Dans sa pièce 'Place', la dramaturge et metteuse en scène d'origine irakienne interroge les mécanismes d'assimilation à l'œuvre dès son arrivée en France à l'âge de quatre ans. Au micro de Zoé Varier, elle se souvient de cette "journée particulière" : celle de l'arrestation du dictateur Saddam Hussein en décembre 2003.
- Tamara Al Saadi metteuse en scène
Tamara Al Saadi est une comédienne, autrice et metteuse en scène, née à Bagdad, en Irak. En 1991, alors qu'elle est âgée de quatre ans, elle vient en Europe avec sa famille pour des vacances. C'est pendant ce séjour qu'éclate la Guerre du Golfe, qui fermera les frontières irakiennes et empêchera tout retour dans son pays d'origine pendant de nombreuses et longues années. Cet exil forcé et les mécanismes de son assimilation au sein de la société française se trouvent au cœur du spectacle Place, qu'elle a écrit et mis en scène.
13 décembre 2003 : Saddam Hussein est arrêté
La journée particulière qu'a retenue Tamara Al Saadi est celle du 13 décembre 2003. Ce jour-là, le dictateur Saddam Hussein était arrêté par les forces américaines lancées dans la Guerre en Irak. Tamara Al Saadi, alors adolescente, apprend la nouvelle par sa mère, au téléphone. Alors qu'elle attendait et espérait depuis sa plus jeune enfance la chute de cette dictature, elle ne peut pas s'empêcher d'être choquée par les images de la capture de Saddam Hussein, ni de réaliser que cette arrestation est bien en-dessous de ses espérances.
Je rêvais d'un espace révolutionnaire, qu'un pays allait se soulever pour faire tomber cette dictature. Il s'avère que c'est l'intervention américaine, un mouvement d'invasion, qui a fait chuter le régime et non le peuple irakien qui s'est libéré lui-même.
Pour elle, par surcroît, la manière dégradante dont a été montré Saddam Hussein et le sort (notamment médiatique) qui lui a été réservé en disaient long sur la perception qu'avaient les forces de la coalition militaire, les « envahisseurs » pour reprendre ses mots, du peuple irakien.
On a décidé de briser sa dignité de façon assez grossière, assez ostentatoire.
Assimilation ou intégration ?
Pour Tamara Al Saadi, la chute du régime de Saddam Hussein n'a pas signifié le retour de sa famille en Irak. Celle qui est devenue par la suite comédienne, autrice et metteuse en scène avait alors 16 ans et elle se sentait déjà plus française qu'irakienne. Un basculement de son "identité" qui ne s'est pas fait facilement. Dans sa pièce Place, elle exprime cette dualité identitaire, le sentiment de n'être pas tout à fait une Irakienne, ni une Française, le sentiment de n'être jamais à sa place.
On vit dans une société où le fait d'être arabe est problématique. Cette graine de la honte est semée très vite.
Dès l'école, en effet, Tamara Al Saadi a compris que la partie irakienne d'elle-même était dérangeante, que les erreurs de compréhension culturelle pouvaient lui coûter cher, qu'il serait bon, même, d'oublier sa langue maternelle, l'arabe. C'est pour cette raison qu'elle parle d'assimilation au sein de la société française, et non d'intégration.
L'assimilation, ce sont des mécanismes de lissage, d'homogénéisation et c'est pour ça que je l'oppose à l'intégration. L'intégration, c'est la reconnaissance de la différence de l'autre, de la croyance de l'autre et, pour moi, c'est là qu'est la laïcité.
'Place' en tournée dans toute la France
La pièce Place de Tamara Al Saadi est lauréate du Prix du Jury et du Prix des Lycéens du Festival Impatience 2018. C'est l'une des révélations du Festival d'Avignon 2019.
Place se joue au 104, à Paris, du 23 au 28 novembre 2019. La pièce est ensuite en tournée dans toute la France jusqu'en mai 2020.
La programmation musicale du jour
- The White Stripes, "Seven Nation Army", 2003
- Barbara, "Il n'y a pas d'amour heureux", 1960
- Black Pumas, "Fire", extrait de l'album Black Pumas (dans la playlist de France Inter), 2019
Le générique de l'émission
Isabelle Pierre, "Le temps est bon" (1971), remixé par Degiheugi, 2012
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