Depuis vingt ans, le montant des transferts de joueurs de football a explosé: 3,6 milliards en 2014. Selon une étude de la FIFA, près de 30% de l’argent des transferts irait dans d’autres poches que dans celles des joueurs. De l’argent parfois détourné du circuit officiel, grâce aux paradis fiscaux.
Alors que va bientôt débuter l’Euro de football, en France, « Secrets d’info » enquête sur les coulisses du « foot business. » Depuis vingt ans, le montant des transferts de joueurs de football a explosé : il s’élevait à 3 milliards 600 millions €, en 2014. Selon une étude de la FIFA, près de 30 % de l’argent des transferts irait dans d’autres poches que dans celles des joueurs. De l’argent parfois détourné du circuit officiel, grâce aux paradis fiscaux. Désormais, ce sont les fonds spéculatifs qui investissent les terrains de football. On achète des joueurs, comme on achète des actions, puis on les revend pour gagner toujours plus…

Les transferts sont liés de manière consubstantielle à l’argent occulte. Soit le prix du transfert inclut une rétro-commission, ce qui est le cas le plus fréquent, soit il est accompagné d’un véritable micmac du type « acquisition des droits à l’image ». J’ai constaté que 90 % des transferts étaient pipés. Donc soit vous acceptez des manquements au règlement, soit vous ne travaillez pas.
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### Une mallette de billets
C’est la proposition faite en 2007, par un club étranger, à Luc Dayan, alors président du FC Nantes , pour recruter l’un de ses joueurs :
C’était hallucinant. J’ai répondu qu’ils n’avaient qu’à rajouter cette somme au prix du transfert, et que ça irait dans les caisses de l’actionnaire. Il était hors de question que j’accepte cet argent. Le versement de ces pots de vins s’effectue en sous-facturant ou en surfacturant certains transferts de joueurs. Selon le journaliste de « France 2 », Alain Vernon , l’achat d’un joueur s’accompagne quasi-systématiquement de pots de vins :

La différence entre le prix officiel et le prix de facturation revient en liquide grâce, aux agents de joueurs, dans la poche des entraineurs, des présidents de clubs et même parfois des journalistes qui sont récompensés pour avoir écrit un « beau » papier. C’est très difficile à prouver, mais ça existe depuis longtemps.
Pour plus de discrétion, ces pots de vins transitent la plupart du temps par les places offshores confirme l’ex-agent Patrick Mendelewitsch :
A la fin des années 2000, un certain nombre d’agents faisaient des transactions à partir de comptes bancaires ouverts au nom de sociétés basées dans des paradis fiscaux. Depuis, rien n’a changé.
Un témoignage confirmé par un ancien membre des services de renseignement français , qui a suivi à la loupe la trajectoire offshore du ballon rond.
« Une valeur à la Loulou »
Selon le journaliste de « Libération », Grégory Schneider , ces dérives sont facilitées par l'absence de prix officiel des joueurs :

Un joueur, c’est une valeur « à la Loulou ». Il n’y a pas de cote. Ce que vaut un joueur, c’est le prix de revente espérée. Je peux acheter un joueur un million, et le revendre cinq, alors que c’est un tocard ! C’est un terrain miraculeux pour blanchir de l’argent.
Blanchir de l’argent, cela signifie recycler de l’argent sale (trafic de drogue, évasion fiscale, trafic d’armes…) dans un circuit légal, en l’occurrence grâce au transfert d’un joueur. Grégory Schneider le précise :
Certains clubs achètent même un joueur et vont le prêter immédiatement au club vendeur. L’argent du transfert a circulé, sans que le joueur ne bouge. C’est un pur jeu d’écriture qui fait froid dans le dos.
### Pas de transparence
Pourtant, ces transferts, sont censés être contrôlés par la FIFA (Fédération internationale de football), par le biais d’un système baptisé « Transfert Matching System » (TMS). Un contrôle cependant limité car ce système oblige les clubs à fournir tous les documents administratifs, lors de la vente d’un joueur. Les explications de Jean-François Brocard , du Centre de Droit et d’Economie du Sport à Limoges :> La FIFA n’a pas accès à toutes les informations lors des transferts entre les clubs d’un même championnat. Il y a toujours moyen de contourner les règles. Beaucoup de pays du continent sud-américain ne fournissent pas les informations nécessaires. Le système mis en place par la FIFA ne permet pas non plus de vérifier l’origine des fonds, estime Jérôme Champagne , ancien conseiller du président de la FIFA , Sepp Blatter :> Une chambre de compensation financière adossée au système de contrôle des transferts aurait permis d’assurer la traçabilité de l’argent et donc une transparence qui aujourd’hui n’existe pas.
### La loi du « milieu »
Du coup, le football est devenu un « terrain de jeu » potentiel pour toute sorte de trafics comme le rappelle l’ancien juge d’instruction Eric Halphen :

Dans beaucoup d’affaires, j’ai constaté qu’il y avait des relations entre le BTP, la finance et le sport. Les filières de corruption du BTP, du trafic d’armes et de stupéfiant utilisaient les mêmes circuits bancaires que pour certains transferts sportifs : en Suisse, au Luxembourg, au Lichtenstein, en Allemagne, en Autriche, et dans d’autres paradis fiscaux.
### Un Kazakh dans le foot belge


On a voulu me contraindre à faire des négociations avec ce personnage. J’ai refusé. Et comme, derrière mon dos, on a maintenu des contacts avec ses avocats pour tenter de vendre le club, j’ai décidé de partir en claquant la porte.
Arrêté en juin 2014, par la police autrichienne, Rakhat Aliev a été retrouvé pendu dans sa cellule, en février 2015.
« L’argent des mafias et des trafics humains »
Le rachat d’un club de football par de l’argent sale est une réelle préoccupation pour les autorités anti blanchiment. Extrait du rapport 2012 de Tracfin , le service anti blanchiment deBercy :> La prise de contrôle des clubs de football présentant des difficultés financières peut constituer une étape préliminaire facilitant les opérations de blanchiment dans le cadre de transferts de joueurs de football, Par ce biais, des montants importants sont susceptibles d’être blanchis et peuvent par la suite être réinvestis dans des sociétés de l’économie légale.
L’ancien député, François D’Aubert, spécialiste de la corruption dans le sport, le confirme :
Avec l’argent des mafias et des trafics humains, le risque n’a jamais été aussi grand de voir le football investi par de l’argent sale.
### Un déficit de 93 millions d’euros pour le foot français
Face à des investisseurs peu scrupuleux, la plupart des clubs se trouvent en position de faiblesse, à cause de leur situation financière. En France, la plupart des quarante clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 sont déficitaires : 93 millions € de pertes nettes cumulées pour la saison 2013-2014. Et encore, ces pertes incluent les abandons de créances des actionnaires. Sinon, le déficit des clubs français s’élèverait à 217 millions €.
Des banques qui ne prêtent plus
Cette fragilité financière des clubs est accentuée par la frilosité des banques. L'analyse de Luc Dayan , spécialisé dans la reprise de clubs en difficulté :
Il n’y a plus une seule banque qui prête dans le foot. Elles estiment désormais que c’est un secteur à hauts risques. Résultat : l’écart se creuse entre les gros clubs, qui brassent beaucoup d’argent, et la grande masse des clubs qui cherchent à boucler leur budget, explique le chercheur à l’IRIS et spécialiste du sport, Pim Verschuuren :

La majorité des clubs de football sont dans une situation précaire, Quand un investisseur amène des fonds et propose de racheter toutes les dettes, les propriétaires sont ravis d’accepter, sans forcément vérifier l’intégrité de l’argent proposé .
### Quand Monaco devient le banquier de Nancy
Cette situation financière tendue entraîne parfois des accords plutôt étranges. Ainsi, l’AS Nancy Lorraine - qui jouera la saison prochaine en Ligue 1 - a récemment trouvé un banquier assez inhabituel : le club de Monaco , l’un de ses futurs concurrents dans le championnat de France. Le 28 septembre 2015, les deux clubs ont concluent un « contrat de partenariat ». Monaco avance 2 millions € à Nancy . En échange, le club monégasque dispose d’un droit de préférence pour recruter des joueurs de Nancy . L’accord a été dénoncé parl’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP) qui a saisi l’Autorité de la concurrence , comme le révèle « Secrets d’info ». Le président de l’UNFP, Philippe Piat s’insurge :

Cet accord pose un problème de concurrence incroyable. Un club, Monaco en l’occurrence, disposerait d’un droit de préemption sur des joueurs. C’est vraiment de l’esclavage !
### La culbute financière du « trading joueurs »
Si les banques désertent les terrains de foot, ce n’est pas le cas, en revanche, des fonds spéculatifs, domiciliés dans les paradis fiscaux. Ces fonds prêtent de l’argent aux clubs, tout en jouant sur la cote des joueurs, comme s’ils investissaient dans des actions. Cela s’appelle le « trading joueurs » . Objectif : faire augmenter la valeur des joueurs afin de faire la « culbute » financière la plus importante possible, lors de leurs transferts. Et c’est le but affiché du fonds « Fair Play Capital », basé au Luxembourg .


Ce qui m’intéresse, c’est de faire passer le football dans une nouvelle ère. Tous les secteurs d’activités sont passés dans une ère de financiarisation. Il n’y a que le football dans lequel les enjeux économiques sont très importants qui reste sous-développé en matière financière. Si « Fair Play Capital » a obtenu l’agrément des autorités financières du Luxembourg, il n’a pas encore démarré officiellement son activité.
Une entreprise chinoise aux îles Caïmans

Un ancien de Lehman Brothers et Goldman Sachs
Le Racing club de Lens vient d’être aussi repris par un fonds luxembourgeois , baptisé « Solférino » Derrière « Solférino » - qui détient 65 % du RC Lens - se trouve un fonds spéculatif, « Amber Capital » , dirigé par un Français, Gilles Frétigné, passé par la banque Lehman Brothers et Goldman Sachs . Décryptage parDominique Rousseau , auteur d’un blog très informé sur le « foot business » :

La holding d’Amber Capital, basée à New-York, détient des parts dans un club de foot colombien, tout en gérant les fonds d’une société pétrolière. Le fait que ce fonds spéculatif rachète le RC Lens montre bien que la financiarisation du foot est effective, avec des gens qui ne sont là que pour la spéculation.
L’autre actionnaire du RC Lens (à hauteur de 35%) n’est autre que le club espagnol, l’Atlético Madrid . Ce qui risque potentiellement de poser un problème éthique, si les deux clubs s’affrontent un jour en Coupe d’Europe . Dans ce cas, il est prévu que l’Atlético Madrid cède ses parts au fonds d’investissement « Solférino ».
« Beaucoup d’ombres chinoises »
C’est la DNCG (Direction nationale du contrôle de gestion) qui est chargé de contrôler l’intégrité de ces repreneurs, de plus en plus financiarisés. Mais elle n’a pas le pouvoir de contrôler l’origine des fonds, s’inquiète le président de la commission juridique de la Ligue de football professionnel , André Soulier :

Nous ne sommes pas suffisamment armés en matière de contrôle financier. D’où vient l’argent ? Qui sont les actionnaires ? Les chinois ont une formule qui m’a toujours ravi : « Ce qui est important, c’est ce qu’il y a derrière le rideau.» Ça s’appelle les ombres chinoises. En ce moment, nous avons beaucoup trop d’ombres chinoises. ### Banquier, agent et gestionnaire d’image
Le fonds d’investissement « Doyen Sports » est l’un des acteurs les plus puissants de ce « foot business », avec une capacité d’investissement évalué entre 5 et 6 milliards €. C’est une branche du groupe Doyen, une holding britannique spécialisée dans l’énergie, la finance, le transport et la construction. « Doyen Sports » est à la fois un banquier, un agent et un gestionnaire d’image dans le monde du sport. Le fonds est installé à Londres mais enregistré à Malte , bien connu pour sa douceur fiscale. Il assure que tout est clair, mais jusqu’ici n’a pas rendu public le nom de ses actionnaires.
Dans les coulisses de l’OM
La France fait partie des objectifs de « Doyen Sports ». Son patron, Nelio Lucas , ne s’en cache pas. Le fonds a récemment joué un rôle actif dans les coulisses de l’OM en favorisant notamment l’arrivée de l’ancien entraineur du club marseillais, Michel , et le transfert de deux joueurs.
Des joueurs « à la découpe »
« Doyen Sports » s’est également spécialisé dans une pratique assez étonnante : latierce propriété - ou « TPO », "third party ownership ". En échange de l’argent qu’il avance au club, le fonds devient propriétaire d’une partie des droits économiques du joueur, un peu comme si le joueur était une entreprise cotée en Bourse et que le fonds achetait une partie de ses actions. Le « retour sur investissement » se fait au moment où le joueur est transféré. Plus le montant du transfert est important, plus le fonds va alors gagner de l’argent. Exemple : si le fonds achète 50 % des droits du joueur, il va toucher 50 % du montant de son futur transfert.
« Un homme ne doit pas devenir un produit »
Cette technique de la tierce propriété (TPO) s’est initialement développée en Amérique latine , dans les années 80, puis dans les pays du sud de l’Europe , notamment en Espagne et au Portugal . Elle fait l’objet de très vives critiques, au sein des autorités sportives (FIFA, UEFA , syndicats de joueurs…) comme le précise le président du syndicat international des joueurs, Philippe Piat :
Sur le plan sportif c’est inacceptable. L’intérêt du fonds de pension est de multiplier les transferts. Et puis, pour pouvoir rembourser le fonds de pension, le club peut également faire pression sur le joueur pour le transférer. Un homme ne doit pas devenir un produit.
Cette pratique peut aussi entraîner des risques de conflits d’intérêt ou de matchs truqués selon l’économiste du sport, Jean-Pascal Gayant :
Il existe une possibilité de manipulation des matchs si des fonds détiennent des créances sur des footballeurs qui jouent dans des équipes différentes. Il peut y avoir des ententes pour faire briller tel ou tel joueur, parce que le plus important, c’est la plus-value qui sera effectuée à la revente du joueur.
### Un vivier de joueurs pour l’Europe
Face à toutes ces critiques, la TPO a finalement été interdite dans tous les pays par la FIFA, depuis le 1er mai 2015. Elle était déjà interdite, en Angleterre, en Pologne et en France. Quelques clubs ont déjà été condamnés par la FIFA à des amendes, comme le club belge de Seraing , racheté en 2013 par un club français, le FC Metz . Mais, même si cette TPO est officiellement proscrite, il est peu probable qu’elle disparaisse totalement du paysage, estime l'auteur d’un mémoire sur les risques de blanchiment dans le football :
Cette pratique est très diffusée en Amérique du sud et l’Amérique du sud, et constitue un vivier de joueurs pour l’Europe. Or, les clubs n’ont pas renoncé à acquérir des joueurs argentins ou brésiliens sous prétexte qu’une partie de leurs droits commerciaux sont détenus par un investisseur privé.
Dans ces conditions, ce n’est pas toujours simple pour les clubs français de vérifier qu’il n’existe pas une « participation cachée » d’un fonds sur un joueur, comme le constate le président des Girondins de Bordeaux , Jean-Louis Triaud :

Il y avait une TPO sur le défenseur brésilien Pablo que nous avons recruté. Nous avons reçu un document de la fédération brésilienne nous garantissant que tout était légal. Après, évidemment, nous n’avons pas les moyens de vérifier.
Rien ne garantit, non plus, que cette TPO va rester éternellement interdite. En effet, « Doyen Sports » - soutenu par les fédérations espagnoles et portugaises - conteste cette interdiction devant la justice française et belge. La commission européenne est également saisie. Pour Emmanuel Daoud, l’avocat du fonds d’investissement :

Cette interdiction est contraire à la libre circulation des capitaux, des travailleurs, et des prestations de service au sein de l’Union européenne. « Doyen Sports » aide à la libéralisation du monde du football. Il lutte contre les monopoles et les cartels.
### « Football Leaks » : la face cachée du « foot busi ness »

La trajectoire fulgurante d’un « joueur Doyen »
Parmi ces documents, figurent notamment des éléments sur le transfert du joueur français Geoffrey Kondogbia , dont « Doyen Sports » achète 50 % des droits. En 2012, Kondogbia est transféré de Lens à Séville , pour 4 millions €. Le président du FC Séville écrit alors au patron de « Doyen Sports » :
Le club de Séville et Doyen se verront dans l’obligation de transférer le joueur, à n’importe quel moment, à partir d’une offre ferme égale ou supérieure à 6 millions €.
Autrement dit : si un club met au moins 6 millions sur la table, le joueur doit obligatoirement être transféré. De fait, un an plus tard, Kondogbia est transféré à Monaco - pour 20 millions € - puis, en 2015, à l’Inter de Milan - pour 40 millions €. Contacté, « Doyen Sports » explique qu’il y aurait cependant d’autres clauses permettant au club de garder le contrôle sur son joueur…
« Le joueur devient un produit financier »
Et tout comme le produit financier, il doit circuler et prendre de la valeur. C’est le constat de l’un des meilleurs spécialistes de la financiarisation du foot, Pippo Russo :

Doyen impose ses joueurs. C’est un système d’influence très lourd qui peut conditionner les acteurs du football. Il n’y a plus de liberté de concurrence entre joueurs. La raison sportive passe derrière la raison économique, financière. Le joueur devient un produit financier.
Réponse du porte-parole de « Doyen Sports », Francisco Empis :
Nous faisons de l’investissement avec des clubs, sur le marché des transferts. Dire que l’on peut influencer les clubs et les fédérations, c’est un peu la théorie de la conspiration…
### Le « dépôt-vente » monégasque
Pour « valoriser » un joueur, il doit donc « circuler », à travers des « clubs vitrines ». Comme à Monaco , où de nombreux joueurs ont été recrutés par le très influent agent portugais Jorge Mendes . Il est notamment l’agent de la star du Real de Madrid , Cristiano Ronaldo , et du futur entraineur de Manchester United , José Mourinho . Les explications de Grégory Schneider :
Jorge Mendes utilise Monaco comme une vitrine pour valoriser ses joueurs et les faire tourner. C’est devenu une sorte de dépôt vente. La notion d’identité de club vole en éclat.
Jorge Mendes dispose, lui aussi, de son propre fonds d’investissement, « Quality Sport Investments », dans le paradis fiscal de Jersey . Il vient également de conclure un partenariat stratégique avec un important fonds d’investissement chinois - « Fosun » - qui veut investir dans le football.
Un agent influent : Pini Zahavi

Pini Zahavi , est un ancien journaliste sportif devenu agent de joueurs. Il est notamment proche de l’oligarque russe Roman Abramovitch qui a racheté le club anglais de Chelsea .
Le club de Mouscron constitue une belle opportunité pour faire circuler les joueurs de Pini Zahavi , ou de ses proches, notamment depuis les Balkans ou depuis Chypre , où cet agent influent a aussi ses entrées.
« Un club de mercenaires »
Depuis l’arrivée du nouvel actionnaire, certains joueurs de Mouscron ont été mis sur la touche, comme en témoigne Florian Delestrain :

Je me suis retrouvé avec un effectif de 55 joueurs dans l’équipe B de Mouscron. Il y avait des Portugais, mais surtout des Serbes et des Croates. La plupart d’entre eux ne faisaient que passer. Ce n’est plus le même club. Mouscron était un club familial qui savait former. C’est devenu un club de mercenaires.
Une vision des choses contestée par le président actuel de Mouscron, Edward Van Daele :
Monsieur Pini Zahavi est l’un des agents qui nous a effectivement proposé des contrats de joueurs. Mais c’est aussi le principal fournisseur actuel du club d’Anderlecht. Cela lui donne-t-il un pouvoir dans notre club ? Je ne le pense pas.
### « Al Capone n’y avait pas pensé ! »
Au-delà du cas particulier de Mouscron , la multiplication des « clubs passerelles » a de quoi inquiéter les spécialistes du blanchiment d’argent sale. Le décryptage de Noël Pons , ancien membre du Service central de prévention de la corruption :

En faisant tourner les joueurs, cela permet de créer une rotation constante qui fait tourner les fonds par un jeu de sociétés-écrans. C’est une véritable lessiveuse. Al Capone n’y avait pas pensé ! Si j’étais un mafieux, ce serait une bonne solution…
### Un spécialiste des montages offshore
Lucien D’Onofrio représente un autre acteur clé de cette financiarisation du foot. Cet ancien agent de joueurs – et ex-dirigeant du Standard de Liège - a eu des clients prestigieux, comme Zinédine Zidane , aujourd’hui entraineur du Real de Madrid , ou Didier Deschamps , actuel sélectionneur de l’équipe de France .
Officiellement, Lucien D’Onofrio n’a plus l’autorisation d’exercer puisqu’il a été condamné à de la prison ferme en France, dans l’affaire des comptes de l’OM , ainsi que dans celle de « la caisse noire » de Toulon . Il est pourtant toujours présent, dans le business des transferts comme l’explique le journaliste indépendant David Leloup qui a enquêté sur le sujet :

D’Onofrio dispose de toute une galaxie de sociétés off-shore pour toutes ses activités. Que ce soit pour toucher des commissions en tant qu’agent de joueur, pour rémunérer des joueurs, au noir, via des droits à l’image, ou pour acheter de l’immobilier.
Lucien D’Onofrio se trouve au cœur d’une enquête judiciaire pour blanchiment menée depuis 2004 à Liège . Mais il vient de négocier une transaction pénale avec la justice belge : en payant une forte somme d’argent, il évite finalement un procès.
Une plus-value gigantesque

D’Onofrio a revendu ses 10% de Mangala à Manchester City. Il détenait 650 000 € sur la valeur du joueur lors de son transfert en 2011. Trois ans plus tard, il a touché plus de 5, 3 millions €. Soit une plus-value de plus de 4 millions et demi ! C’est gigantesque. Vous ne trouverez jamais de tels rendements avec n’importe quel produit financier.
Une enquête a également été ouverte par laFIFA sur le rôle joué par « Doyen Sports » dans le transfert de Mangala à Manchester City.
Une obscure société autrichienne

L’étincelle d’une nouvelle crise financière ?
Cette financiarisation du football n’échappe pas à un risque : une bulle qui pourrait un jour exploser**.** Car certains fonds spéculatifs se sont justement spécialisés dans le rachat des créances de clubs, comme la société londonienne « 23 capital » . Il s’agit de dettes de clubs « saucissonnées », puis vendues sous forme d’obligations à des investisseurs. Et selon l’économiste du sport,Jean-Pascal Gayant :

Cela s'apparenterait à la crise des subprimes. Un écroulement de la valeur de ces titres pourrait se produire car ceux-ci sont avant tout basés sur l’idée que la revente des joueurs se fera avec une grosse plus-value. Mais s'il y a une moins-value, les titres ne valent plus rien, les investisseurs sont ruinés. C’est une bulle qui éclate. Une crise des « soccer bonds » pourrait être la nouvelle étincelle d'une crise financière.
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