Des "ciseaux" pour découper l’ADN, une révolution génétique qui n’est pas sans risque

CRISPR-Cas 9 permet aux scientifiques d'aller couper l'ADN exactement là où ils le veulent, pour par exemple créer ou corriger une mutation génétique et soigner des maladies rares.
CRISPR-Cas 9 permet aux scientifiques d'aller couper l'ADN exactement là où ils le veulent, pour par exemple créer ou corriger une mutation génétique et soigner des maladies rares. ©Getty -  traffic_analyzer
CRISPR-Cas 9 permet aux scientifiques d'aller couper l'ADN exactement là où ils le veulent, pour par exemple créer ou corriger une mutation génétique et soigner des maladies rares. ©Getty - traffic_analyzer
CRISPR-Cas 9 permet aux scientifiques d'aller couper l'ADN exactement là où ils le veulent, pour par exemple créer ou corriger une mutation génétique et soigner des maladies rares. ©Getty - traffic_analyzer
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La technique de découpe de l'ADN CRISPR-Cas9, couronnée du prix Nobel en 2020, suscite d’immenses espoirs de traitement des maladies génétiques. Mais cette technologie pourrait constituer une arme redoutable entre de mauvaises mains.

En octobre 2020, deux chercheuses, la Française Emmanuelle Charpentier et l'Américaine Jennifer Doudna, ont reçu le prix Nobel de chimie pour leur découverte en 2012 des "ciseaux à découper l’ADN". Présentés comme une avancée majeure de ce début de siècle, ils pourraient permettre de traiter des cancers et des maladies génétiques jusqu'ici incurables. Nous rediffusons ce samedi dans "Secrets d'info" cette enquête du 28 janvier 2017, de Sylvain Tronchet , CRISPR-Cas9 : la dernière folie de la génétique.

Des améliorations génétiques

Ces "ciseaux", intitulés CRISPR-Cas9, permettent de couper, remplacer, inactiver, modifier le gène que l’on cherche à atteindre. La technique est plus précise, plus rapide et nettement moins chère que tout ce qu’on utilisait jusque-là. Elle s’est donc répandue comme une trainée de poudre : des milliers de laboratoires dans le monde l'utilisent.

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Certains scientifiques ont déjà mis leurs idées en pratique sur des animaux. Une équipe chinoise a donné naissance à des chiens nés avec le double de leur masse musculaire habituelle. Aux Etats-Unis, une entreprise du Minnesota a créée des vaches laitières sans cornes. De leur côté, des chercheurs californiens ont réussi à améliorer la vision chez des rats atteints d’une forme de cécité d’origine héréditaire. A chaque fois, l’utilisation de CRISPR-Cas9 a été décisive. Autre secteur prometteur : l’agro-industrie. L’université de Pennsylvanie a mis au point un champignon de Paris qui ne brunit plus quand on le coupe.

Pour l’instant, la plupart des expériences menées sont des thérapies géniques classiques, telles qu’on les pratique depuis de nombreuses années. Mais ce qui inquiète, c'est l'éventuelle modification abusive du génome humain.

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Une technologie risquée sous surveillance

En décembre dernier, plus de 150 ONG internationales ont demandé un moratoire sur le forçage génétique. La chercheuse Jennifer Doudna exprime également ses craintes. Dans le magazine scientifique Nature, elle explique qu'un jeune doctorant a créé un virus qui, une fois respiré par des souris, provoque des mutations dans leurs poumons. Jennifer Doudna souligne qu'une minuscule erreur de conception aurait pu permettre que ce virus fonctionne aussi chez l’homme. 

Cette technologie est en réalité déjà sortie des laboratoires. Pour 150 dollars, on peut acheter sur internet des " kits CRISPR" et modifier chez soi une bactérie grâce un mode d’emploi fourni. Et si elle tombait dans des mains moins bien intentionnées ? Quelques mois après la publication d' un rapport de la CIA, qui classait le CRISPR-Cas9 dans la catégorie des "armes de destruction massive" potentielles, les conseillers scientifiques de Barack Obama avaient ouvertement envisagé son utilisation pour créer un virus d’un genre nouveau, mortel pour l’homme.

En décembre 2015, la France a mis en place un Conseil national consultatif pour la biosécurité constitué d’experts. Un de ses membres confirme que CRISPR-Cas9 faisait partie de leurs préoccupations. Les services de renseignements surveillent ceux qui s'initieraient de manière trop poussées aux techniques de manipulation de génome.

Enquête intégrale

Programmation musicale de Secrets d'info

Cette émission est une rediffusion du 27 janvier 2017.

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