Gerschwin : le sale gosse de Brooklyn a écrit la première musique universelle autour de la note bleue

George Gerschwin en 1925
George Gerschwin en 1925 ©Getty - Evening Standard
George Gerschwin en 1925 ©Getty - Evening Standard
George Gerschwin en 1925 ©Getty - Evening Standard
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Le plus grand compositeur américain est un petit gars issu de Little Odessa, Brooklyn. George Gershwin est celui qui fait revêt des atours d'un orchestre symphonique la musique rudimentaire, grattée sur des guitares rugueuses par des moins-que-rien, sans pour autant lui faire perdre son âme.

Dans la famille Gershowitz, Jacob, le fils aîné, est turbulent. Ses parents, réfugiés des pogroms de Russie, ne cessent de déménager. Réfractaire à l'école, il fait son éducation dans les rues de Little Odessa, quartier de Brooklyn. Son meilleur ami, Max Rosen, joue très bien du violon. Jacob l'envie, mais lui rêverait plutôt du piano. Ses parents finissent par accéder à sa demande dans sa 11ᵉ année.

Et là, miracle, sans avoir jamais pris la moindre leçon, le gamin s'assied et se met spontanément à jouer, comme si la musique était dans sa tête et qu'elle ne demandait qu'à sortir.

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Un certain Charles Hambitzer devient son professeur, et très vite, il s'enthousiasme devant les progrès foudroyants de son élève, il est persuadé qu'il a un avenir dans la musique.

À l'âge de quinze ans, Jacob est embauché par l'éditeur Jerome Remick pour jouer sur le trottoir de Tin Pan Alley, les mélodies des autres. Lorsque le gosse propose à son boss de lui jouer un air de sa composition, celui-ci ne veut même pas l'écouter et lui dit : "Tu es payé pour jouer les mélodies des autres, fais ton boulot !"

Alors, le jeune Jacob s'en va chez un autre éditeur, Max Dreyfus, qui lui propose une prime de 50 $ par chanson, et 300 par copies vendues. Il décroche un rôle de répétiteur dans un théâtre à Broadway. Il assure, seul au piano, les répétitions pour accompagner les chanteurs. Il se met dans les doigts les répertoires des meilleurs compositeurs de Broadway, comme Jerome Kern, qui a écrit à lui seul un tiers des chansons du Great American Songbook. Le livre des standards de jazz américain encore joués aujourd'hui.

Quand il manque une chanson, ou un intermède musical, le jeune Jacob propose une œuvre de son cru. Après plusieurs compositions qui vont être autant de galop d'essai, le succès finit par arriver. Il décide "déaméricaniser" son nom.

Jacob Gershowitz, devient George Gershwin

Son premier employeur n'a pas eu de nez en laissant filer le plus gros compositeur de la musique américaine du XXᵉ siècle.

C'est la chanson Swanee va lui apporter une gloire mondiale. Et pour cause, elle illustre le premier film parlant de l'histoire du cinéma : Le chanteur de jazz.

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Auparavant, les films muets étaient mis en musique par un pianiste qui improvisait dans la salle au gré des images, ce qui lui passait par la tête. Mais à partir du moment où, sur la pellicule, on rajoute une piste magnétique pour lire le son, on va pouvoir y graver des musiques spécialement dédiées à l'action.

La musique de film est née et son premier compositeur n'est autre que Gershwin. Il va écrire une des œuvres les plus singulières de son temps. Est-ce du jazz, de la chanson ou de la musique symphonique ? Les trois à la fois ! Son sens de la mélodie, sa richesse harmonique, sa fougue et son enthousiasme font de lui le compositeur de la bande son de l'Amérique du XXᵉ siècle.

La clarinette de Rapsody in blues est l'instrument du klezmer, cette musique de fête pratiquée dans les communautés juives d'Europe de l'Est. Utilisée comme une sirène, elle est définitivement associée au soleil qui se lève sur les gratte-ciel de Manhattan.

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En ce début du XXᵉ siècle, Gershwin illustre mieux que quiconque la fusion ethnique qui va constituer le peuple américain. S'il fallait récompenser le compositeur de la meilleure bande son du melting pot. C'est indéniablement lui, le gosse de Brooklyn, qui remporte la palme.

Les thèmes de Rhapsody sont des thèmes de blues. Voilà que cette musique rudimentaire, grattée sur des guitares rugueuses pour exprimer la peine des moins-que-rien, est revêtue des atours d'un orchestre symphonique sans pour autant perdre son âme. Bien au contraire ! Et c'est ça, le génie de Gerschwin. Le sale gosse de Brooklyn a écrit la première musique universelle qui réunit toute l'humanité autour d'une note : la note bleue.