L'hydrodiplomatie, l'eau pour le paix

Surat Thani, Thaïlande
Surat Thani, Thaïlande ©Getty - Peetatham Kongkapech
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L’eau est la principale ressource renouvelable de la Terre et le fondement même de notre propre survie. Le concept d’hydrodiplomatie mise sur le partage équitable de l’eau entre pays riverains. Comment peut-on l’appliquer ?

Avec

Avec Erik Orsenna, écrivain.

Hydrodiplomatie, ce n'est que récemment qu'on a commencé à entendre ce terme. Pourtant, l'accès à l'eau est un problème majeur, source de conflit entre bien des pays à travers le monde. En quoi consiste exactement cette hydrodiplomatie ? La France, est-elle concernée ? Nos réserves d'eau, sont-elles menacées ?

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L’hydrodiplomatie, d’où ça vient ?

Ce terme, on le doit à Fadi Comair, un ingénieur libanais, président d'honneur du Réseau méditerranéen des organismes de bassin et le directeur général des ressources hydrauliques du Liban. Il invente donc ce terme, un concept repris depuis par l'Unesco, et par Erik Orsenna, invité de cette émission, qui l'évoque dans un entretien à Libération en 2017. Fadi Comair explique ainsi son idée initiale : « Favoriser la culture du dialogue et le partage équitable de l’eau entre pays riverains et stigmatise comment certains pays utilisent l'eau dans des buts hégémoniques, militaires et financiers. » Ce sujet s’est tellement imposé dans le débat public que c'est devenu l'intrigue de Quantum of Solace où James Bond doit déjouer les plans machiavéliques d'un méchant qui veut s’emparer des réserves d'eau du monde entier.

Erik Orsenna explique l’hydrodiplomatie en ces termes : « C'est essayer de se mettre d'accord sur la quantité d'eau ou bien, de faire la guerre de l'eau. Dans chacun des fleuves, il y a des tensions internationales, mais aussi nationales, parce qu'il y a des guerres civiles de l'eau,  notamment chez nous. Cette question devient absolument clé à notre époque. »

L’eau, le cœur de la vie, mais aussi de toutes les batailles à venir

Les problèmes géopolitiques liés à l’eau ont toujours existé, mais ils sont de plus en plus d’actualité : « Ça arrive par exemple entre l’Egypte et l’Ethiopie et le barrage Renaissance, mais aussi dans un même pays. On peut citer le Colorado qui n’arrive pas à la mer parce qu’il y a une bataille entre les différents utilisateurs, d'un côté Las Vegas avec un Venise en plein milieu du désert, et de l'autre, Los Angeles où les producteurs d'amandes demandent une culture qui nécessite énormément d'eau. L’eau est vraiment le cœur de la vie, elle relie tous les éléments de la plus petite à la plus grande échelle, mais c'est aussi le lieu de toutes les batailles présentes et sans doute à venir. »

Désaliniser les océans ?

Les océans représentent 70 % de la surface de la planète. Pourtant, on manque d'eau ou l’on craint d’en manquer. Est-ce que la solution de ne serait-elle pas de dessaler les océans ? « Cela pose deux problèmes. Pour retirer du sel, il faut projeter avec une grande pression l'eau dans des membranes. Il faut une pression tellement forte qu'il faut une énergie monumentale. Pour régler la question de l'eau, il faudrait d’abord régler celle de l'énergie. Les pays qui dessalinisent le plus sont les pays qui ont le plus d'énergie comme les pays du Golfe qui n'ont pas d'autres solutions, car ce sont des déserts. La deuxième question, c’est de savoir ce que l’on fait du sel. Quand vous retirez le sel, vous avez des courants énormes le long de la côte et si vous les mettez quelque part, ils vont remonter dans l'air et avoir des tas de conséquences. »

La même quantité d’eau, mais inégalement répartie

Erik Orsenna est aussi économiste et s’intéresse donc à la croissance de l’eau : « Les fleuves, par exemple, sont tous en difficulté. Non pas parce qu’ils ont moins d’eau, mais parce qu’ils alternent des inondations et des sécheresses. Avec la théorie du ruissellement, on avait pensé que la croissance allait se répartir à part égale, et bien non. La nature nous apprend que dans les régions du monde où il y a beaucoup d'eau, il y en aura encore plus, et dans les régions qui ont peu d’eau, il y en aura encore moins. Il y a globalement la même quantité d'eau, mais elle est inégalement répartie. » Erik Orsenna lance une alerte dans un endroit très particulier de l’Afrique de l’Ouest, en Guinée dans le massif du Fouta-Djalon où se trouve une immense forêt dévastée par l’exploitation des terres : « Si nous n’avons plus de ces forêts, comme en Amazonie, nous n’aurons plus d'évapo-transpiration, donc plus de source pour ces fleuves. Imaginez ce qui va se passer s'il y a encore moins d'eau au Sénégal, dans le fleuve Gambie ou dans le fleuve Niger où il y a déjà une situation extrêmement tendue. »

Des réseaux d’eau défectueux

Pour Erik Orsenna : « Nous n’avons tellement pas fait attention à l'eau que l’on n'a pas réhabilité les réseaux qui conduisent l'eau jusqu'à nos robinets. Ce sont de très vieux réseaux où il y a 25 à 35 % de fuites. Une solution face au manque d'eau, c'est de réhabiliter ce réseau, ce qui veut dire de faire des investissements, mais qui ne seront pas rentable. Ces travaux vont bloquer tout le monde le prix de l'eau va augmenter. Notre génération porte la responsabilité des dettes du passé. Pas seulement des dettes financières, mais des dettes d'équipement, car on considérait que jamais on ne manquerait de cette ressource essentielle. On voit que c'est à la fois local puisque en France, il y a des conflits à l'eau, mais aussi à international. L’hydrodiplomatie, c'est aussi éviter les guerres civiles. »

L’exemple de l’Australie

À l’étranger, il y a un pays qui est un modèle dans sa gestion de l’eau, l’Australie. Ce grand continent devrait inspirer la France par ses pratiques : « L'Australie a fondé son développement économique sur deux activités qui demandent beaucoup d'eau : l'agriculture et la mine. Pour retirer le minerai de la gangue, il faut beaucoup d'eau, les Australiens ont développé des systèmes incroyables. Par exemple, quand vous avez un terrain, vous avez en même temps un droit d'eau. Si vous décidez que c'est moins rentable de produire, vous pouvez remettre ce droit d’eau sur le marché. Autre exemple, à Singapour, on traite directement l'eau des toilettes pour qu’elle soit réutilisée dans les robinets. »

🎧 Pour en savoir plus, écoutez l'émission...

9h10 - L'invité de Sonia Devillers
20 min

Programmation musicale

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