François Sarano : "Un cachalot, c'est cinquante tonnes de délicatesse"

Plongeur et océanographe, François Sarano sympathise avec des clans de cachalots depuis plusieurs années
Plongeur et océanographe, François Sarano sympathise avec des clans de cachalots depuis plusieurs années ©Getty - Wildestanimal
Plongeur et océanographe, François Sarano sympathise avec des clans de cachalots depuis plusieurs années ©Getty - Wildestanimal
Plongeur et océanographe, François Sarano sympathise avec des clans de cachalots depuis plusieurs années ©Getty - Wildestanimal
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Océanographe et plongeur, François Sarano entretient depuis plusieurs années des relations particulières, voire intimes, avec les grands poissons et mammifères des mers et océans. Parmi eux : Eliott, un jeune cachalot.

Avec

François Sarano est océanographe et plongeur, mais un plongeur singulier : à chaque plongée, il devient un peu poisson sous l’eau, il "pense cachalot" ou bien "pense requin blanc". Le plus important, pour lui, c’est de vouloir se comprendre, d’être attentif à l’autre. Il prône la bienveillance avec le règne animal.

Je pense que la bienveillance, l'attention à l'autre et la considération nous permettent de trouver la distance juste avec nos voisins, avec tous nos colocataires. Je pense que cela peut changer le monde.

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François Sarano est aussi auteur : il a publié en 2017 aux éditions Actes Sud un bel essai intitulé Le Retour de Moby Dick ou Ce que les cachalots nous enseignent sur les océans et les hommes.

Les savanturiers
55 min

Un choix difficile qui se porte sur Eliott

Au départ de cette émission, François Sarano a failli refuser de se prêter à l'exercice de la « journée particulière ». Pour lui, en effet, chacune de nos journées mérite d'être célébrée comme exceptionnelle. Un enseignement qu'il doit à son ami Jacques Perrin, qu'il a accompagné autour du monde pour la réalisation du film Océans dont il était co-auteur et conseiller scientifique :

Il faut faire attention à chacune des journées que nous vivons. Le matin, lorsque je me lève, je dis « Bonjour ! ». Je prête attention à la mésange charbonnière, aux pinsons, etc. [...] Prêter attention, c'est se rendre riche de ce qui nous entoure. Il ne faut pas s'en priver.

Finalement, l'océanographe s'est résolu à choisir une journée déterminante et son choix s'est porté sur un jour du mois de mai 2015 au cours duquel, à l'issue d'une plongée qu'il croyait ratée, il a fait la connaissance d'un jeune cachalot, qu'il a baptisé Eliott et qui a bouleversé son existence.

Il nous avait vus. Nous, nous n'avions rien vu. [...] Il est venu face à moi. Je me suis senti celui qui était observé, étudié et apprivoisé.

Le jeune cachalot est resté aux côtés des plongeurs à danser, à offrir son ventre, pendant plus de dix minutes. Il faisait des arabesques incroyables et a finalement manifesté son désir d'être caressé, par un son caractéristique que l'océanographe a su reconnaître et interpréter.

Lorsque l'on entend cette expression sonore, les cachalots se réunissent et se font des câlins.

54 min

La vie en société

Au cours d'une heure d'entretien, François Sarano révèle à Zoé Varier les secrets fascinants de la vie des cachalots. Le plongeur rappelle les années sombres des grandes chasses : jusque dans les années 1960, les cachalots étaient en effet massacrés et, pour l'année 1960 seule, 30 000 spécimens ont été tués. Les populations de l'Océan indien et du Pacifique ont failli disparaître. Il a fallu attendre 1980 pour qu'un moratoire les sauve. Il explique pourtant que ces mammifères vivent en société avec des comportements de coopération et de solidarité qui méritent notre attention et notre admiration.

Le cachalot est par essence un animal social, solidaire. Il y a des nounous qui s'occupent des petits des mères pendant qu'elles vont chasser. C'est vraiment une société extrêmement altruiste : tout est tourné vers l'autre !

François Sarano
François Sarano
© Radio France - Anne Audigier

François Sarano insiste sur le fait que chacun des cachalots qu'il connaît, notamment dans le clan d'Irène Gueule tordue, a une personnalité propre, qui évolue en fonction de son expérience propre. C'est pour cette raison qu'il s'autorise, quitte à être taxé d'anthropomorphisme, à leur donner des noms.

Je prends cette accusation à bras ouverts ! Non, plus sérieusement, je m'autorise simplement à voir en chacun d'eux une personne non humaine. Soyons raisonnables ! Chaque animal est différent de son congénère.

L'océanographe considère ainsi qu'attribuer un numéro à ces animaux reviendrait à les chosifier, à les réifier : à se mettre des œillères qui empêchent de voir les différences formidables qui existent à la fois entre chacun d'eux et entre chacune des communautés, des clans, qu'ils forment. 

La recherche de la rencontre

À l'image de Jane Goodall qu'il admire et qui a consacré sa vie aux grands singes, François Sarano s'inspire de ces merveilleuses rencontres avec les animaux du monde marin pour tirer des enseignements de leurs comportements. Pour lui, qu'il s'agisse d'un cachalot ou d'un crocodile de mer, le monde vivant doit nous apprendre à vivre différemment, à décaler le regard que l'humanité porte sur la nature et sur elle-même.

La rencontre fait exploser les idées reçues. Il faut faire ce pas : il faut aller nu vers ceux que l'on calomnie, vers ceux sur lesquels on raconte des choses sans jamais être allé les rencontrer. C'est valable pour mon voisin qui a une religion différente, qui a une culture différente, qui a des traditions différentes. Allons les écouter, bon sang ! Ils ont des histoires formidables.

54 min

Pour aller plus loin

Découvrir l'association Longitude 181, fondée par François Sarano et dédiée à la protection des océans et à la réconciliation des humains avec la vie sauvage

Sont disponibles aux éditions Actes Sud :

🎧 François Sarano est l'invité de Fabienne Chauvière dans son émission estivale Les Savanturiers : l'intelligence du vivant le samedi 21 août 2021 à 16 heures.

📖 François Sarano recommande la lecture du roman de Romain Gary Les Racines du ciel, publié en 1956 aux éditions Gallimard et disponible en format poche dans la collection Folio depuis 1972.

Les références des extraits et archives Ina diffusés dans l'émission 

  • "Le Petit Prince et le renard", Pierre Fresnay lit un extrait du Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry, RTF, 1954
  • "Le Cachalot savant", extrait du journal national Les Actualités françaises, 1957
  • "Qu'est-ce qu'un cachalot ?", Jacques Trémolin dans Les Visiteurs du mercredi, TF1, 1978
  • "Codas à 8 clics", dialogue entre Delphine et Vanessa, deux cachalots femelles, enregistré par François Sarano
  • "Jane Goodall et les chimpanzés", extrait du film Une histoire d'amour - Hommage à Jane Goodall, conçu avec les images filmées par Hugo van Lawick pour le compte du National Geographic, une émission de Frédéric Rossif avec un texte de Madeleine Chapsal dit par Bérengère Dautun, ORTF, 1973
  • "Une île flottante", extrait d'un reportage de François Barnole et Jacques Ertaud pour l'émission Sept jours au monde consacrée à Jacques-Yves Cousteau, RTF, 1963
  • "Le nouveau statut juridique de l'animal", Reha Hutin, Présidente de la Fondation 30 millions d'amis au micro de Dorothée Barba dans le 5/7 du week-end de France Inter, 31 janvier 2015
  • "L'aurore boréale est une danseuse", Anita Conti dans Paris vous parle, RTF, 1953

La programmation musicale du jour

  • The Little Rabbits, "La Mer", 1991
  • Dominique A, "L'Horizon", 2006
  • Sparks, "So May We Start", 2021
  • Et un extrait de : Maître Gims avec Niska, "Sapés comme jamais", 2015

Le générique de l'émission

Isabelle Pierre, "Le temps est bon" (1971), remixé par Degiheugi, 2012

54 min

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