Souvenez-vous, en septembre 2011, il y a presque un an, l’événement de la rentrée littéraire, c’était « Limonov » d’Emmanuel Carrere. Pas loin de 400 000 exemplaires vendus pour cette espèce de « biopic » de l’écrivain punk Edouard Limonov, une sorte de Bukowski russe, qui s’étant échappé de l’URSS de Brejnev, avait atterri à New York, avant d’arriver en France où il avait publié son premier roman « Le poète russe préfère les grands nègres ». Lequel, trente deux plus tard, pourrait bien faire l’événement de la rentrée littéraire 2012, puisqu’on apprend en effet que les éditions Flammarion vont le rééditer en septembre prochain. Bref, Limonov, qui s’était réimposé dans notre paysage l’année dernière via Emmanuel Carrère, compte bien y rester présent cette année encore, comme le sparadrap du Capitaine Haddock de la société française.
Ce n’est pas du tout un livre littéraire, c’est une interview faite au magnétophone, de plus d’une centaine de pages, assez longue donc et menée sans complaisance par un journaliste de l’Express, Axel Gylden. C’est évidemment beaucoup plus long que ce qu’on pourrait lire dans le magazine, mais dans la forme, c’est la même chose. Bon. Limonov, tel que nous l’avait décrit Emmanuel Carrere, c’est un héros. Un héros punk, un héros russe, un héros littéraire, un héros noir, pas très fréquentable, mais un héros quand même. Ici, le portrait s’affine. Limonov a quelque chose d’un militaire. Plus exactement d’un stratège. Carrère nous avait expliqué que le père de Limonov avait passé la Seconde guerre mondiale, si meurtrière pour les Russes, à l’arrière. Et que cela avait beaucoup blessé son fils. Cette interview est stratégique. Vous savez que Limonov est devenu aujourd’hui en Russie un homme politique, qu’il a été en prison pour ses idées. Il n’est plus écrivain, mais en revanche il doit considérer que sa renommée française le protège des agissements d’un Poutine. Puis il y a un message de Limonov, très intéressant. Quelque chose qu’il ne cesse de répéter dans cette interview. Il n’arrête pas de dire : « Vous les Occidentaux ». Par exemple, il dit : « Les Occidentaux sont obsédés par le sexe. Chez nous, en Russie, on n’est pas tourmenté par le sujet. » Voilà donc un homme qui a vécu à New York dans les années 70, à Paris dans les années 80, qui considère que la Russie n’est pas un pays occidental. Qu’elle ne fait pas partie de l’Occident. Autant dire que l’Europe de Brest à l’Oural, dont rêvait le général de Gaulle, n’est pas pour demain.
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