C’est l’une des courses à la voile les plus exigeantes et les plus folles : le Vendée Globe, tour du monde sans escales, en solitaire et sans assistance. Parmi les 33 concurrents en lice, Charlie Dalin est l'un des favoris. Ce sera son premier tour de la planète. Jérôme Val l'a rencontré.
Même s'il n'est pas né dans une famille de marins, aussi loin qu'il s'en souvienne, Charlie Dalin a toujours passé ses vacances près de l'eau. A Crozon, il découvre l'optimiste à l'âge de 6 ou 8 ans. Depuis ce temps, il n'a jamais cessé de naviguer.
Je me rappelle comme si c'était hier d'aller dans l'annexe du moniteur, rejoindre les petits optimistes mouillés dans la baie, et puis avancer, ou dériver, gouvernail à la main... Je crois même que je m'étais échoué un jour sur la plage.
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Comme il ne connaissait personne dans le monde de la navigation et sans plan de carrière, il entame une formation d'architecte naval. Il est diplômé en 2006 et finance ses premières courses et ses premiers bateaux avec ses contrats.
Il y a ensuite sa première course en 2009, une première victoire en 2012 sur une transatlantique en double et puis ce premier tour du monde.
Ce Vendée Globe, Charlie Dalin va l’effectuer sur un monocoque de 60 pieds (18m28), équipé de foils pour lui permettre de voler sur l’eau. C’est un bateau tout neuf aux couleurs de l’assureur Apivia, il a été mis à l’eau en août 2019 et depuis, il est amarré à Concarneau dans le Finistère.
Un an et demi de construction
Charlie Dalin, en sa qualité d'architecte naval, a participé à l'élaboration du projet, du plan à la réalisation...
C'est une chance énorme d'avoir un bateau construit selon mes idées et ma philosophie, ça a été une aventure extraordinaire. J'ai passé toute cette phase avec un calepin à côté de mon lit. Dès que je me réveillais, je griffonnais des idées, des systèmes, pour être sûr de ne pas les oublier.
Et parmi ces technologies embarquées sur son monocoque Apivia, il y a les foils, de grandes ailes qui dépassent de chaque côté de la coque. Ce sont ces foils qui permettent au bateau de voler au-dessus de l’eau et de gagner en vitesse.
Grâce aux foils, les bateaux vont donc plus vite mais, c’est le revers de la médaille, ils sont aussi plus inconfortables : les chocs sont plus violents, les vagues et l’eau de mer omniprésentes.
Pour se protéger des éléments, Charlie Dalin et ses équipes ont donc pensé un cockpit à toute épreuve. A l'abri à l’intérieur et même à plus de 50 km/h, le skipper est à la barre, au sec.
Ce bateau au nez élancé et aux ailes de géant est un produit français, conçu et fabriqué entre le Havre et la Rochelle, un condensé de technologie qui fait de la France l'un des leaders mondiaux en matière de construction de voiliers.
Même si les bateaux vont de plus en plus vite, les concurrents vont affronter les océans de la planète pendant plus de deux mois (le précédent vainqueur du Vendée Globe Armel le Cléac’h a bouclé le Vendée Globe en 74 jours).
Deux mois de solitude, d’humidité et d’inconfort dans un tout petit espace
Six mètres carrés, c'est l'espace alloué au skipper. Toute une vie et l'essentiel pour achever un tour du monde doit rentrer dans cet espace contraint, avec près de 300 kilos de matériel stocké en sac, qui vont être déplacés pour équilibrer le voilier en pleine course.
Il n'y a pas de toilettes, pas de salle de bain, pas de douche, pas de chauffage, pas de frigo, pas de micro ondes, la cuisine, c'est un réchaud de camping, les toilettes, c'est un sceau.
Pour sa consommation d'eau, Charlie Dalin peut compter sur son désalinisateur. A bord, il ne produit que 4 à 5 litres d'eau par jour : bien moins qu'un "terrien".
Pour dormir, le skipper pose un matelas gonflable à même le fond de coque. Tous les facteurs de la course sont contre les coureurs, lorsqu'il s'agit du sommeil : la vitesse, le vent, les vagues, le volume sonore peut avoisiner les 90 décibels. Sans parler des changements de températures : 40 degrés sur l'Equateur, zéro près du pôle Sud.
Le problème, c'est d'avoir un sommeil de qualité, le fameux sommeil lent profond qui permet de récupérer. Par tranche de 24h, ce sera 4h par nuit...
Mais qu’est-ce qui fait courir les marins du Vendée Globe ? Une poignée d’hommes et de femmes (115 exactement) ont pris - ou vont prendre - le départ du Vendée Globe depuis la création de ce tour du monde en 1989.
Un défi qui n’effraie pas Charlie Dalin
J'aime être seul sur un bateau. Je suis pas quelqu'un qui craint la solitude, au contraire. Je me sens bien sur mon bateau, à travailler sur ma trajectoire, régler mes voiles, bricoler, réparer ce qu'il y a à réparer, vivre à bord, tout simplement
Une solitude qui n'effraie pas Charlie Dalin, motivé aussi par le goût de la compétition et l'envie de se mesurer aux éléments. Et puis une course en solitaire, c'est aussi des moments magiques, des paysages uniques :
Quand on passe dans des zones riches en plancton, de nuit, le sillage est fluorescent. Quand les dauphins nagent dans ce plancton, ça ressemble à des torpilles qui se déplacent dans l'eau.
Quand on lui pose la question de la peur, Charlie Dalin répond qu'en pleine mer, en pleine manœuvre et dans des conditions extrêmes, la concentration l'emporte sur l'appréhension. Mais il dit ne pas vouloir ignorer la peur qui fait partie intégrante de l'instinct de survie.
Le 8 novembre, Charlie Dalin embarquera pour un voyage dans l'inconnu, lui qui n'a pas passé plus de trois semaines seul en mer. Il s'est préparé en consultant de nombreux skippers qui ont déjà tenté le Vendée Globe. Il arrivera prêt pour l'aventure.
Même si c'est son premier tour du monde, il fait parti des favoris, grâce à son bateau taillé pour la victoire et sa détermination sans faille. Et rappelons qu'en 2012, François Gabart était également un bizut, ce qui ne l'a pas empêché de triompher sur cette édition, en 78 jours, 2 heures et 16 minutes.
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