"Chéri", reflet de la plume de Colette

Colette dédicaçant des livres parmi lesquels "Chéri" aux côtés de Jean Marais en 1949 à Paris.
Colette dédicaçant des livres parmi lesquels "Chéri" aux côtés de Jean Marais en 1949 à Paris. ©Getty - Keystone-France / Contributeur
Colette dédicaçant des livres parmi lesquels "Chéri" aux côtés de Jean Marais en 1949 à Paris. ©Getty - Keystone-France / Contributeur
Colette dédicaçant des livres parmi lesquels "Chéri" aux côtés de Jean Marais en 1949 à Paris. ©Getty - Keystone-France / Contributeur
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Le roman "Chéri" consacre Colette comme grand écrivain en 1920. Un ouvrage qui témoigne du talent de Colette dès la première page...

« “Léa ! Donne-le-moi, ton collier de perles ! Tu m’entends, Léa ? Donne-moi ton collier !”

Aucune réponse ne vint du grand lit de fer forgé et de cuivre ciselé, qui brillait dans l’ombre comme une armure.

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“Pourquoi ne me le donnerais-tu pas, ton collier ? Il me va aussi bien qu’à toi, et même mieux !”

Au claquement du fermoir, les dentelles du lit s’agitèrent, deux bras nus, magnifiques, fins au poignet, élevèrent deux belles mains paresseuses.

“Laisse ça, Chéri, tu as assez joué avec ce collier.

— Je m’amuse… Tu as peur que je te le vole ?”

Devant les rideaux roses traversés de soleil, il dansait, tout noir, comme un gracieux diable sur fond de fournaise. Mais quand il recula vers le lit, il redevint tout blanc, du pyjama de soie aux babouches de daim.

“Je n’ai pas peur, répondit du lit la voix douce et basse. Mais tu fatigues le fil du collier. Les perles sont lourdes.

—Elles le sont, dit Chéri avec considération. Il ne s’est pas moqué de toi, celui qui t’a donné ce meuble” » (II,719).

C’est l’ouverture de Chéri, roman qui consacra Colette comme grand écrivain en 1920. Gide lui écrivit peu après, sur une ton tout de même condescendant : 

Moi ce que j’aime surtout dans votre livre, c’est son dépouillement, son dévêtissement, sa nudité. / Déjà je voudrais le relire – et j’ai peur : Si j’allais le trouver moins bien ! Vite, envoyons cette lettre avant de la jeter au tiroir » (11 décembre 1920, II, 1548). Comme s’il craignait d’en avoir trop dit, de s’être trop avancé.

Cette page fut vite tenue pour un modèle de style

Sous le pseudonyme de Criticus, un certain Marcel Berger (Colette l’avait publié dans les « Contes des mille et un matins ») en donna dès 1929 une analyse détaillée dans La Revue mondiale (15 août 1929, 409-418). Les bonnes ventes de Colette en librairie, avançait Criticus, n’interdisaient pas qu’elle fût une styliste novatrice.

: « […] le fait d’un talent reconnu par le consensus universel, demandait-il, doit-il porter les délicats à supposer que cette renommée a quelque chose de tant soit peu surfait ? » 

Non, et pour lui « le génie d’écrivain de Colette » s’imposait dans l’entrée en matière de Chéri, sous la forme d’un dialogue, d’une conversation commencée dans l’intimité familière, sans aucun commentaire d’auteur ni présentation des personnages.

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