A La Ferté-Saint-Cyr, en Sologne, le projet d'un luxueux "Chambord Country Club", comprenant golf, villas, piscine et tennis, non loin du célèbre château, suscite l'opposition. Ce complexe touristique de luxe, soutenu par les élus locaux, inquiète des habitants et des conseillers régionaux.
"Un projet pharaonique qui ne va rien apporter à notre village" : dans le centre bourg de La Ferté-Saint-Cyr, la plupart des habitants tiennent le même discours. "Il y a déjà juste à côté un golf réputé : ce projet n'apporte rien" lâche une autre habitante. Ce projet, c'est le "Chambord country club", un futur complexe touristique luxueux, imaginé par l'architecte Jean-Michel Wimotte, comprenant notamment 565 maisons, un golf, un centre équestre, une piscine et des terrains de tennis.
Ce projet, vieux de dix ans, a d'abord été retoqué en 2014 par le tribunal administratif, après un recours d'opposants qui dénonçaient notamment le défrichage de la forêt solognote. Le permis d'aménager, lui, a été validé par la justice, et purgé de tout recours. Revu et corrigé, le projet est donc revenu sur la table en 2015, et a fait l'objet d'un examen par la Commission nationale du débat public, qui vient de rendre son bilan, fin novembre dernier.
Le débat reste vif, avec notamment près de 700 signatures pour la pétition de l'association "Sologne Nature Sauvage", portée par Bénédicte de Saint-Pierre, qui s'oppose au projet et dont la propriété longe le site. Pour elle cet aménagement signerait "la mort du village", car les commerçants du centre bourg se verraient concurrencer par ceux qui s'implanteront aux abords des futures habitations secondaires et touristiques.
Mais ce qui l'inquiète, ce sont surtout les conséquences pour l'environnement. "On s'alarme quand la forêt est en danger en Australie ou en Amazonie, je pense qu'on a le devoir de s'alarmer quand elle est en danger chez nous, dans nos campagnes" dit-elle.
Plus de 500 maisons dans une zone classée "Natura 2000"
Pour l'instant, une partie des 400 hectares à aménager sont occupés par une ferme, maraîchère et d'élevage bovin, dans cet espace classé "Natura 2000". "Une zone Natura 2000, c'est une zone où il y a des choses à protéger" défend donc Yves-Marie Ahusseau, agriculteur bio, représentant de la Confédération paysanne, dans le village voisin de Saint-Laurant-Nouan, qui s'oppose à l'utilisation de terres agricoles.
Mais le projet a le soutien des élus locaux, dont l'ancien maire Jean-Paul Prince, désormais sénateur et défenseur de l'aménagement depuis le départ. Pour Gilles Clément, président de la communauté de communes du Grand Chambord, il pourrait contribuer à rendre le territoire plus attractif pour des touristes qui, pour le moment, ne s'attardent guère lors de leurs visites des châteaux de la Loire, et dans une zone où l’hôtellerie de luxe manque.
Des emplois pour la Sologne ?
Le porteur du projet promet en outre plus de 200 emplois à terme, dans un secteur très dépendant de la centrale nucléaire de Saint-Laurent Nouan. "Un jour, la centrale cessera son activité et ce sera une perte de 1000 emplois, il faut donc trouver d'autres sources d'emplois" défend Gilles Clément.
Le porteur du projet, la société Saneo, défend par ailleurs ses adaptations aux exigences écologiques. Selon lui, seules 5% des 400 hectares aménagés seront artificialisés, et il s'engage à réduire la consommation d'eau, y compris sur le golf, qui ne puiserait pas autant dans les nappes que les terres agricoles irriguées. "Toute la Sologne ou presque est en Natura 2000, est ce que cela veut dire qu'on ne peut rien construire ? Non, Dieu merci !" se défend Bernard Saunier, le porteur du projet.
Le conseil régional s'oppose au projet
A l'heure où il faut limiter les déplacements en avion, Bernard Saunier défend même l'idée d'un tourisme plus responsable, aux déplacements moins polluants, à deux heures de route seulement de Paris. Mais sur sa route, il vient de trouver l'opposition des élus écologistes régionaux, qui voient dans cet engagement un enrobage écologique.
Le 19 décembre, le conseil régional Centre Val-de-Loire a adopté un vœu pour s'opposer au projet, dans un secteur qui compte déjà quatre golfs, à proximité également de Center Parcs et du zoo de Beauval. "C'est le vieux monde, cette idée qu'en plein cœur de la Sologne, déjà mitée par de très nombreux projets, qu'on puisse encore prendre sur des espaces de réserves naturelles pour des loisirs" argumente Charles Fournier, vice président du conseil régional et président du groupe écologiste, qui pointe aussi une augmentation des déplacements de véhicules : "Ces types de projet ne sont pas adaptés".
Dans les semaines à venir, une nouvelle enquête publique est prévue sur les aspects environnementaux du projet. De son côté, le Domaine national de Chambord, dans un communiqué publié vendredi, dénonce une "confusion" dans l'usage du nom du célèbre château, rappelant que le projet touristique est porté "par un promoteur immobilier privé". Le Domaine national conteste "le détournement qui est doublement opéré du nom de Chambord, dénomination d'une commune et d'un domaine national" et a donc demandé aux porteurs du projet "le retrait de la dénomination" par voie d'avocat.