Poétique d'objets à Dunkerque: de Francis Ponge à l'oeuvre

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Poétique d'objets à Dunkerque: de Francis Ponge à l'oeuvre

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A Dunkerque, le LAAC propose Poétique d'objets, balayant tout l'art du XXième siècle, depuis que l'objet est entré en scène pour faire oeuvre. Ready-made, surréalisme, Nouveau Réalisme, Art orienté objet, Fluxus, tous les courants ayant fait de l'objet leur matière, ont droit de citation dans ce panorama enjoué et poétique conçu par Marion Daniel et Aude Cordonnier. Ce blog, écrit sous le signe de Schwitters et de Francis Ponge, ne pouvait évidemment pas passer à côté de ce propos. Marion Daniel a eu la bonne idée de refaire le lien entre toutes ces expressions artistiques par le biais de Francis Ponge, qui d'un cageot sut faire un poème.

blogcs vu lu pris
blogcs vu lu pris
© Christine Siméone - Christine Siméone

Le 22 février 1962, Francis Ponge écrit ceci en exergue du catalogue de l’exposition Antagonismes 2 – L’objet au Musée des arts décoratifs à Paris.

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Le rapport de l’homme à l’objet n’est du tout seulement de possession ou d’usage. Non, ce serait trop simple. C’est bien pire. Les objets sont en dehors de l’âme, bien sûr ; pourtant, ils sont aussi notre plomb dans la tête. Il s’agit d’un rapport à l’accusatif. L’homme est un drôle de corps, qui n’a pas son centre de gravité en lui-même. Notre âme est transitive. Il lui faut un objet, qui l’affecte, comme son complément direct, aussitôt .

George Brecht, chaise, moulin à café rempli de grains de poivre
George Brecht, chaise, moulin à café rempli de grains de poivre
© adagpparis2010

Et l’on se prend à rêver en relisant Ponge, que l’homme sans objets autour de lui, serait resté un élément de la Nature. Il aurait été une part de l’équilibre naturel et global. Les objets forment autour de lui, et en lui, un univers, un autre monde, la projection de tout son être, même le plus inconscient. Autant dire que si l’homme n’a pas créé la Nature, il a bel et bien créé le monde-objet. Le monde-objet, une seconde nature pour l’homme, juste avant la troisième le monde virtuel et celui de l’objet numérique.L’objet point d’appui et projection pour l’intime de chaque individu, et la grande forêt des objets comme peuple et territoire de l’humain.

Dans Les Pré-Voyants, Alain Jouffroy, (édition La Connaissance s.a. à Bruxelles, 1974°, cite Feuerbach en ses termes :__

La conscience de l’objet est la conscience de soi de l’homme . C’est à son objet que tu connais l’homme ; c’est en lui que t’apparaît son essence : l’objet est son essence révélée, son moi vrai et objectif. (cité par Marx, dans les Manuscrits de 1844).

Depuis Feuerbach les objets standardisés et industrialisés nous ont submergés, et il n'est plus certain que chacun d'entre eux ait une valeur symbolique, de témoin, et que nous puissions nous incarné en chacun d'eux. Ils sont aussi, par leur mulitiplication obscène, le signe d'un vide de sens. Les artistes qui s'accrochent encore aux objets, essaient de nous arrimer au réel avant que nous n'ayions définitivement sombrer dans la marée informe des ces matières certes façonnées mais de moins en moins déterminées.

Dana Wyse  Jesus had A Sister Productions 1996-2009
Dana Wyse Jesus had A Sister Productions 1996-2009
© Oscar Monsalve/ Dana Wyse - Oscar Monsalve

De Schwitters (qui tenait les objets pour des témoins) à Tony Cragg et ses objets-détritus, en passant par les facéties de George Brecht ou les voitures miniatures mises en vitrine par Arman, Poétique d'objets à Dunkerque, rend un panorama assez varié de tout ce que les artistes ont pu faire des objets. Certains ont depuis longtemps classé toutes ses formes artistiques comme du non-art, prémisses de "l'art comptant pour rien", témoin du cynisme signalé par Marcel Duchamp qui montra qu'un ready-made pouvait soulever plus d'enthousiasme qu'une peinture bien faite. Mais l'humour, la dérision, la poésie, la volonté manifeste de ne pas faire de l'art pour l'art dans nombre de ces démarches, ont une force indéniable. C'est qu'à travers les objets, cet art là nous parle de nous, plus que d'art.

Francis Ponge encore dans la Rage de l’expression, Mermod, préface, 1952 dit ceci :

« En revenir toujours à l’objet lui-même, à ce qu’il a de brut, de différent… Reconnaître le plus grand droit à l’objet, son droit imprescriptible, opposable à tout poème. L’objet est toujours plus important, plus intéressant, plus capable (plein de droits) : il n’a aucun devoir vis-à-vis de moi, c’est moi qui ai tous les devoirs à son égard »

L'enchantement des objets à Dunkerque >

La Galerie Photos de l'exposition Poétique d'objets à Dunkerque, ici>

blogcs signature C Simeone
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