
Une équipe américaine a étudié 1500 danses d'abeilles mellifères pour voir quel était leur menu préféré. Cela pourrait-il aider à réensemencer les prairies du Minnesota qu'elles ont depuis longtemps désertées ? La question n'est pas tranchée.
Connue depuis 100 ans, la danse des abeilles n'en finit pas de fasciner. Elle ressemble à une sorte de twerk : il s'agit de bouger l'abdomen pour communiquer avec les congénères. La danse, souvent étudiée par les chercheurs allemands et américains, se produit dans le noir de la ruche. Comme d'autres, Margaret Couvillon, co-auteur de l'article parue dans Plos One l'a décryptée de façon pédagogique en vidéo.
Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.
Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.
Pour signaler une source de nectar ou de pollen à leurs congénères, les butineuses (et seulement elles) réalisent des 8 avec un certain angle par rapport au cadre de la ruche. L'angle et le sens de rotation fournissent l'indication de la direction que les autres insectes devront prendre par rapport au soleil en sortant de la ruche. Quant à la distance à parcourir, elle est fournie par la durée de la danse. Une seconde correspond plus ou moins à 1 kilomètre de distance. "Si la nourriture est à proximité, les butineuses se contentent de tourner sur elles mêmes", précise Aurore Avarguès-Weber, chercheuse CNRS au centre de recherches sur la cognition animale de Toulouse.
Au Minnesota, offrir plus de prairies aux abeilles?
Dans l'étude en question, Morgan Carr-Markell, post doctorante à l'université du Minnesota a voulu étudier le butinage sur des prairies à bisons, désormais réduites à peau de chagrin (2% de la superficie qu'elles occupaient avant la colonisation par les Européens) et avec elles les abeilles. Restaurer ces prairies pourrait-il être une solution pour attirer plus d'abeilles et ainsi lutter contre l'effondrement des populations constatées dans le Minnesota comme ailleurs dans le monde ? Apiculteurs et agriculteurs sont particulièrement intéressés par cette recherche. Les premiers pour sauver les insectes, les seconds pour soutenir le rôle indispensable dans l'agriculture que joue les pollinisateurs.
L'étude ne répond pas vraiment à la question. Pour identifier les cibles choisies par les abeilles et les corréler avec la danse, des ruches ont été installées dans deux prairies. 1528 vidéos de danse ont ensuite été décodées. Résultat : 10% des vols d'abeille se sont faits en direction des prairies où se trouvent des plantes indigènes, de type graminées notamment. Les abeilles sont aussi allées voir autour, sans que l'étude ne détaille quelles fleurs elles ont trouvé ailleurs.
Décoder les types de danse
Mais parce que la danse est stéréotypée, difficile de retracer à partir des vidéos le menu favori des abeilles. "Il y a deux types de danse : celle à partir du moment où les fleurs ou les arbres en fleurs sont distants d'au moins 300 ou 400 m de la ruche. La deuxième danse consiste à tourner en rond de façon frétillante pour dire qu'il y a quelque chose dans les alentours de la ruche" détaille Aurore Avarguès-Weber. Pour la scientifique, ce n'est pas forcément le meilleur moyen d'identifier le repas des abeilles car cela manque de précision. "Le taux d'erreur est important. Il faut que l'abeille soit très précise, sans se tromper du moindre degré au départ. Cela peut, au bout d'un kilomètre emmener l'abeille loin de la source de nourriture". Utiliser l'identification des pollens rapportés à la ruche est une technique bien plus fiable.
Les abeilles ont des préférences connues: les fleuves odorantes, les fleurs à nectar abondant. Mais elles s'adaptent. Fleurs indigènes ou pas, elles s'en moquent . Ce qui leur importe c'est d'avoir tout au long de l'année une source de nourriture. En présence d'une monoculture de colza par exemple, elles peuvent se trouver à court de nourriture, une fois la récolte achevée. Dans l'étude américaine, sept types de prairies ont été identifiés comme de bonnes sources de pollen, mais les données recueillies ne disent pas dans quelle mesure cela a permis de renforcer les ruches à l'automne. Or c'est un enjeu majeur pour la survie des abeilles à l'hiver selon Jean-François Odoux, de l'équipe "Ecologie des prairies" à l 'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement INRAE.
Pour contrer l'effondrement des populations d'abeilles, les solutions sont en partie connues, à commencer par la préservation de la biodiversité. Cela passe notamment par une réduction des monocultures et une réduction des pesticides. "Les prairies sont une voie prioritaire pour contribuer à la remontée des populations" estime Jean François Odoux.