

On s’engueule, on se réconcilie, on danse, on pleure, on drague. C’est comme ça que ça se passe à Yopougon, quartier des faubourgs d’Abidjan en Côte d’Ivoire. C’est là qu’a grandie Marguerite Abouet et c’est là qu’elle situe notamment sa bd "Les aventures d’Aya de Yopougon", son héroïne.
- Marguerite Abouet Ecrivaine, scénariste de bande dessinée, réalisatrice
“La vie comme elle va”, c’est le titre de l’exposition qui lui est consacrée à Angoulême à partir d’aujourd’hui.
“La vie comme elle va”, c’est ce qu’elle raconte dans ses scénarios, dessinés par Clément Oubrerie, Mathieu Sapin ou Donatien Mary.
Le quotidien des habitants de Yopougon, dans les faubourgs d’Abidjan, là où elle a grandi. Il y a notamment la figure d’une jeune fille qui se prénomme Aya, une héroïne qui s’est imposée dans le monde entier.
“La vie comme elle va”, ça veut dire aborder les traditions autant que la modernité, des scènes de rue, autant que des sujets comme la condition des femmes ou l’homosexualité.
Son stylo fait le pont entre Abidjan et Paris à l’image de sa vie.
Son histoire et celle d'Aya
Le septième volume des aventures d'Aya de Yopougon vient de paraître chez Gallimard Jeunesse. Le premier était paru en 2005, il y a presque vingt ans. C'est une bande dessinée qui s'inspire du récit de l'enfance de l'autrice. Il raconte ce pays aimé, la Côte d'Ivoire, qu'elle a dû quitter malgré elle à l'âge de 12 ans. Au départ, elle racontait cela à ses nouveaux amis en France, puis elle a eu la chance de rencontrer Clément Ombrerie, qui est dessinateur et qui a mis ce récit en images.
Marguerite Abouet raconte : "Je n'ai pas demandé à venir en France. Moi, je vivais heureuse à Yopougon, avec ma famille, avec mes amis, tous les voisins. J'étais en plus la dernière de trois enfants. Et je n'ai pas compris pourquoi c'est moi que ce grand-oncle a choisie, pour m'emmener avec lui à Paris. Je l'ai su beaucoup plus tard, mais je n'ai surtout pas compris pourquoi mes parents m'ont laissé partir avec ce grand-oncle."
Le personnage d'Aya a été inspiré par sa mère, et par les mères du quartier, qu'elle décrit ainsi : "Des femmes fortes, responsables, qui étaient aussi résilientes parce que ce n'était pas évident de travailler, de s'occuper des enfants et en même temps de faire face à leur mari, d'oser prendre la parole, leur dire que leur choix n'est peut-être pas le bon. Pour moi, c'étaient des féministes parce que déjà, à leur niveau, arriver à convaincre leurs maris de laisser au moins leur fille aller un peu plus loin dans les études, c'est une forme de féminisme incroyable. Ma mère faisait partie de ces femmes-là. C'était quelqu'un qui était assez libre et humaine aussi, qui était tolérante et qui aidait beaucoup, en tout cas les femmes du quartier."
Dans Aya de Yopougon, il y a une écriture spécifique, inventive : "C'est un argot, c'est du français mélangé avec quelques mots des ethnies un peu de chez nous. Il y a aussi un peu d'anglais. Et puis c'est surtout très imagé et parfois, on n'a pas besoin que ce soit très explicite."
Son texte sur l'éducation des jeunes filles
Beaucoup de personnages qu'elle invente sont des femmes ou des jeunes filles fortes. Elles se prénomment Aya, Bintou ou Akissi. Elle a écrit un texte à ce propos pour l'émission :
"Pourquoi axer mes priorités sur l'éducation des jeunes filles et des femmes ? Parce que chaque année, dans le monde, des millions de filles sont mariés de force avant l'âge de 18 ans. Ces filles voient alors leurs droits à l'enfance et à l'éducation volés et leurs perspectives d'avenir et d'éducation limitées. Parce que dans le monde, environ 14 millions d'adolescentes deviennent mères chaque année et près de 90 % de celles-ci vivent dans des pays en voie de développement. Parce que les pays d'Afrique subsaharienne ont les taux de maternité d'adolescentes les plus élevés au monde.
Diverses explications sont avancées par les chercheurs. Mariages précoces et forcés. Besoin de prouver sa fertilité. Ignorance, acceptation réduite des méthodes contraceptives modernes. Rareté des services de planning familial, pauvreté, inégalité des sexes, accès limité à l'éducation... Les grossesses chez les filles qui n'ont pas achevé leur développement physiologique et physique ont des répercussions sur la santé de la mère et de l'enfant, mais aussi des conséquences sociales. Et si elle est scolarisée, l'adolescente est parfois obligée d'interrompre son cursus scolaire, ce qui réduit ses perspectives d'avenir, notamment celle de trouver un emploi stable.
Et enfin, parce qu'en Afrique, l'éducation à la sexualité demeure taboue dans beaucoup de familles, quel que soit le milieu social, la religion ou le pays. L'absence d'éducation à la sexualité est une forme d'éducation qui laisse un vide abyssal, en réponse à des questions que les jeunes et moins jeunes peuvent se poser de la manière la plus légitime qu'il soit. Être une femme, c'est être exposée au mépris, à la discrimination et aux violences. C'est être vulnérable, c'est devoir se battre pour ses droits et peu importe la couleur de sa peau, son pays ou son origine sociale. En faire des aventurières militantes, déterminées et courageuses comme Aya, Bienvenue, Akissi et les autres qui questionnent les inégalités entre les femmes et les hommes, ouvre des possibles sur un avenir certain.
Mon travail en tant qu'autrice est de tout simplement donner la parole et l'image à mes personnages. Elles doivent coûte que coûte s'émanciper et faire progresser la condition féminine en persuadant que c'est par l'apprentissage du savoir que le futur sera plus prometteur. Et si leur histoire contribue à une transformation des mentalités et favorise les changements des comportements, j'aurai réussi, comme le dit l'historien sénégalais Cheikh Anta Diop, à poser un problème social dans mon art afin de secouer la conscience léthargique."
Le tube de l'invitée
MYRIAM MAKEBA – Oxgam ou Pata Pata
Programmation musicale
LALA &CE – Control
Programmation musicale
- 09h43
Control
L'équipe
- Production
- Collaboration
- Collaboration
- Réalisation
- Réalisation
- Programmation musicale