Depuis 2003, la police judiciaire s'est dotée d'un groupe spécialisé dans la preuve par l'odeur, l'odorologie. Parmi ses agents, six chiens capables de relier le parfum d'un suspect avec des émanations recueillies sur la scène de crime
Des rangées de bocaux sur des étagères . A l'intérieur, des bouts de tissu blanc chiffonnés. Ce sont les "odorothèques " de la sous-direction de lapolice scientifique, à Ecully . Il y a là9500 bocaux d'odeurs humaines , dont une partie sous scellés judiciaires. L'odeur est prélevée en frottant (pendant dix minutes) un tissu spécial avec un objet touché par le ou les suspects. Typiquement, le siège d'une voiture. Malgré la déperdition d'effluves dans le processus, les chiens pourront plus tard comparer cet indice avec l'odeur d'un suspect.
Olivier Brégéras , le chef de section , se souvient d'un braquage sur lequel les enquêteurs "séchaient un peu". Deux ans après, ils envoient "sans trop y croire" les odeurs corporelles d'un individu. Les chiens les identifient avec les traces odorantes recueillies sur le siège conducteur de la voiture, le suspect passe aux aveux. Après, "on s'est un petit peu battus pour faire rentrer dans la tête des enquêteurs que l'odorologie pouvait être effectuée sur d'autres types de support que les véhicules " raconteOlivier Brégéras . Arme, cagoule, gant, tournevis, bretelles de sac à doc, branche... les supports qui permettent de mettre l'odeur en bocal se sont diversifiés, et donnent de bons résultats, à condition tout de même d'être prélevés dans un délai de 72 heures.
Pour l'essentiel, c'est aux chiens de jouer. Ils sont six, surtout des bergers allemands et des bergers belges. Cisco a commencé sa carrière policière comme chien d'avalanche avec son maître, Olivier Thierry , avant d'intégrer le groupe odorologie en 2011. A huit ans, il est au sommet de son flair: comme les humains, il a la vue qui baisse avec l'âge mais il compense avec sa truffe.
La "parade d'identification " suit un protocole précis, mis au point en 2002 avec Interpol , et utilisé par d'autres pays européens comme l'Allemagne, la Slovaquie ou la Belgique. La méthode a été importée en France de Hongrie, d'où les ordres en hongrois encore donnés aujourd'hui aux chiens d'Ecully. Cinq bocaux sont alignés au sol, dont l'un contient le tissu imprégné de l'odeur du suspect et les quatres autres des odeurs de comparaison, recueillies à la même date sur des personnes de même sexe. Olivier Thierry fait renifler à Cisco l'indice , l'odeur qui a été conservée de la scène de crime . Puis le chien s'élance, passe le museau au-dessus des bocaux. Rapidement, il contourne les trois premiers, et vient se coucher, le quatrième bocal entre les pattes.L'indice est identifié, sans la moindre hésitation, comme l'odeur de la personne mise en cause . Ensuite c'est un jeu de bonneteau: les bocaux sont déplacés à l'aide d'une tige métallique. Deuxième ligne: Cisco retrouve immédiatement la bonne odeur. Il devra aussi faire une ligne à vide, l'odeur du suspect absente: le chien passe sans s'arrêter devant les bocaux témoins et retourne vers son maître. Deux identifications par des chiens différents sont nécessaires.
Olivier Thierry le récompense, et entrecoupe la séance de brefs moments de jeu, pour entretenir la motivation du policier à quatre pattes, quirenifle un millier de lignes de bocaux par an (soit 6000 prélèvements d'odeurs humaines). La procédure, relativement lourde, est réservée aux affaires criminelles: 50 l'année dernière, dans lesquelles les chiens ont permis 18 identifications. L'odeur est un élément de preuve qui doit être associé à d'autres: "il serait difficile de condamner quelqu'un sur le témoignage d'un chien " remarque un expert de l'Institut national de police scientifique. L'INPS travaille justement sur la reconnaissance artificielle de l'odeur, mais la machine qui aura autant de flair que le chien n'existe pas encore.
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