Au théâtre, Ludmilla Dabo interprète avec passion le rôle de Nina Simone. Pour sa « journée particulière », la comédienne a donc choisi un événement tragique qu'elle n'a pas pu vivre elle-même, puisqu'elle n'était pas née, mais qui, en revanche, a bouleversé la chanteuse américaine et lui a inspiré une chanson.
- Ludmilla Dabo
C'est dans le spectacle Portrait de Ludmilla en Nina Simone, mis en scène par David Lescot, que Zoé Varier a découvert Ludmilla Dabo. Outre ce spectacle formidable, la chanteuse américaine a une place toute spéciale dans la vie de la comédienne. Il était donc naturel pour Ludmilla Dabo de rendre hommage à Nina Simone jusque dans le choix de sa « journée particulière ».
Un crime raciste
Le 15 septembre 1963, plusieurs membres du Ku Klux Klan commettaient un attentat raciste dans une église baptiste de Birmingham, en Alabama, dans le Sud des États-Unis, faisant quatre victimes et plusieurs dizaines de blessé·e·s. Ils avaient placé 19 bâtons de dynamite sous l'escalier de l'église. Ludmilla Dabo n'était pas née en 1963. C'est pourtant ce jour et ce tragique événement qu'elle a choisi comme « journée particulière », pour l'importance qu'il a eue dans la lutte pour les droits civiques aux États-Unis, ainsi que dans la carrière de Nina Simone. C'est en effet folle de colère et de rage après toute cette série de crimes racistes dans le Sud des États-Unis qu'elle écrira la chanson militante "Mississippi Goddam".
Ce morceau pour moi est incroyable. Musicalement, il est extrêmement lumineux et c'est très difficile de se rendre compte, si on ne parle pas anglais, de quoi parle la chanson : [...] des lynchages, des bavures [...] des interdictions un peu partout.
Tout le monde n'a pas la chance d'avoir des parents communistes
Pour Ludmilla Dabo, l'Éducation nationale, en France, est parfois un peu avare sur l'histoire des Noir·e·s, de l'esclavage, des colonisations et décolonisations. Ayant eu la chance d'avoir des parents militants et renseignés sur ces questions, une mère camerounaise et un père sénégalais, elle est pourtant sensibilisée dès son enfance à l'histoire de l'Afrique. Elle remercie pour cela le feuilleton télévisé Racines et la passion de sa mère pour Nina Simone. Cette dernière écoutait en effet les chansons de Nina Simone toutes les semaines à la maison et racontait à ses enfants son histoire et son destin empêché.
Il fallait qu'on sache que c'est une jeune femme qui a été empêchée, à son adolescence, de poursuivre la carrière qu'elle désirait parce qu'elle était noire.
Nina Simone témoignait en 1991, à la télévision française, de ce destin malmené
En tant que femme noire, Ludmilla Dabo est très touchée par ce témoignage de Nina Simone en 1991 dans l'émission Musiques au cœur (archive INA). Il fait en effet écho à ses premières inquiétudes et craintes de jeune comédienne.
Quand j'ai commencé à travailler professionnellement, je me souviens d'avoir posé la question à mon agent, la première fois que je l'ai rencontrée « Est-ce que le fait d'être noire va être difficile ou pas ? Est-ce que ça va être difficile de faire du cinéma, d'être vue dans des publicités ? » Et elle m'a dit : « Je ne peux pas te dire que ça n'est pas une difficulté, que ça ne rentrera pas en ligne de compte. »
Nina Simone au Conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris
Ludmilla Dabo a étudié au Conservatoire national supérieur d'art dramatique (CNSAD). Dans le cadre de cette formation, on lui a donné une carte blanche et elle a pu monter un spectacle de son choix. C'est autour de la figure de Nina Simone qu'elle a voulu travailler. Au cours d'un bref moment de ce spectacle, en la mettant en miroir de l'engagement de Nina Simone pour les droits civiques aux États-Unis, elle a voulu faire réfléchir son public sur la question du racisme en France et, notamment, sur la place des Noir·e·s dans les institutions culturelles. Il y avait alors quatre élèves noir·e·s dans sa promotion, quatre Noir·e·s dans la salle. Suite à cette pièce, Ludmilla Dabo a été convoquée chez le directeur du Conservatoire de l'époque.
C'est un choix qu'on avait fait collectivement avec mes camarades. On avait vraiment envie d'interpeller, d'interroger, en quelques secondes, car c'était très furtif [...] de poser la question dans ce territoire (la France), qui est fait d'une mixité [...] de plus en plus grande, de se demander si c'était normal, dans une école d'art, d'être si peu nombreux. [...] Et l'on a senti que ce moment avait été gênant.
Le spectacle 'Portrait de Ludmilla en Nina Simone' est en tournée
- 3 mars, Théâtre des Trois Ponts, Castelnaudary
- 5 mars, Le Tangram, Scène Nationale d’Evreux
- 7 mars, L’Astrada, Marciac
- 10 mars, Théâtre de Guingamp
- 11 mars, Théâtre de Guidel
- 12 mars, Théâtre de Sarzeau
- 13 mars, Théâtre d’Orvault
- 14 mars, Théâtre de Chalonne-sur-Loire
- 17 mars, ATP, Dax
- 19 mars, au Théâtre d’Ernée, St Germain le Guillaume
- 26 mars, Maison du Théâtre, Amiens
- 28 mars, Théâtre du Parc, Andrézieux
- du 13 au 15 mai, Le Carreau, S.N. de Forbach
- En savoir plus sur le site de la Compagnie du Kaïros de David Lescot
Ludmilla Dabo est à l'affiche du spectacle 'Harlem Quartet' d'Élise Vigier, d’après le roman 'Just above my head' de James Baldwin
Harlem Quartet se joue au Théâtre du Nord, CDN de Lille, du 5 au 9 mai 2020
Les références
- La série télévisée Racines, adaptée du roman d'Alex Haley, est éditée en DVD par Warner.
- Le documentaire What Happened, Miss Simone? de Liz Garbus est disponible sur Netflix.
La programmation musicale du jour
- Nina Simone, "Mississippi Goddam", 1964
- Nina Simone, "Sinner Man", 1965
- David Walters, "Kryé Mwen", 2020
- et un extrait de Nina Simone, " Ain't Got No / I Got Life", 1968
Le générique de l'émission
Isabelle Pierre, "Le temps est bon" (1971), remixé par Degiheugi, 2012
L'équipe
- Production
- Autre
- Collaboration
- Réalisation
- Autre