
La loi bioéthique, qui comprend l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, sera examinée fin septembre à l’Assemblée nationale. Déjà à flux tendus, les équipes médicales se demandent comment parvenir à prendre en charge les nouvelles demandes.
"On est tout simplement paniqués", résume Nelly Frydman, responsable des activités de biologie de la reproduction au sein de l’hôpital Antoine-Béclère, à Clamart (Hauts-de-Seine). Le projet de loi sur la bioéthique, dont la mesure phare est l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires, sera examiné par les députés à compter du 24 septembre. Sans véritable réflexion sur les moyens nécessaires à sa mise en œuvre.
"L'augmentation de l'offre de soin va se faire sans avoir évalué nos capacités à prendre en charge toutes ces nouvelles demandes, s'agace Nelly Frydman. Pour les couples qui souffrent d'infertilité et qui ont besoin d'avoir recours à un donneur de sperme ou une donneuse d'ovocyte, le délai d'attente est d'au moins un an aujourd’hui. Il va forcément lourdement s’aggraver".
Les premières qui vont en pâtir, ce sont les femmes qui pensent qu'elles ont gagné un nouveau droit, alors qu’on ne va pas pouvoir appliquer la loi - Nelly Frydman
Avec la levée de l'anonymat des donneurs, les stocks de sperme vont être détruits
L’un des problèmes qui va se poser est celui du stock de gamètes. La loi à venir n’autorisera comme donneurs de sperme que ceux qui auront consenti à la levée de leur anonymat. Les stocks actuels de sperme vont donc devoir être détruits. Les renouveler prendra du temps.
"Il y a déjà une pénurie de gamètes en France, cette destruction est inadmissible"__, s’indigne Stéphanie Kryslik, de l’association BAMP, qui regroupe notamment des patients infertiles. Pour le collectif, il serait donc bien plus judicieux que les donneurs concernés soient recontactés un à un et disent s'ils consentent ou non à la levée de leur anonymat. Seuls ceux qui s'y opposeraient verraient alors leurs gamètes détruites.
Les centres privés exclus de ces nouvelles activités
Autre difficulté soulevée : ces nouvelles activités seront réservées aux structures publiques ou à but non lucratif. "Sans le privé, on n’y arrivera pas", estime le gynécologue Michaël Grynberg, chef du service de médecine de reproduction de l’hôpital Antoine-Béclère.
Ces centres sont tout à fait capables de gérer aussi bien que le font les centres publics, d’autant qu’ils ont plus de moyens. Cette crainte permanente du privé n'a pas lieu d'être, il n’y a d’ailleurs qu’en France qu’on voit ça !
Un titre spécifique dans le code civil
Quant aux enfants à naître, qu'en sera-t-il de leur filiation ? Le projet de loi prévoit un titre "spécifique" dans le code civil pour les couples de femmes. "Pourquoi les traiter différemment ?", s'insurge Emilie Duret, coprésidente de l'association des avocats LGBT.
"Nous ce qu'on souhaite, c'est l'ouverture aux couples homosexuels des modes classiques d'établissement de la filiation. Soit une égalité parfaite de droits entre couples hétérosexuels et couples homosexuels. Rien ne justifie la stigmatisation des enfants par l'inscription sur leur acte de naissance d'une déclaration anticipée de volonté", déclare l'avocate.
Elle suggère ainsi de conserver le principe déjà existant, fondé sur une présomption de la parentalité lorsque le couple est marié. Dans le cas contraire, celle qui ne porte pas l’enfant devrait alors établir une reconnaissance de co-maternité.