A La Réunion, avec les gardiens du Piton de la Fournaise

Vue sur le Piton de la Fournaise
Vue sur le Piton de la Fournaise ©Radio France - Julie Pietri
Vue sur le Piton de la Fournaise ©Radio France - Julie Pietri
Vue sur le Piton de la Fournaise ©Radio France - Julie Pietri
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C'est un volcan fascinant, très actif, et le premier site touristique de l'île. Derrière la volcanologue Aline Peltier, nous allons à la rencontre de ceux qui le surveillent ou qui vivent à ses côtés. Depuis sa dernière éruption en décembre 2020, le Piton de la Fournaise s'est assoupi, mais pour combien de temps ?

Le Piton de la Fournaise mérite encore bien son nom: avec cinq éruptions en 2019, trois en 2020, il reste l'un des volcans les plus actifs au monde. Il a connu en moyenne deux éruptions par an depuis la création de l’Observatoire volcanologique, en 1979. Pour sa directrice Aline Peltier, "aucune journée ne ressemble à une autre". 

L'Observatoire est installé à Bourg Murat, dans un petit chalet qui lui rappelle ses Vosges natales.  Depuis son bureau, Aline Peltier contemple le Piton des Neiges, le deuxième volcan de l’île, "endormi pour l'instant, et j'espère qu'il va le rester". Le Piton de la Fournaise, qui l'occupe, elle et ses collègues, se trouve à 15 km à vol d'oiseau. Aline Peltier nous fait écouter la sonnerie stridente qui peut retentir à tout moment, et donner l'alerte:

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A 2H du mat, ça réveille bien! C'est beaucoup d'excitation, c'est aussi un petit peu de stress. Il faut tout de suite communiquer l'information à la préfecture. Ensuite il faut se mettre le nez dans le guidon, étudier les signaux, voir où cela se propage... [...] Quand le volcan entre en éruption, c’est encore une autre dimension. Il y a le son, l’odeur, il ne vaut mieux pas être sous le panache [de fumée] ça pique les yeux.

La passion d'Aline Peltier est née en classe de 3e, lors d’une colonie de vacances en Italie. Elle découvre "extasiée" l'Etna et le Stromboli en éruption. A la fascination succède l'envie de comprendre les phénomènes volcaniques.

Aline Peltier, en combinaison de protection
Aline Peltier, en combinaison de protection
© Radio France - Julie Pietri

Dans le placard de son bureau, Aline nous montre les combinaison ignifugées des volcanologues, semblables à celles des pilotes de course ou des ouvriers en sidérurgie. Elles sont indispensables pour réaliser des relevés en période d'éruption où la température de la lave avoisine les 1.100 à 1.200 degrés. Malgré ces précautions, les volcanologues ne restent pas plus de quelques minutes près du cratère, tant les conditions y sont éprouvantes pour le corps humain.

Pour aujourd'hui, de bonnes chaussures de randonnées et une bonne couche de crème solaire anti-moustiques suffiront. Aline Peltier et son équipe se rendent sur la zone du "Grand Brûlé", une ancienne coulée de lave noire, où la végétation repousse timidement. Tous les mois, il faut aller relever les relevés d'une station de l'Observatoire, la seule dont les données ne sont pas télétransmises. Dans le Sud sauvage, sur la côte Est du Piton de la Fournaise, le paysage n’a plus rien à voir avec les Vosges, on est bien sous les Tropiques et la chaleur est étouffante.

En marche vers la station de mesures, dans le Grand Brûlé
En marche vers la station de mesures, dans le Grand Brûlé
© Radio France - Julie Pietri

Ici, c'est le glissement du volcan qui menace, et que mesurent les données GPS :

En moyenne tout ce flan Est se déplace, glisse de deux cm par an, et un jour ou l'autre, à force de glisser, on aura tellement tiré que cela pourra rompre. Donc cela veut dire que tout ce secteur-là qui est derrière nous pourra glisser vers la mer d'une manière assez brutale. On ne sait pas quand, on espère le plus tard possible, c'est un événement qui revient tous les 5000, 10 000 ans, mais c'est important de surveiller sur le long terme.

1977: quand la lave a franchi les portes de l'église de Piton-Sainte-Rose

L'Observatoire du Piton de la Fournaise a été créé après l'éruption de 1977, qui a en partie détruit le village de Piton-Sainte-Rose en contrebas, près de la mer.  

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C’est la plus grosse et spectaculaire éruption depuis que l’homme a colonisé La Réunion. Trente maisons sont ensevelies. L’église est encerclée par la lave, qui pousse les portes du sanctuaire, mais les murs tiennent bon. Aujourd'hui, on peut voir le bâtiment aux couleurs pastel entouré de pierres de lave noire.

Notre Dame des laves, encerclée par la lave en 1977
Notre Dame des laves, encerclée par la lave en 1977
© Radio France - Julie Pietri

Alice Lebon est l'un des témoins vivants  de cette catastrophe. Elle tient, juste en face, l'exposition permanente de la coulée volcanique de 1977, qui l'a marquée enfant:

A sept ans quand on nous dit qu’il faut partir et tout laisser sur place, on a l’impression que le monde s’arrête [...] C’était la première fois que j’entendais parler du volcan, et que je le voyais de mes propres yeux, parce que je voyais la lave descendre quand on est partis.

Le Piton de la Fournaise est entré en éruption depuis plusieurs jours, mais les habitants sont habitués à voir la lave rester dans son "enclos", une sorte de toboggan de 13km de long qui s'ouvre à l'est sur l'océan indien. Dans la nuit du 9 au 10 avril, pourtant, des coulées de lave sortent de l'enclos et s'avancent rapidement vers les maisons. Les habitants ont évacué la veille, emportant le strict nécessaire:

Moi j'ai pris vraiment les choses les plus essentielles. Je revois encore ma chambre avec mes petits albums de Martine, mes jouets, enfin toutes les choses d'enfant auxquelles on tient, elles restent là. On se met tous sur le bord de la route, et l'armée ne tarde pas à arriver, on prend juste nos baluchons et on monte dans le camion militaire et on s'en va.

Aujourd'hui encore, Alice Le Bon observe de loin le spectacle des éruptions. Tous n'ont pas la même prudence. Quand la lave se met à jaillir en fontaine et à couler, ce sont jusqu’à 20 000 personnes le soir, qui se rapprochent pour l'admirer. Accueillir les touristes, qui font aussi vivre la Réunion, dans de bonnes conditions de sécurité, c'est le défi posé aux volcanologues et aux pouvoirs publics. 

Le premier site touristique de la Réunion

Depuis la salle de crise, Aline Peltier entend le ballet des hélicoptères qui surveillent le site: 

Les ouvertures de fissure en général sont lentes [...] On commence par un dégazage, et ensuite les projections qui deviennent de plus en plus hautes. Donc les personnes ont le temps d'évacuer, mais il faut être extrêmement rapide.

Aux premiers indices, des séismes réguliers, un volcan qui se déforme... La zone est placée en vigilance, mais reste accessible aux touristes.   L’Observatoire fait le lien avec l'Office National des Forêts, qui a la responsabilité des sentiers de randonnée.  Si une éruption survient, c'est alors à Bernard Labrosse, référent sentiers à l’ONF, de fermer le portail d'accès au site et de veiller à ce qu'il n'y ait pas de randonneurs égarés. 

Bernard Labrosse, référent sentier à l'ONF
Bernard Labrosse, référent sentier à l'ONF
© Radio France - Julie Pietri

Jusqu'en 2004, le site restait ouvert même lors des éruptions, mais un accident mortel est venu rappeler le danger du lieu, explique Bernard Labrosse:

Un jeune a marché sur un tunnel de lave très frais, parce que la lave se refroidit en surface beaucoup plus vite qu'en profondeur, ce qui fait qu'on a l'impression de marcher sur un rocher alors qu'en-dessous, la lave en fusion circule encore. Ce spectateur a brûlé dans une lave incandescente.

Depuis, l’accès au site a été règlementé. Après les éruptions, il faut s’assurer que le terrain est praticable:

Il faut juger de la chaleur du sol, voir si c'est pas dangereux de laisser passer des gens sur un lieu précis... Il y a tout un travail de reconnaissance qui précède la réouverture au public du volcan, et là, il y a une certaine fierté d'être acteur de cette sécurité. 

Le portail autorisant ou non l'accès au cratère
Le portail autorisant ou non l'accès au cratère
© Radio France - Julie Pietri

Un volcan "attrape coeur"

Fascinant, parfois dangereux, le Piton de la Fournaise est aussi particulièrement attachant, à croire ceux qui nous avons rencontrés. Yves Picard, est le responsable du gîte du Piton de la Fournaise depuis 30 ans. Son ancêtre Alfred est le premier à avoir guidé les touristes sur le Piton, dans les années 60. A l'époque les randonnées pouvaient durer jusqu'à une semaine.

Le gîte de la famille est situé à 600m du cratère et elle est la seule à vivre sur place toute l'année. Yves Picard est l'ange gardien des marcheurs égarés 

J'ai récupéré pas mal de gens qui se sont égarés, soit la nuit, soit ils se font prendre par le brouillard, ou bien des gens qui font confiance à leur GSM, mais là-bas, il n'y a pas de réseau, et un caillou ressemble à un caillou!

Yves Picard n’a jamais raté une éruption en 30 ans. Il aime sortir les admirer et les écouter, la nuit, quand les touristes sont partis. 

Yves Picard, dans son gîte du Piton de la Fournaise
Yves Picard, dans son gîte du Piton de la Fournaise
© Radio France - Julie Pietri

Quant à Aline Peltier, si elle compte bien rester la gardienne du Piton de la Fournaise, elle a désormais un nouveau sujet à surveiller: un volcan sous-marin qui est en train de se former à 50km de Mayotte, par 3500m de fond. Un géant, dans son genre, puisqu'en un an, la lave qui s'en est échappé a déjà formé un dôme de 800m.

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