

Christian Morel, auteur de trois ouvrages sur les "décisions absurdes" avait sous-titré le premier tome “Sociologie des erreurs radicales et persistantes”. Cet essai publié en 2002 est devenu un best-seller maintes fois primé. La santé occupe une bonne place dans ce bêtisier de la gestion.
Les décisions absurdes les plus fascinantes concernent le transport : deux pétroliers qui se croisent et se lancent dans une manoeuvre d’évitement pour finir par se percuter alors qu’il aurait suffi qu’ils gardent leur cap pour éviter la catastrophe.
La santé n’est bien sûr pas épargnée : erreur de côté lors d’une opération ou de diagnostic aux urgences. J'ajoute les réformes du système de santé français depuis vingt ans, aussi coûteuses que désastreuses.
Comment échapper à ces décisions absurdes ?
C’est justement le thème du deuxième tome, et ce qui est fou, c’est que l’on retrouve sans surprise les méthodes qui ont fait leur preuve et la même obstination absurde des autorités à ne pas en tenir compte : leur gestion du risque fondée sur des réflexes archaïques est à peu près aussi judicieuse et efficace que de cacher les bouteilles d’un alcoolique ou de dire à un dépressif de se secouer.
C’est tentant, mais c’est idiot.
Comme l'explique Christian Morel, ce qui marche repose sur une prise en compte prioritaire du facteur humain, de la compétence et surtout de la communication interhumaine, c’est à dire tout ce qui est mis de côté dans la gestion actuelle de notre système de santé, au profit de règles, de procédures rigides et d’évaluations quantitatives qui passent à côté des choses les plus importantes.
Ces règles rigides constituent le thème du troisième tome des décisions absurdes, publié l’année dernière. Ces procédures devraient constituer un support pour la compétence mais pas la remplacer.
Tout cela est connu de longue date, mais n’empêche pourtant pas les autorités sanitaires de fonder l’évaluation de la qualité des soins sur le respect des procédures.
Enfin, les instincts dominants des dirigeants altèrent leur rationalité. Par exemple il est prouvé que l’abolition des punitions pour les auteurs d’erreurs qui les rapportent spontanément améliore considérablement la qualité des soins. Ce principe est malheureusement trop peu appliqué à l’hôpital.
Il est également prouvé que le travail en binôme diminue considérablement le risque d’erreur de diagnostic. Attention ! Il ne suffit pas de faire intervenir deux médecins sur le même patient pour limiter les erreurs ; il faut qu’ils aient le temps de communiquer entre-eux, d’échanger leurs points de vue. C’est le principe de l’élève qui apprend du maître, mais qui constitue aussi un garde-fou, ne serait-ce que par les questions qu’il pose.
Les décisions absurdes ont malheureusement de beaux jours devant elles. Cela ne pourra changer que le jour où nous aurons un ministre de la santé conscient des ces réalités.
Aller plus loin
Les Décisions absurdes, tome I, II et III (2002 - 2018) par Christian Morel. Ed Gallimard
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