Pourquoi faut-il lire des nouvelles ?

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Pourquoi faut-il lire des nouvelles ?

La nouvelle ce genre littéraire mal aimé et pourtant si riche
La nouvelle ce genre littéraire mal aimé et pourtant si riche
© Getty - Catherine Delahaye

En France, la nouvelle est un genre littéraire souvent déprécié. Or elle recèle de multiples qualités de narration et d'évocation qui font de sa lecture un grand plaisir. Tentative de réhabilitation.

Les journalistes littéraires Christine Ferniot, Christilla Pellé-Douël, Nicolas Carreau et l'écrivaine Sonia Feertchak, étaient les invités de l’émission Grand bien vous fasse d’Ali Rebeihi. Ces spécialistes de littérature ont promu cet art du récit court souvent aussi savoureux que les histoires longues.

Format, intrigue… Qu’est-ce qui caractérise la nouvelle ? 

Nicolas Carreau : « La différence entre un roman et la nouvelle, c'est ce mécanisme très particulier de raconter une histoire et de retomber sur ses pattes. Souvent, on y trouve un twist final : tout est ramassé d'un seul coup et tout prend sens en quelques secondes, en quelques mots »

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Sonia Feertchak : « La différence entre une nouvelle, et un roman c'est la simplicité peut-être, plus que la brièveté : il y de moins de personnages, l’intrigue est moins complexe et le développement moins amplifié, Mais ce n’est pas moins savoureux. »

Christine Ferniot : « La nouvelle, ce n’est surtout pas un roman raccourci, ni une préparation pour écrire un roman. »

Pas une nouvelle, mais des nouvelles

Nicolas Carreau : « Il y a les novellas d’un peu plus de 100 pages. Par exemple, Des souris et des hommes de John Steinbeck. Stephen King en a écrit plusieurs comme par exemple, La rédemption de Shawshank qui a été adaptée sous le titre Les évadés au cinéma. 

Il y a la nouvelle, donc, entre 10 et 90 pages. 

Et puis, en dessous, il y a aussi la micro-fiction qui peut tenir en quelques lignes seulement.

Françoise Sagan dans Inter Actualités en 1976 :

« Ça ne prend pas beaucoup de temps d’écrire une nouvelle. C'est un début, et une fin. On va du début à la fin et c'est fini. 

Tandis que dans un roman, le trajet est beaucoup plus long. C'est comme prendre un Boeing ou un gros paquebot de plaisance. Ce n’est pas pareil. 

Quand on prend une nouvelle, on sait comment ça va finir, c’est obligé. Dans un roman, on ne sait pas forcément ce que vont faire les héros. La nouvelle, c’est un genre que j'aime assez : ça distrait beaucoup, et ça m'amuse d’en écrire. Pour cela, il faut simplement savoir la fin pour retomber sur ses pieds. »

La nouvelle : la mise en œuvre d’un talent d’écriture exceptionnel

Christilla Pellé-Douël : 

Pour moi, une nouvelle, c'est vraiment une flèche qui doit partir et atteindre les lecteurs instantanément. C'est donc un exercice terriblement exigeant, très difficile. C'est du grand art et c’est difficile à réussir. 

Nicolas Carreau : « En France on a tellement sacralisé le roman qui reste l'exercice prestigieux par excellence et on dénigre volontiers la nouvelle. Or il y a plein de concours de nouvelles en France, pratiquement un par jour, c’est très populaire comme exercice. Aux Etats-Unis, la nouvelle est un genre majeur : on entre en littérature par la porte de la nouvelle. 

Ça peut pas faire de mal
48 min

La nouvelle : un effet durable

Nicolas Carreau : « Pour moi, une nouvelle est réussie quand, à la fin, il nous en reste quelque chose,  malgré sa brièveté. Dans un roman, comme le Comte de Monte-Cristo, qui doit faire 1200 pages, on a passé tellement de temps avec les personnages qu'ils sont devenus des amis. Dans une nouvelle on a juste cette impression, cette ambiance qui reste en nous. C'est fabuleux d'arriver à nous donner quelque chose de durable par ce moment très court. 

Selon la légende, Hemingway aurait fait un pari avec des copains : « Je vais vous faire la nouvelle la plus courte du monde, c'est-à-dire une histoire avec de l'émotion et une intrigue. » Et ça a donné cette nouvelle fabuleuse : 

A vendre chaussons pour bébé. Jamais servis.

On a tout ce qu'on peut pour imaginer un univers. 

Sonia Feertchak : « La force de la nouvelle, c'est que les choses sérieuses commencent à la fin. Quand le personnage vient de comprendre que son mari ou sa femme le trompait, que le grand amour de sa vie lui mentait tout le temps, qu'elle (ou lui) avait passé sa vie à rembourser une dette qui n'existait pas, qu'il n'était pas le fils de son père… Et c'est ça qui est extraordinaire, c'est que l’histoire courte continue dans notre tête. C'est vraiment une fenêtre entrouverte. Juste un instant, on s'y engouffre. On en ressort et on continue à imaginer, on gamberge.»

Annie Saumont, une maîtresse du genre à (re)découvrir 

A coté de Guy de Maupassant ou d’Alice Monro, on peut lire un florilège de nouvelles d’Annie Saumont.  Elle disait en 2008 sur France Culture : « A des élèves qui me demandaient comment ça vient une nouvelle, je leur ai dit en plaisantant : « Ce sont des petits fils qui pendent et on tire dessus. Le premier, il n'y a rien, le deuxième, il n’y a rien, le troisième, non plus et quand on tire le quatrième, il y a une nouvelle. 

En général, on n'écrit pas une nouvelle sans avoir une anecdote, ou un faits divers ou deux ou trois mots qu'on a entendus. Parfois, c’est simplement un paysage qui vous remue. 

Parce qu’au fond, le principal agent, c'est l'émotion. L'émotion qu'on a devant telle ou telle situation que l’on a envie de partager. » 

Christine Ferniot : "Regardez simplement les titres de ses recueils. Il y en a un, c'est « Moi les enfants, je n’aime pas tellement ». Un autre : « C’est rien. Ça va passer», ou encore : « Voilà, quel bonheur ! ». Dans « Le lait est un liquide blanc », il n'y a pas de majuscule au début et les deux premières lignes sont :

On me demande tu aimerais faire quoi ? J'aimerais faire rien, mais rien, ce n'est pas au programme. 

Elle trouve à chaque fois dans ses nouvelles la voix du personnage, la voix des enfants, des adultes, des vieilles personnes, et on entre avec elle au cœur de chacune de ces histoires. Elle disait: 

« De temps en temps, je me dis, je vais écrire un roman. Eh bien, au bout de trois pages, j'ai encore écrit une putain de nouvelle ! »"

D’autres auteurs de nouvelles cités dans l'émission : Guy de Maupassant (Le Horla, La Parure, Les Bijoux, Le crime au père Boniface, La confession…), O’Henry _(_Les Contes du Far west), Anton Tchekhov, Alice Monro, Daniel Boulanger, Richard Yates, Scott Fitzgerald, Dino Buzzatti, Marcel Aymé, Julio Cortazar Annie Saumont, Katherine Mansfield, Raymond Carver (Une petite douceur, Les vitamines du bonheur), Dorothy Parker, Stephen Zweig, Lionel Shriver (Propriétés privées) ou encore Richard Matheson...

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