

Epicé, traduction de l’anglais spicy, ou car aujourd’hui on s’intéresse à tout ce qui, dans notre alimentation, arrache, tamponne, klaxonne, embrase le palais et monte au nez ! Je veux parler de nos meilleurs ennemis les piments mais pas seulement…
Qu’est-ce qui fait que le piment brûle ? Pourquoi la moutarde monte au nez ? Le poivre picote le fond de la gorge ? On va tout comprendre avec Christophe Lavelle, notre tête chercheuse dans les sciences de l’alimentation.
Et puis je vais me frotter à quelques sensations fortes : les piments explosifs d’une cuisinière antillaise qu’il faut manipuler comme la nitroglycérine et la moutarde à l’ancienne, bien relevée, aller à la rencontre d'un artisan engagé de la région parisienne...
Allez, on plonge dans les vices et les délices de l’épicé.
Saveurs Savantes, c’est ⅓ de cuisine, ⅓ de sciences, ⅓ de culture. On mélange bien dans un shaker avec des extraits de films, des morceaux de littérature sans oublier les mots et les expressions de la linguiste Aurore Vincenti et on obtient un cocktail de savoirs et de saveurs. Je vous le sers, bien frais, pendant tout l’été...

Christophe Lavelle
Bio-physicien, chercheur au CNRS et au Museum National d’Histoire naturelle.
Auteur de nombreux ouvrages, notamment « Molécules : la science dans l'assiette » Paru le 22 avril 2021 aux éditions Les Ateliers d'Argol,

La chronique "Sur le bout de la langue" de la linguiste Aurore Vincenti
- épicé
Piment, raifort, poivre, moutarde, gingembre… la bouche chauffe, le nez coule, les yeux pleurent, les joues rosissent, les mains s’agitent. Je vous préviens, tout le monde va sortir de cette histoire, terriblement contrarié.
► La suite à lire ou à écouter

Lecture
Chantal Pelletier, Voyages en gourmandise, 2007 interprétée par de Lou Lefèvre
Trop bavard, l’homme ne me plaisait pas. Il m’avait aidée pour ma valise à l’embarquement et me faisait payer le service rendu : il fallait l’écouter.
Le bateau nous conduisait vers l’Angleterre. Gelée, je commençais à claquer des dents, ce qui n’interrompait pas ses bavardages. Il avait découvert, quelques années plus tôt, les délices du piment au bord de la route, du côté de Maroua, au nord du Cameroun, en savourant des morceaux de viande frite roulés dans une poudre rouge sombre.
Il assaisonnait désormais tous ces mets de brûlantes épices, qui, selon lui, régnaient sur le royaume du goût. Gingembre et autres chilis fouettaient toute saveur, éveillaient les sens, anoblissaient l’art culinaire, et leur valeur inestimable rendait compréhensibles les guerres sanglantes qu’avaient engendrées jadis le commerce du poivre. Ceux qui prenaient ces merveilles pour des épines superflues gâchant la cuisine, incendiant les muqueuses, étaient de bien piètres gourmets. Le piquant révélait aux connaisseurs un continent de mille saveurs.
Glacée, nauséeuse, je m’étais mise à éternuer, ce qui n’avait pas arrêté le flot de paroles de l’incorrigible bavard. J’eus droit au récit de ses voyages, du Kerala à Madagascar, de Bornéo à la Jamaïque, dans les jardins d’épices où se cultivaient les meilleurs poivres. Il se prétendait capable de différencier arômes et origines qu’il tint absolument à me décrire, m’imposa même la biographie de Pierre Poivre, gouverneur de L’Île Maurice et de la Réunion, qui introduisit cette épice dans les colonies françaises.
Je devais avoir vraiment très mauvaise mine lorsque le bavard interrompit son discours :
– Ça va ?
– Très bien, je vais seulement vomir un peu avant une bonne grippe.
L’homme avait alors sorti d’une boîte métallique un morceau de tubercule beige que j’avais mastiqué sans protester. Aussitôt, mes yeux avaient pleuré, ma gorge flambé, et l’homme m’avait fait boire, dans une de ses flasques à alcool, une prétendue potion magique, à la fois douce et piquante. J’avais oublié grippe et nausée.
Presque vingt ans ont passé. Lorsque, les soirs d’hiver, maux de tête et frissons m’assaillent, je croque un morceau de gingembre frais. Chassé par le fouet de ce dopant, le spectre de la grippe s’éloigne.
L’homme fou de piment ne m’ennuie plus avec ses discours. Je partage désormais sa passion du poivre, du gingembre, et les voyages multiples qui nous les font mieux connaître. Le gingembre râpé épice désormais nos plats, parfume nos huiles et transforme le jus de citron adouci de miel en une potion magique que nous emportons toujours dans nos bagages.
Le reportage de François-Régis Gaudry
Rencontre avec le producteur de moutarde Patrice Boudignat à Blunay (commune de Melz-sur-Seine, entre Provins et Nogent sur Seine)
Cet agriculteur céréalier a relancé la culture et la transformation des graines de moutarde,
La recette Patrice Boudignat
Moutarde
Ingrédients :
- 100 g de graines de moutarde brunes (Brassica juncea)
- 150 g d'eau
- 100 g de vinaigre (celui de la cuisine, préférer un vinaigre à 6°)
- 10 g de sel
- 5 g de curcuma
Matériel :
- mixeur plongeant
- saladier
- bol
- verrine type pot à confiture
La veille : dans le saladier, faire tremper les graines de moutarde dans 100 g d’eau. Couvrir et laisser à température ambiante.
Le lendemain : remuer les graines afin de décompacter, ajouter le vinaigre. Dans un bol, diluer le sel et le curcuma dans 50 g d'eau. Remuer avec une cuillère afin de bien dissoudre les épices. Incorporer le mélange du bol dans le saladier avec les graines de moutarde
Mixer en remuant de bas en haut pendant environ 15 secondes, le temps est variable en fonction de la nature des graines. Arrêter de mixer quand la consistance devient homogène.
Verser la moutarde dans une verrine avec le moins d'air possible, fermer le couvercle et la placer dans le bas du réfrigérateur.
La moutarde, à ce stade, est très amère et il est préférable de la consommer après deux semaines. La moutarde est extrêmement piquante les premiers mois et s'adoucit avec le temps, sans conservateurs autre que le sel, il faut la garder au frais et toujours à l'abri de l'oxygène (bien à refermer les pots après son utilisation).

La recette de Suzy Palatin
- La confiture endiablée de Suzy Palatin
Ingrédients
- 150 g de piments végétariens
- 30 g (1) de piment habanero
- 75 g de sucre
- 2 cuillères à soupe d’huile neutre
Avec un robot cuiseur
Retirer les pédoncules des piments. S’ils sont déjà petits, pas besoin de les couper. Mettre tous les ingrédients dans un mixeur, et mixer. Puis, faire chauffer le tout.
À la casserole
Déposer un fond d’eau dans une casserole, ajouter tous les ingrédients, et faire cuire 10-12 minutes à couvert, tout en vérifiant que le mélange ne colle pas. Ensuite, mixer au blender ou au mortier.
Débarrasser dans un bocal stérilisé.

- Petit tour de main de François-Régis Gaudry
Le poivre Timut :
Prenez quelques grains de poivre Timut, broyez-les ou écrasez-les au mortier et saupoudrez-en sur une salade de fraises, un poisson cuit à la vapeur ou une confiture d’agrumes. Bon appétit !
Film
- Extrait du documentaire québécois : Chiliheads !
“Chiliheads: fous de piments forts”, réalisé par le québécois Julien Fréchette en 2021
Les enfants :
Merci à Salomé 9 ans, Garance 9 ans, Suzanne 11 ans, Jane 12 ans, Adrien 12 ans, César 12 ans, Gabrielle 14 ans, Gabriel 15 ans, Charlotte 14 ans, Claire 15 ans.
La programmation musicale
- LA FEMME - Le sang de mon prochain
- Radio edit M.I.S. (MEXICAN INSTITUTE OF SOUND) - México
L'équipe
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