Biologiste, spécialiste des céphalopodes (calamars, seiches et pieuvres), Laure Bonnaud-Ponticelli revient sur sa fascination pour ces mollusques aux capacités hors du commun.
- Laure Bonnaud Ponticelli Professeure au MNHN et biologiste, chercheur au laboratoire Biologie des organismes aquatiques (BOREA) , spécialiste des céphalopodes
Laure Bonnaud-Ponticelli est professeure au Muséum national d’Histoire naturelle, à Paris, biologiste et chercheuse au Laboratoire de biologie des organismes et des écosystèmes aquatiques. Spécialiste des céphalopodes, ses travaux portent plus particulièrement sur le développement du système nerveux et de la fonction visuelle chez la seiche, Sepia officinalis.
Étincelle et bistouri
Laure Bonnaud-Ponticelli a choisi comme « Journée particulière » un jour de l’année 1981. Ce jour-là, alors qu'elle était en classe de cinquième, elle était amenée, en cours de sciences naturelles, à effectuer sa première dissection. En ouvrant une moule, la collégienne a alors eu l’impression d'entrer dans un monde à part, dans les coulisses de la nature. Ses souvenirs sont précis : celui de son professeur, Monsieur Gabry, au collège Carnot d'Argenteuil, les premières observations, les sensations, etc. Tout cela a fait naître en elle une étincelle qui ne l'a pas quittée depuis.
J'ai ressenti à ce moment-là une grande émotion d'entrer dans le monde merveilleux des fonctions : cet animal arrive à vivre, à se reproduire, à manger, avec un système qui paraît assez simple. [...] Je me suis dit : « C'est ça que je veux faire. Je veux travailler sur des mollusques ! »
L'entonnoir se resserre vers les céphalopodes
Dix ans plus tard, alors que Laure Bonnaud-Ponticelli est en stage à la station biologique de Roscoff, cette étincelle s’est concrétisée. C'est là que des naturalistes du monde entier se retrouvent pour observer la richesse de la faune et de la flore marines. L'émerveillement continue son chemin, tout comme son amour pour les mollusques. Presque par hasard, quelque temps plus tard, alors qu'elle cherche un stage de DEA, juste avant sa thèse, on lui suggère d'aller toquer à la porte de Renata Boucher-Rodoni, chercheuse du CNRS, spécialiste des céphalopodes.
Je vais la voir et je luis dis « Bonjour, je cherche un stage. » Elle me regarde et me dit « Oui, mais moi, je travaille sur les céphalopodes », comme si c'était quelque chose de bizarre, comme si elle me prévenait, avant que je ne prenne ma décision. Mais cela m'allait très bien ! [...] Je voyais ce monde s'ouvrir à moi : les grands bras de Renata qui s'ouvraient !
Pour la future chercheuse, cette classe de mollusques constitue en effet une sorte de Graal : les possibilités d'exploration qu'ils offrent, en termes de recherche, sont phénoménales. Ils ont des comportements incroyables, un système nerveux extrêmement élaboré, des capacités visuelles insoupçonnées, etc. Depuis lors, Laure Bonnaud-Ponticelli n'hésite pas à dire que les céphalopodes sont les plus beaux des mollusques.
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« Se farder l'œil, façon seiche »
En 2004, Laure Bonnaud-Ponticelli est recrutée au Muséum national d’Histoire naturelle de Paris et monte sa propre équipe pour travailler sur le développement du système nerveux chez les embryons de seiches. Elle avait en effet, auparavant, ressenti une grande émotion en croisant pour la première fois le regard de l'un des spécimens de ce céphalopode connu pour son "os", trouvé sur les plages.
Une fois que vous avez regardé une seiche dans les yeux, vous ne pouvez plus vous défaire de cet échange de regard. Il y a un échange de regard, mais aussi, sûrement, d'énergie et de choses qui nous dépassent et qui sont difficilement mesurables.
En 2021, la biologiste poursuit des recherches qui permettent de comprendre comment se mettent en place l'apprentissage ou la mémoire chez ces créatures fascinantes. Et ne manque pas de citer toutes celles et tous ceux qui participent à cette grande aventure sous-marine.
Les céphalopodes ont un système nerveux magnifique, mais aussi un très grand nombre de neurotransmetteurs (sérotonine, dopamine, adrénaline, etc.). Ce sont les seuls non-vertébrés à avoir une telle diversité de neurotransmetteurs. [...] À quoi ça leur sert ? Comment l'utilisent-ils ? Comment se transmet l'information ?
Pour aller plus loin
- Le livre de Maryline Desbiolles, La Seiche, cité dans l'émission, a paru aux éditions du Seuil en 1998 et est disponible en format poche, chez Points, depuis 1999.
- Le livre L'Intelligence du vivant - Dix scientifiques racontent, une enquête de Fabienne Chauvière dans laquelle intervient Laure Bonnaud-Ponticelli, a paru aux éditions Flammarion.
- Le documentaire La Sagesse de la pieuvre de Pippa Ehrlich et James Reed est disponible sur Netflix.
Les références des extraits et archives INA diffusés dans l'émission
- "La première dissection de Jean Rostand", extrait de l'émission Les Enfants du siècle, RTF, 1950
- "La station biologique de Roscoff", extrait d'un reportage intitulé "Roscoff : une station biologique", Bretagne Actualités, ORTF Rennes, 1968
- "La Pieuvre" d'Erik Satie (auteur et compositeur), joué au piano par Jean-Marc Luisada et récité par Jeanne Moreau, tiré du double disque L'Histoire de Babar de Francis Poulenc / Sports et Divertissements d'Erik Satie, Deutsche Grammophon, 1994
- La Seiche de Maryline Desbiolles, premier épisode de l'adaptation radio pour l'émission Micro Fiction de France Culture, 2011
- "Farder son œil, façon seiche", extrait de l'émission Les Animaux du monde, ORTF, 1974
- "Théodore Monod et les céphalopodes", extrait de l'émission Terre des Bêtes, Antenne 2, 1982
La programmation musicale du jour
- Boris Vian, "Cinématographe", 1955
- Rodolphe Burger, "Bleu Bac", 2020
- Marinero, "Through the Fog", 2021 [ Dans la playlist de France Inter]
Et un extrait de :
- Klaus Nomi, "The Cold Song", 1981
- Akemi Nakayama, "Ikatoribune uta (Chanson des pêcheurs de seiches)", 2018
Le générique de l'émission
Isabelle Pierre, "Le temps est bon" (1971), remixé par Degiheugi, 2012
L'équipe
- Production
- Programmation musicale
- Collaboration
- Réalisation