14 novembre 2002 : La documentariste Amandine Gay accède à son dossier d’enfant née sous X

Manifestation de personnes "nées sous X", le 20 novembre 2000 devant l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Paris, pour réclamer une réforme de la législation en matière d'accouchement anonyme.
Manifestation de personnes "nées sous X", le 20 novembre 2000 devant l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Paris, pour réclamer une réforme de la législation en matière d'accouchement anonyme. ©AFP - Philippe Desmazes
Manifestation de personnes "nées sous X", le 20 novembre 2000 devant l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Paris, pour réclamer une réforme de la législation en matière d'accouchement anonyme. ©AFP - Philippe Desmazes
Manifestation de personnes "nées sous X", le 20 novembre 2000 devant l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Paris, pour réclamer une réforme de la législation en matière d'accouchement anonyme. ©AFP - Philippe Desmazes
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Ce jour-là, la jeune fille tout juste majeure a rendez-vous à la DDASS pour consulter son dossier d’enfant née sous X. Une démarche qu’elle a besoin de faire seule, l’aboutissement d’un processus réfléchi.

Avec

En 2002, Ségolène Royal, ministre déléguée à la Famille, à l'Enfance et aux Personnes handicapées,  met en place le CNAOP, le Conseil National pour l’Accès aux Origines Personnelles.  Son but : Faciliter l’accès aux origines mais dans la réalité les fonds manquent, ainsi que l’engagement d’équipes pour entreprendre les démarches d’investigation. En 2002 comme en 2018,  l’État français a toujours la main mise sur les origines et l’histoire des adoptés.

Après avoir accouchée sous X, la mère peut, si elle le souhaite, fournir des informations sur elle sous un pli cacheté. Or le dossier d’Amandine Gay est bien maigre. Sa mère, marocaine de 27 ans, est venue en France pour terminer ses études. Le 16 octobre 1984, elle a accouché, seule, à l’hôpital, d’une petite fille. Conformément à son droit,  elle a demandé le sexe de l’enfant mais a refusé de la voir. Elle lui a laissé une lettre l’informant qu’elle comptait rentrer au Maroc à la fin de l’année et qu’il n’était pas question que sa famille soit au courant de cette naissance. Son souhait : que sa fille soit adoptée et heureuse.  

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En quittant la DDASS, ce 14 novembre 2002, la jeune fille est choquée : on lui propose de faire une copie des documents, l’Etat s’arrogeant le droit de conserver l’original de son dossier.  

Je ne pensais pas que ça m’atteindrait autant de découvrir un dossier quasiment vide. J’ai ressenti une grande tristesse.

En effet, pour Amandine Gay, cette démarche relevait plus d’un besoin de rencontrer son histoire que de celui de retrouver ses parents biologiques. 

Deux dates d’anniversaires

Après 3 mois passés en pouponnière à la Cité de l’enfance de Bron - « Un moment en suspens avant de commencer une nouvelle vie, avec un autre état civil » écrit-elle sur son blog – l’enfant naît une seconde fois, le 12 Février 1985, lorsque ses parents adoptifs la prénomment Amandine Gay. 

Fière d’être noire grâce à ses parents 

Amandine Gay, est noire adoptée par des parents blancs d’origine ouvrière. Une mère institutrice, un père cantonnier. Ils l’ont aidée à construire son identité noire : la couleur de sa peau n’est pas un sujet tabou. Sa poupée est noire, et le dimanche, toute la famille va à la messe de la communauté guadeloupéenne. 

L’année 2002, c’est aussi l’entrée à Sciences Po Lyon. Une fierté pour son père. Mais pour elle, des années difficiles durant lesquelles, elle ne s’est jamais sentie aussi différente des autres, à cause de sa couleur et de son milieu social. Depuis cette époque, Amandine Gay se revendique afro-féministe. Femme et noire, et donc au cœur de trois discriminations : la race, la classe sociale et le genre. 

Sur ce thème, la documentariste tourne son premier film : « Ouvrir la voix » en 2016. 24 femmes noires francophones y prennent la parole à propos du regard des autres, de l’intime...

Elles répondent à un questionnaire bâti sur mes propres interrogations depuis l’enfance.

Car pour Amandine Gay , la revendication des féministes des années 70  - « Le privé est politique » - est toujours d’actualité. Et de la même façon qu’elle a donné la parole aux femmes noires, elle cherche aujourd'hui à la donner aux personnes adoptées.  Car la question raciale et migratoire se pose pour beaucoup d’entre elles. 

En France, les adoptés sont Français mais ont la couleur des migrants

Ils  figurent l’altérité mais ne l’incarnent pas puisque le lien est rompu avec leur pays d’origine. 

Pourquoi l’Etat impose-t-il cet effacement et cette rupture totale des liens de filiations avec la famille biologique?  Pourquoi être adopté et donc devenir Français c’est obligatoirement abandonner ses origines et ses particularismes ?  Une logique assimilationniste qui ne peut concevoir la coexistence de plusieurs identités et appartenance culturelles et affectives. 

On a en parlé : 

Les titres musicaux diffusés à l'antenne

  • Get ur freak on,  Missy Elliott (2001)
  • You you, Odetta Hartman (2018) 
  • Hou_nd dog_, Big Mama Thorton (1952) 

Les références du générique de l'émission :  « Le Temps est bon » d’Isabelle Pierre remixé par Degiheugi