La grande démission, la tendance qui bouleverse le monde du travail

Avec : Tristan Dupas-Amory, chercheur associé au Centre d'études et de recherches sociologiques (ESCP)

La grande démission est un phénomène venant des Etats-Unis et de plus en plus présent en France. Au premier trimestre 2022, ce sont 470 000 personnes en CDI qui ont claqué la porte. Un taux de démission de 2,7 % au plus haut depuis la crise financière de 2008 qui avait atteint 2,9 %. Pour les entreprises de 50 salariés ou plus, le taux de démission est le plus élevé depuis 1993. Alors, phénomène ponctuel ou véritable bouleversement sociétal ? Si l'on peut rapprocher la crise financière de 2008 avec celle du Covid, il faut dire que ces deux événements ont eu un effet révélateur sur les salariés.

Le Big Quit, une tendance venue des Etats-Unis

Aux États-Unis, ce sont 38 millions d'Américains qui ont quitté leur emploi en 2020, pour ce phénomène que l'on appelle le Big Quit. Pour l'universitaire américain Anthony Klotz, qui avait prédit la grande démission avant que les statistiques ne lui donnent raison, la crise du Covid n'est pas la cause de ce phénomène. Pour lui, qui a également démissionné de Texas A&M pour occuper un nouveau poste au Royaume-Uni, à l’école de gestion de l’University College London, ce serait tout d'abord un arriéré de démissions refoulées depuis la première année de la pandémie. Les salariés se sont alors remis en question sur leurs emplois qu'ils auraient pu quitter. Il explique : « Ce que j’entendais sans cesse, c’était : ‘Avant la pandémie, j’organisais toute ma vie autour du travail, mais à la sortie de la pandémie, les gens disaient : « J’ai besoin de travail pour m’occuper de ma vie ». Selon lui, le taux de démission pourrait rester supérieur à la moyenne pendant encore deux voir trois ans, avec pour cause une période d'expérimentations des manières de travailler : « Je pense que cela va continuer à maintenir le marché du travail quelque peu instable pendant un certain temps. De plus, les gens sont encore en train de faire le tri dans leur vie et à quoi ils veulent que leur avenir ressemble. »

Le goût du télétravail

Sept actifs sur dix exigent désormais de pouvoir être libres de travailler depuis leur bureau ou depuis chez eux. Tristan Dupas-Amory, chercheur associé au Centre d'études et de recherches sociologiques et invité de l'émission explique ce changement : « Auparavant, on considérait que le levier principal, c'était le salaire. Autrement dit, le prix dont vous allez payer un salarié pour qu'il fasse ce qu'il a à faire. Et finalement, ce qui est important aujourd'hui, c'est plutôt la valeur, c'est-à-dire l'utilité pour l'individu. Ça s'incarne toujours par le salaire, mais aussi par des modes d'organisation et dont le télétravail. » Mais comment les entreprises et les patrons vont faire pour s'adapter à cette accélération des modes d'organisation ?

La grande rotation, autre phénomène du monde du travail

Pour la journaliste Lucie Robequain : « Si les entreprises peinent à recruter, elles doivent renouer avec deux catégories, les jeunes et les seniors. » Alors que le CDI n'a plus la côte chez les jeunes et que de plus en plus se tournent vers l'auto entrepreneuriat, en France, les salariés qui quittent un CDI se recentrent sur trois secteurs : Santé, restauration et service à la personne. Issus de cette première vague de démissionnaires à l'été 2020, un certain nombre est finalement revenu à leur métier d'origine. Mais comment expliquer ce phénomène que l'on nomme la grande rotation ? Les salariés sont donc au cœur de ces mutations comme en témoigne l'apparition d'une nouvelle tendance avec le hashtag quiet quitting, littéralement la démission silencieuse.

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