

Une comédienne qui pratique aussi le chant lyrique, c'est Judith Chemla. Elle est à l’affiche de “La Grande Magie”, le nouveau film de Noémie Lvovsky, en salles la semaine prochaine. Une histoire dialoguée mais aussi chantée et dansée, sur une musique composée par le groupe Feu! Chatterton.
- Judith Chemla Actrice
"La grande magie" est un conte joyeux avec des ombres. Il célèbre le cinéma et raconte comment le temps passe sur les histoires d’amour.
En septembre 2023, Judith Chemla sera sur la scène des Bouffes du Nord pour reprendre le spectacle “Traviata, vous méritez un avenir meilleur”, où elle chante et joue aussi. Et du 9 au 19 mars 2023, elle interprétera "Mélisande" au théâtre des Bouffes du Nord (D’après "Pelléas et Mélisande" de Maurice Maeterlinck et Claude Debussy).
En juillet dernier, elle a pris la parole et dévoilé son visage tuméfié pour témoigner des violences conjugales.
L'entretien suit le cours de sa vie d’artiste, indissociable de sa vie de femme.
Son rapport à la voix et au chant
Judith Chemla a toujours imité la voix des chanteurs qu'elle aimait, comme Piaf, Barbara ou encore Nino Ferrer. Elle a un père violoniste. Puis elle a commencé à écouter de l'opéra et elle a continué à imiter. Elle a ainsi découvert que le chant faisait résonner quelque chose en elle. Alors elle s'est dit qu'elle allait travailler. Elle a commencé à prendre des cours de chant, comme elle l'explique : "Les cours de chant, c'est vraiment pour se désentraver. Oui, vraiment. Pour enlever ce qui coince. Laisser le son surgir, circuler. C'est comme soi-même dans la vie, si on travaille sur soi, c'est pour enlever ce qui nous empêche d'être vraiment nous-mêmes, c'est vraiment pareil avec la voix."
Dans le spectacle des Bouffes du Nord, "Vous méritez un avenir meilleur", d'après La Traviata, de Verdi, qu'elle a co-créé, et dans lequel elle joue, ils ont mis le chant à l'honneur, avec le metteur en scène Benjamin Lazar : "À travers ce spectacle, on voulait remettre l'opéra au cœur de l'existence festive, de cette femme, la Traviata, cette courtisane qui brûle complètement sa vie, puis qui rencontre l'amour. Donc on voulait vraiment que ça soit vivant, que ça parle de la fête, des instrumentistes, des musiciens, que ce soit une façon de faire de la musique, comme on vit, comme on mange, comme on aime, comme on rigole. Et puis on fait la musique au milieu de tout ça."
Le film, La Grande Magie
Judith Chemla évoque une vie tressée de fiction et de réalité – la fiction tire des fils réels dans son existence. Il est aussi question de cela avec le film La Grande Magie de Noémie Lvovsky. L'histoire se passe dans la France des années 1920. Dans un hôtel de bord de mer, un magicien et sa troupe s'installent pour divertir les clients. On suit trois histoires d'amour à trois âges différents : un amour naissant, un amour qui tient depuis un bout de temps malgré l'usure et les agacements, et un amour étouffant entre un mari jaloux et son épouse qui se fait la malle. Ces trois histoires sont scandées par des morceaux du groupe Feu! Chatterton, chantés et dansés par la troupe de comédiennes et de comédiens.
Elle joue le rôle de Marta, qui lui fait penser à sa grand-mère, qui s’appelait Marthe. Cette dernière a longtemps subi des violences conjugales, sans pouvoir en parler, à cause de l'époque et du fait que son mari était un notable, le médecin du village.
Pour Judith Chelma, c'était aussi un moment particulier que le tournage de ce film, à titre personnel : "Ce personnage de Marta, je l'ai joué exactement au moment où, moi-même, dans ma vie personnelle, mon visage a été marqué par la violence et où j'ai dû partir, quitter une histoire de famille aussi, pour dire non, on n'accepte pas ça. "
Dans le film, cette histoire d'un homme qui ne fait pas confiance à sa femme, qui est jaloux de façon obsessionnelle et qui finalement l'enferme au sens propre comme au figuré dans une boîte, elle l'a tournée précisément à ce moment-là, où elle a elle-même été confrontée à la violence conjugale.
Une prise de parole nécessaire
Judith Chemla explique en quoi sa prise de parole était nécessaire : "C'est donc un nouveau paradigme, entre guillemets pour moi, d'en être venue à ce dévoilement-là qui pourrait être obscène. Voyez, c'est sale, c'est privé... Mais les histoires privées ne doivent pas rester privées. Quand on en arrive là, je trouve, on a besoin d'un tel sursaut pour changer chacun. Je veux dire que les consciences sont en train d'évoluer."
Cette prise de conscience a changé son rapport à son métier d'artiste, de comédienne et de chanteuse : "J'ai une naïveté qui n'est plus. J'ai un rapport au monde qui n'est plus le même et heureusement."
Pour Totémic, elle a choisi d'écouter la voix de Gisèle Halimi, qui parle de son combat pour légaliser l'avortement. Elle réagit à cela et explique son engagement féministe récent : "Je ne savais rien, j'étais complètement inculte. Je n'ai rien appris, je ne savais pas le combat que les femmes ont dû mener, qu'elles mènent encore. Ça fait même pas 80 ans qu'on vote, nous les femmes. En 1945, on a pu voter. Je dirais que ça fait même pas 50 ans qu'on peut disposer de notre corps. Ça fait 60 ans seulement qu'on peut avoir un compte bancaire et travailler sans demander l'autorisation de son mari."
Elle ajoute : "Il y a des femmes qui ont lutté corps et âme pour nous, pour qu'on ait cette liberté-là et on ne l'a pas encore totalement. C'est tout frais. Il faut en être conscient. Moi, adolescente, je pensais que c'était bon. J'étais une femme libre, j'étais l'égale de mes camarades. Pour moi, je n'avais aucune limite. Ça fait seulement 43 ans que le viol est considéré comme un crime. Je vais avoir 40 ans, moi, bientôt. J'ai vécu avec ça. On dit que les féministes font chier. Ça évolue un peu, forcément. Mais pour les hommes avec qui j'étais, il ne fallait pas vraiment être féministe. Moi, je ne m'autorisais pas spécialement à réfléchir. Non, je ne réfléchissais pas. Faut attendre de se prendre un bon coup dans la tronche, pour réfléchir. Non, réfléchissons maintenant, c'est mieux."
🎧 Cet entretien est à écouter dans son intégralité...
Le tube de l'invitée
JEAN-JACQUES GOLDMAN – Il suffira d’un signe
Programmation musicale
JEANNE ADDED – Au revoir
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