

Désignant une personne qui prône une intervention de l’État réduite au minimum pour avoir le droit de jouir de sa liberté individuelle, le libertarien et son mouvement prennent une ampleur considérable ces dernières années notamment aux États-Unis. Mais quelles sont les dérives du libertarisme ?
- Olivia Leboyer Professeur à l'IEP Paris
Avec :
Olivia Leboyer, Docteur en sciences politiques à Sciences Po, elle a publié "Élites et libéralisme" aux éditions du CNRS.
Les origines du libertarisme
Libertarien vient du mot libertaire. Ce mot, on le doit à un historien et homme politique anglais, William Bell. C'est en 1789 qu'il l'utilise pour la première fois. Il ne faut pas confondre libertaires et libertariens. Ils n'aiment pas être associés : les libéraux voient chez les libertaires, une bande d'anarchistes, pas loin d'être des zadistes. Les libertaires, eux, voient les libéraux comme des réactionnaires de droite. Tout a commencé par le libéralisme classique. C'est là que s'est forgé le libertarisme tel qu'on le connaît aujourd'hui. On doit ce terme à John Locke au XVIIᵉ siècle puis à Friedrich Hayek dans les années 60.
À cette époque, un livre important est publié, La grève d'Ayn Rand. Il va structurer la réflexion libertarienne dans le monde. Le livre de la philosophe américaine ne sera traduit en français qu'en 2011, 54 ans après sa sortie, car le libertarisme, c'est aux États-Unis, le pays des libertés individuelles par excellence, qu'on en parle le plus.
Pour les libertariens, tout repose sur la dignité fondamentale de chaque individu : "Fais ce que tu veux de ce que tu as avec ceux qui sont d'accord", voilà la pensée des libertariens. Pour eux, chaque personne doit être seule décisionnaire de ses mœurs et de ses actions.
Deux créateurs sont souvent associés au libertarisme : Trey Parker et Matt Stone, les deux créateurs de la série animée South Park. Ils ont déclaré que le libertarisme est probablement le mouvement le plus proche de leurs idées politiques.
Le libertarisme, un courant aux pensées multiples
Contrairement aux idées reçues, le libertarisme n'est pas nécessairement de droite et n'a pas non plus une pensée unique, comme l'explique Olivia Leboyer : « Il n'y a pas un seul libertarisme, le courant de pensée est assez foisonnant. Ils ne sont pas tous sur le même curseur entre la liberté et l'égalité, ou sur leur vision de l'État. Certains veulent un État minimal, d'autres sont sur l'idée que l'État n'est pas nécessaire. Il y a aussi les anarcho-capitalistes comme David Friedman. Il y a aussi un libertarisme de gauche qui se développe depuis quelques années, qui souhaite une redistribution des richesses et qui passerait par une dette qu'on devrait à la terre, à l'humanité dans son ensemble et non à la société. Mais ça reste souvent un courant à droite économiquement. »
Le libertarisme, un paradoxe
Si les libertariens sont en général opposés sur le plan extérieur aux interventions, aux guerres, Elon Musk s'est d'ailleurs récemment immiscé dans le conflit en Ukraine avec un plan de paix qu'il propose sur Twitter. D'un autre côté, les libertariens sont pour le port d'armes puisqu'ils prônent une liberté totale : « C'est compliqué pour un libertarien d'être cohérent et c'est pour ça qu'ils sont parfois un peu comiques dans leurs prises de positions successives. »
L'exemple d'Elon Musk
Dans la pensée libertarienne, la liberté individuelle est centrale, ce qui explique certaines prises de position du libertarien le plus connu du grand public, Elon Musk : « Il agit beaucoup par surprise et c'est peut-être ça qui est d'ailleurs le principal ressort de son libertarisme. Cette pensée individuelle qui met l'accent sur le fait que la propriété de soi est cardinale, qu'elle est au cœur du libéralisme tel que les libertariens le conçoivent, c'est l'idée que l'individu est soit contre la société et l'État ou bien en partenariat avec lui, mais dans ce cas, à armes égales pour agir. Elon Musk n'hésite pas à intervenir dans des domaines extrêmement variés, qu'ils soient économiques, spatiaux, géopolitiques en tant qu'individu. »
Les libertariens et le rapport au pouvoir
Le problème des libertariens, c'est aussi le gouvernement : « Ils ne souhaitent pas arriver au pouvoir et gouverner, ce n'est pas leur but. La plupart des libertariens ne croient pas dans la légitimité par le vote par exemple. C'est pour cela que le Parti libertarien en tant que tel est paradoxal. S'ils arrivaient au pouvoir, ils autoriseraient n'importe qui à dire n'importe quoi mais pas en tant qu'État. Ce ne serait pas eux les garants, la justice ou le droit car ils croient en l'auto-régulation de la société. »
Libertarisme, complotisme et survivalisme
Est-ce que le mouvement libertarien ne se rapprocherait pas de la sphère complotiste ou encore du courant survivaliste ? Pour Olivia Leboyer : « Il y a peut-être des personnes qui font un mix ou un amalgame de plusieurs de ces courants émergents. Mais là aussi, il y a un paradoxe ; ça paraît à la fois farfelu et surréaliste, par moment utopique, on se dit spontanément que ce sont des théories inapplicables, mais par exemple, les livres d'Ayn Rand sont des best-sellers. Il y a une audience et dans l'imagination de certaines personnes, il y a quelque chose qui fermente et qui peut donner lieu à des tentations où l'on peut mixer plusieurs idéologies pour en faire un pot-pourri. »
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Programmation musicale
- 16h14
I've got a woman Ray CHARLESI've got a womanAlbum Pure genius : The complete Atlantic recordings / CD 1Label WARNER MUSIC
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