
Le tribunal de Paris rendra son jugement ce mercredi dans le procès d'un Cercle de jeux clandestin démantelé fin 2014. Un joueur professionnel, très connu dans le milieu du poker est poursuivi pour association de malfaiteurs. Co-organisateur ou simple joueur ? Quelle vérité judiciaire si personne ne ment ?
Une partie de poker clandestine s'est jouée début décembre 2014, comme il y en a eu beaucoup d’autres après une série de fermetures administratives de cercles de jeux dans la capitale.
Il est un peu plus de 16 heures dans un très chic appartement du 16e arrondissement loué pour l’occasion. La table de poker a coûté un peu plus de 1200 euros. La liste de joueurs s’allonge chaque jour depuis plusieurs semaines, jusqu’à l’intervention de la Brigade de répression du banditisme (BRB).
Dans la cuisine de l’appartement, une figure du milieu du poker fume une cigarette. Antony Lellouche est un joueur professionnel, sponsorisé à une époque par un site de paris en ligne. Il a déjà connu des descentes de la BRB dans des parties privées donc clandestines. "C’est choquant, ça plait pas mais les joueurs ne sont pas…" dit-il, sans finir sa phrase à la sortie de l’audience du Tribunal mardi à Paris, visiblement secoué par le réquisitoire de la procureure qui a réclamé à son encontre un an de prison avec sursis et 20 000 euros d’amende.
"C’est impossible que je fasse du sursis parce que je joue au poker ! "
"Cette fois –ci (il avait été arrêté et placé en garde à vue, ndlr) on a considéré que de jouer au poker professionnellement, c’était comme organiser. Que mon rôle qui est un peu rassembleur parce que je suis connu avec des gens qui veulent combattre contre moi parce que c’est intéressant, eh bien ça c’est passible de… Et le fait que des croupiers étaient à la rue parce qu’ils n’avaient plus de travail à cause de la fermeture des cercles de jeux m’ont contacté en me demandant s’il y avait une partie privée. J’ai dit qu'oui, que Franck F. faisait une partie privée. Ils l’ont appelé et ça, c’est passible aussi de… excusez moi je suis un peu choqué de cet après midi, c’était un peu dur aussi. c’est impossible que je fasse du sursis parce que je joue au poker, c’est pas possible".
Pas de commissions touchées
L’avocat d’Antony Lelouche, Maitre Philippe Sarda, qui a demandé la relaxe pour son client, aura passé sa plaidoirie à dénoncer une enquête « abominablement » à charge, se demandant pourquoi un autre joueur allias « François » qui a reconnu avoir touché des commissions pour avoir amené des clients chinois très joueurs, n’était pas dans le prétoire. C’est le cas également de certains croupiers : "Au regard des principes de droits et d’équité les plus basiques, c’est inadmissible, absolument inadmissible" poursuit l’avocat parisien. Et de conclure sur l’incapacité de la procureure de démontrer objectivement la moindre charge contre son client en lien avec une « association de malfaiteurs», en « bande organisée ». Pour Philippe Sarda « il est acquis au dossier qu’il n’a pas perçu de commissions alors que c’est LE critère numéro 1 de la participation à la maison de jeux et malgré cela on en tire pas les conséquences… »
Les deux défenseurs d’Antony Lellouche présents mardi à l’audience affirment avoir effectué des recherches très poussées. D'après eux, depuis plus deux siècles, aucun joueur de poker n’a été condamné en tant que joueur, affirmant que tous les professionnels appellent d’autres joueurs qu’ils connaissent ou contactent des croupiers. La condamnation d’Antony Lellouche serait donc une première du genre.
"C'est la vérité". La vérité...
Les autres accusés ont tous reconnu les faits. L’un d’eux était même attendu à la sortie par des policiers de la BRB qui voulaient l’entendre dans une autre affaire.
L’organisateur principal Franck F., lui, a tenté d’exonérer entièrement Antony Lellouche. Arrivé en retard, sans avocat , il jure qu’il n’a « plus un rond » et que ses « poches sont vides ». Il travaille deux heures par jour comme commercial dans une entreprise de transport, mais "c’est la vérité, je ne touche plus aux cartes ". Le président du tribunal le coupe plusieurs fois, comme s’il n’était pas obligé non plus de trop en faire avec le risque que l’on pense qu’il ment peut être un petit peu… La procureure a également requis un an de prison avec sursis contre lui et 30 000 euros d’amendes.
A la toute fin du procès, le seul croupier renvoyé devant le tribunal vient redire avec des sanglots dans la voix qu’il avait perdu son job fin 2014 après 15 ans de passion parce que l’Etat avait décidé de condamner les cercles de jeux de la capitale et que lui avait des enfants à nourrir. Il ne touchait même pas le chômage puisque le cercle (Cadet) où il travaillait était en fermeture administrative en attendant la liquidation judiciaire. Et ça pour le coup, plusieurs centaines de salariés des cercles de jeux parisiens pourraient attester que c’est la vérité…
Le jugement sera rendu ce mercredi après-midi à 13 heures 30 par la 16 e chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris.
Actualisation le 21/06 : le joueur professionnel de poker Antony Lellouche a finalement été condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende. A l'instar de cinq autres prévenus, il a été condamné pour participation en bande organisée à la tenue d'une maison de jeux de hasard mais relaxé du chef d'association de malfaiteurs