

Des inconnus filmés à leur insu se rebellent contre ces pratiques.
Imaginez. Vous êtes dans la rue, vous vous baladez tranquillement, quand tout un coup un homme s’approche de vous, et vous tend un bouquet de fleurs. Vous le prenez et ému, vous versez quelques larmes. Sauf que vous n’avez pas vu la caméra qui est en train de vous filmer et que cette scène va devenir une vidéo virale sur Tiktok.
C’est ce qui est arrivé à une femme de 60 ans australienne appelée Maree. Elle a donc été filmée malgré elle par le Tiktokeur Harisson Pawluk, qui compte plus de 3 millions d’abonnés. Il est spécialisé en contenu dit de “kindness”, donc gentils. Il va par exemple offrir des fleurs à des inconnus, leur faire des câlins voire même payer leurs courses. La plupart de ses vidéos sont filmées de loin, de sorte à ce que la personne avec laquelle il interagit ne voit pas la caméra, pour plus d’authenticité.
Sauf que cette soit-disant authenticité commence à poser des questions
Car de plus en plus d’inconnus se retrouvent stars de vidéos aux millions de vues sans avoir rien demandé. La vidéo de l’australienne Maree a, par exemple, accumulé 70 millions de vues. Elle dit avoir vu la caméra à la fin, avoir demandé si elle était filmée, on lui aurait répondu non. Elle a été mise au courant par ses enfants de la vidéo, et a révélé avoir très mal vécu ce buzz non désiré : "Il a interrompu mon moment calme, m’a filmé et a publié la vidéo sans mon consentement en la tournant comme quelque chose de pathétique. Je pense qu’il s’est fait beaucoup d’argent avec en plus. J’ai eu l’impression d’être un clickbait."
"Clickbait" est l'appellation américaine pour dire "appât à clic". Un mode de fonctionnement très populaire sur internet qui vise à attiser la curiosité d’une personne pour qu’elle clique sur le contenu en question. Par exemple intituler un article “vous n’allez jamais croire ce que cette personne a fait”, c’est du "clickbait".
Et sur Tiktok donc, le clickbait est une technique très utilisée. L’éditeur va minutieusement choisir une légende efficace qui donnera envie de regarder sa vidéo. Sauf que c’est une stratégie assez perverse. Car le tiktokeur qui publie la vidéo peut donc raconter l’histoire qu’il veut dans sa légende, vu que c’est lui qui édite son contenu comme il l’entend. Il le monte, met la musique, des bruitages etc… Il peut donc mettre en avant la narration qui l’arrange pour avoir des vues. Et c’est encore plus facile quand il s’agit d’inconnus qui sont filmés car ils n'ont aucune idée du contenu posté derrière. Du coup, tout est bon pour trouver la bonne accroche quitte à tourner les participants de la vidéo en ridicule.
Il y a de plus en plus de cas. Par exemple, en décembre dernier, un homme a été filmé à son insu dans une tenue un peu kitch en train de danser dans la boîte de nuit londonienne La Fabric. La vidéo a ensuite été postée sur Tiktok avec comme légende “Voilà pourquoi je ne remettrai plus les pieds à la Fabric”. Sous entendu, ils laissent rentrer n’importe qui dans cette boite. En plus il a même été victime d’injures homophobes dans les commentaires. La vidéo a été supprimée depuis.
C’est à cause de ce genre d’incidents que de plus en plus de boîtes de nuit interdisent l’utilisation des smartphones
Ce qu’il se passe dans la boîte reste dans la boîte.
C’est la grande question, surtout lors d’une diffusion non consentie. Déjà ça dépend des pays. En France par exemple, autant la loi est claire quand il s’agit de vidéo filmée dans des lieux privés mais lorsqu’il s’agit de lieux publics c’est plus flou. Et c’est c’est souvent le cas des vidéos Tiktok. Sur le site de l’administration française, il est dit que “dans le cas d'une image prise dans un lieu public, votre autorisation est nécessaire si vous êtes isolé et reconnaissable.” Mais de l’autre côté il est aussi précisé que le droit à l’image est limité par le droit à l'information, le droit à liberté d'expression et la liberté artistique et culturelle.
Alors est-ce que des vidéos Tiktok sont considérées comme des vidéos artistiques ? Les vidéastes en tout cas revendiquent leur liberté d’expression quand ils doivent se défendre sur le sujet. Forcément, eux, ils pensent à leurs profits derrière, et ça au détriment de personne qui n’ont rien demandé.
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