

Dans la famille des saveurs fondamentales, à côté du sucré, de l’acide, de l’amer et de l’umami, je demande le salé, un goût tellement prégnant et évident qu’il étiquette à lui seul tout un champ de la cuisine : les recettes salées par opposition aux recettes sucrées…
A l’origine du goût salé, il y a le sel, ce fameux chlorure de sodium : c’est l’un des sujets de recherches de Christophe Lavelle, bio-physicien, chercheur au CNRS et au Museum National d’Histoire naturelle. Avec lui, nous explorons le sel tous ses rôles en cuisine : assaisonner les aliments, les faire dégorger, les conserver et même les cuire.
Vous connaissez sûrement la technique de la cuisson en croûte de sel. Je vais vous proposer une recette inratable pour sublimer de beaux maquereaux.
Mais juste avant, je vous emmènerai récolter le sel, de la façon la plus naturelle qui soit, au port des Salines, sur l’île d’Oléron.
Saveurs Savantes, ce sont des reportages, des tours de main, des éclairages scientifiques mais aussi des morceaux de littérature, des extraits de films, sans oublier la chronique " Sur le bout de la langue" de la linguiste Aurore Vincenti.
Pour commencer, je vous propos un atelier avec quelques gastronomes en culottes courtes, puisque la vérité sort toujours de la bouche des enfants…

Christophe Lavelle
Bio-physicien, chercheur au CNRS et au Museum National d’Histoire naturelle.
Auteur de nombreux ouvrages, notamment « Molécules : la science dans l'assiette » Paru le 22 avril 2021 aux éditions Les Ateliers d'Argol,

La chronique "Sur le bout de la langue" de la linguiste Aurore Vincenti
- SALE
Le salé, comme le sucré sont des mots dérivés de denrées le sel et le sucre. Contrairement à l’amer et à l’acide, ces saveurs sont fermement rattachées à un ingrédient spécifique. Or ce qu’on constate c’est que ces denrées – le sucre et le sel – ont joué un rôle prédominant dans notre culture.
► La suite à lire et à écouter

Lecture
Jean Giono, Manosque-des-Plateaux (1930) interprétée par Emmanuel Gaury
Je ne pourrai jamais retrouver le vrai visage de ma terre : cet œil pur des enfants, je ne l'ai plus.
Quand j'étais tout petit, je jouais, puis j'avais faim. Ma mère taillait alors une plate tartine de pain, elle la saupoudrait de sel, elle l'arrosait d'huile par un large 8 de la burette penchée ; elle me disait : « Mange ». Ce sel, il me suffisait de humer le vent odysséen ; il était là avec l'odeur de la mer ; ce pain, cette huile, les voilà tout autour dans ces champs de blé vert dessous les oliviers. Ainsi, s'est aiguisée de longue habitude l'ardente faim de mon cœur.
Jamais assez de ce pain...
Jamais assez de ce sel, de cette huile, ma mère.
Avec mes joies, avec mes peines, j'ai mâché des quignons de ma terre ; et maintenant, la ligne où se fait le juste départ, la ligne au-delà de laquelle je cesse d'être moi pour devenir houle ondulée des collines, la ligne est cachée sous la frondaison de mes veines et de mes artères, dans les branchages de mes muscles, dans l'herbe de mon sang, dans ce grand sang vert qui bout sous la toison des olivaies et sous le poil de ma poitrine.
Le reportage de François-Régis Gaudry
James Robert ancien chef du restaurant Le Relais des Salines.
Saulnier à ses heures, James Robert exploite le marais salant du Port des Salines (Ile d'Oléron).
Il récolte le sel, le conditionne à demeure avec l'aide de Corinne, Cléa, Emilie, Antoine et Marie qui préparent le gros sel et la fleur de sel. (en vente directe à La Salorge.)
LA SALORGE - Port des Salines - 17370, LE GRAND-VILLAGE-PLAGE

Les recettes de Stéphane Lagorce
Stéphane Lagorce est ingénieur des Sciences et Techniques des Industries Agro-Alimentaires et auteur du GRAND PRÉCIS DES CUISSONS AU POIL ! aux éditions Éditions Homo-Habilis
- Maquereaux cuits en croûte de sel
1 - Choisir son maquereau. Choisissez deux gros maquereaux d’au moins 350/400 grammes. Faites-les vider super délicatement par le poissonnier. Vous pouvez aussi demander au cordonnier mais le résultat n’est pas garanti.
Pourquoi de si gros maquereaux ? Parce que des poissons de masse inférieure ressortiraient complètement surcuits d’une telle cuisson.

2 - Coucher le sel. Dans un plat relativement profond, versez une couche de gros sel d’environ 2 cm d’épaisseur. Couchez les pauvres maquereaux sur ce lit tout à fait improbable, ajoutez thym, laurier puis recouvrez-les derechef de gros sel : on ne doit plus les voir ! Comme c’est bizarre…
Pourquoi tant de sel ? Beaucoup de sel = beaucoup de bouclier thermique et aussi beaucoup de cuisson inertielle (par inertie thermique), c’est exactement ce qu’on recherche. On adoucit, on aplanit la violente chaleur du four grâce au sel.

3 - Cuire sans plaisanter. Enfournez aussitôt dans le four préchauffé à 210 °C, carrément, on ne rigole pas. Décomptez 30 minutes chrono. Pendant ce temps, ne baillez pas aux corneilles comme d’habitude et préparez la sauce.
Pourquoi si chaud ? Parce qu’il faut beaucoup d’énergie thermique pour chauffer toute cette masse de sel pardi… Mais ça ne va pas être trop salé ? Non, car le sel n’a pas le temps de pénétrer. Four préchauffé ? Oui afin que le poisson commence à cuire tout de suite et ne prenne pas trop le goût du sel, justement.
4 - Ne jamais faire trop de zèle. Hachez assez finement un quart d’oignon rouge. Placez-le dans un bol avec trois ou quatre c. à s. de bon vinaigre de vin. Salez, poivrez, oubliez 5 minutes puis ajoutez en mélangeant sans faire trop de zèle 1 c. à c. de purée de piment d’Espelette si vous en avez sous la main, et un bon peu de ciboulette hachée.
Ne jamais faire trop de zèle ? Oui, c’est une règle d’or en cuisine ! le moins on en fait, le meilleur c’est ! Et si je n’ai pas de purée de piment ? Pas grave, mettez plus d’herbes fraiches.
5 - En finir avec les maquereaux. Sortez le plat du four, aie caramba, que ça brûle et attention à la vapeur qui va sortir ! Oubliez dix minutes environ. Cassez la croûte de sel, extirpez aussi bien que possible les maquereaux. Ôtez la peau, récupérez le meilleur : les chairs placez-les dans une assiette, n’oubliez pas de donner les têtes et les arêtes au chat ou aux enfants. Agrémentez le poisson divinement cuit avec la petite sauce préparée tout à l’heure. That’s it.
Pourquoi attendre 10 minutes avant de casser le sel ? Afin que la cuisson se termine par inertie. C’est la simple chaleur emmagasinée dans le sel qui termine et parfait la cuisson, pas le four !

Le petit bla-bla technique
La cuisson en croûte de sel se réalise donc dans le four et à assez haute température. Le sel encaisse le choc thermique qui est délivré par le four de trois façon : par rayonnement infra-rouge (venant des parois chauffées), par convection forcée (l’air chaud et brassé) et par conduction (par contact avec le plat de cuisson). Mais, et c’est là que réside l’intérêt de cette cuisson, le sel ne délivre la chaleur au poisson que par conduction et de manière atténuée : on a donc une cuisson assez unique, en pure conduction et à température raisonnable (environ 130 °C), ce qui permet d’obtenir une texture à la fois fondante et ferme assez originale.
- La sauce vierge
Un quart d’oignon rouge finement haché, mélangé dans une bol avec trois ou quatre cuillères à soupe de vinaigre de vin, 4 à 5 cuillères à soupe de d’huile de colza, du sel, de poivre, une pincée de piment d’Espelette et beaucoup de ciboulette ciselée. Bon appétit !
La recette salée de la bartender Margot Lecarpentier
Combat - Bar à cocktails 63 rue de Belleville - 75019 Paris
- Cocktail Salé - L’impécâpre
Rincer les câpres à l’eau claire. Dans un saladier, faire infuser 20 g de câpres dans 70 cl de tequila pendant 24h à 48h.
À l’aide d’une Maryse, vous pouvez frotter, écraser légèrement les câpres pour qu’elles dégagent leur parfum.
Dans un verre highball, verser
- - 15 ml de tequila infusée aux câpres, ajouter
- - 10 ml de suprême de noix (ou liqueur de noix, ou 15-10 ml de vin de noix),
- - 10 ml de vermouth blanc,
- - 10 ml de jus de citron jaune fraîchement pressé,
- - 30 ml de Suze ou de Gentiane.
Ajouter de la glace pilée jusqu’à remplir le verre. Mélanger avec une cuillère à mesure que l’on remplit. Bonne dégustation !

Film
- Extrait Cuisine et dépendances, 1993
( Jean-Pierre Bacri, Zabou Bretman, Agnès Jaoui, Jean-Pierre Darroussin...)
Les enfants :
Merci à Salomé 9 ans, Garance 9 ans, Suzanne 11 ans, Jane 12 ans, Adrien 12 ans, César 12 ans, Gabrielle 14 ans, Gabriel 15 ans, Charlotte 14 ans, Claire 15 ans.
La programmation musicale
- DOM LA NENA Vejo passar
- CHARLES TRENET La mer (version japonaise)
L'équipe
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- Collaboration
- Réalisation
- Collaboration