Constance Debré pour le livre "Offenses"

Constance Debré le 17 février 2022
Constance Debré le 17 février 2022 ©AFP - JOEL SAGET
Constance Debré le 17 février 2022 ©AFP - JOEL SAGET
Constance Debré le 17 février 2022 ©AFP - JOEL SAGET
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Avec les romans que Constance Debré publie depuis maintenant 5 ans, elle questionne l’ordre social et ses failles. Le couple, la maternité, la filiation, l’héritage. Et son nouveau roman "Offenses" interroge ni plus ni moins nos lois et la façon dont la justice est rendue dans notre pays.

J’étais dans le train avec ce livre et quelqu’un m’a demandé : “c’est l’histoire de quoi ?”
Je ne pouvais pas répondre en commençant par “c’est l’histoire de”. Parce que c’est bien plus que ça.
Pourtant, il y a les faits : un jeune homme tue une vieille femme. Il lui faisait ses courses. Il a un dealer à rembourser. Il la tue pour “450 euros” comme disent les journaux.

On ne connaît pas le nom de cet homme ni de cette femme parce qu’il et elle sont nous toutes et tous. À partir de cet acte, c’est le fonctionnement de la justice, nos lois, notre morale, qu'elle questionne au vitriol.

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Avec ses trois romans précédents, elle a écrit sur ce dont elle s'est délestée, ce qu'elle a quitté : un confort, un couple, un métier, la maternité, une ascendance, un héritage et dans ce live, “Offenses”, elle écrit :

Quitte ton pays, quitte ta famille, dit l’Éternel, peut-être qu’il y a des gens pour qui ça n’est pas possible”.

La littérature, pour Constance Debré

Elle dit avoir beaucoup aimé son ancien métier d'avocate pénaliste : "C'est un métier que j'ai aimé parce que c'est un peu la même chose qu'écrire. C'est que ce n'est pas un métier, c'est une fonction qui commande qu'on parle avec tout ce qu'on sait à d'autres hommes. On essaye de parler, en l'occurrence quand on est avocat, pour qui on défend à ceux qui le jugent, mais il ne s'agit que de parler de l'existence avec cette chose qu'on a tous en commun, qui s'appelle le langage. Et pour moi, c'est absolument la même chose."

Sa façon, d'écrire lui vient aussi de son ancienne profession : "J'aime ce qui est précis et je veux que les choses aient un sens. Donc je mets toujours le moins de mots possibles. Je dois avoir quelque chose qui me reste de ce moment où j'étais avocate, qui est que je ne veux pas perdre mon audience et que, en réalité, il me semble que des choses graves doivent être dites. En tout cas moi, c'est ce que je veux dire et donc je ne veux pas me perdre dans des choses inutiles."

Elle ajoute : "Il me semble que les livres ne sont pas là pour juste nous distraire et passer le temps, ce sont des choses importantes. C'est l'occasion de dire des choses importantes. Donc j'essaie de tenir un rythme parce que c'est aussi pour nous secouer de l'ennui. En fait, il faut qu'il se passe des choses."

Constance Debré nous livre sa conception de la littérature : "C'est d'essayer de donner un ordre au chaos et je sais que c'est quelque chose, on le sait tous, qu'on essaie de faire constamment dans nos têtes, c'est-à-dire avec cette narration intérieure. Ça n'est, je crois, que quelque chose, un discours qui est une recherche d'ordre pour ce qui nous traverse et qui, sinon, n'aurait pas de sens."

Tous coupables ?

Constance Debré ne croit pas du tout en la séparation du monde entre victimes et coupables : "Je crois qu'on est concerné par tout ce qui arrive sur Terre, qu'on est responsable de tout et je dirais presque coupable de tout, de tout et de tous et devant tous, pour reprendre quasiment Dostoïevski [...] Je pense que celui qui tue, tue à notre place. On est tous, très profondément, liés les uns aux autres par tout acte."

Elle ajoute : "Il me semble que, depuis l'enfance, on a tout ça, de façon très intriquée, par les positions extrêmes. Qu'est-ce que c'est que tuer ? On essaye toujours, il me semble, de se mettre à la fois à la place de la plus grande victime et du plus grand coupable. Et il me semble que si on est honnête, on sait qu'il y a une part de nous qui est ça aussi."

🎧 Écoutez cet entretien dans son intégralité...

Le tube de l'invitée

BACH - Prélude en ré mineur (D minor) BWV 926, interprété par Glenn Gould

À réécouter : Constance Debré
L'Heure bleue
52 min

Programmation musicale

  • 09h45
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