ce travail en binôme porte sur les sensibilités éprouvées et partagées, la distance que l'on doit conserver avec le sujet. Ils ne sont pas des travailleurs de l'ombre, et d'ailleurs sur le plan sémantique, que serait l'ombre d'une voix ? Impliqués, ils sont les premiers auditeurs, peuvent apporter une réserve, et quand la fatigue, -vivre des situations éprouvantes en dormant peu- affecte la lucidité et la concentration, être deux est un atout.
Pour cette raison aussi, ce Profession Reporter donne la parole à Marcos Darras qui n"a pas eu l'occasion de s'exprimer sur scène lundi dernier. A réécouter en Podcast avec la réaction de Julie Pietri aussi.
Et en vidéo, cette semaine, le retour en images sur cette traversée du fleuve filmée par Marcos Darras.
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